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Cornutus, philosophe Stoïcien, qui fut le maître de Perse, et qui ensuite a été le commentateur de ce Poëte, fait cette remarque sur ces paroles de la première satire: sum petulanti splene cachinno. « Physici dicunt homines splene » ridere, felle irasci, jecore amare, corde sapere » et pulmone jactari». Aujourd'hui on a d'autres lumières.

Perse dit que le ventre (1), c'est-à-dire, la faim, le besoin, a fait aprendre aux pies et aux corbeaux à parler.

La cervele se prend aussi pour l'esprit, le jugement: O la belle tête (2) ! s'écrie le renard dans Phèdre, quel domage, elle n'a point de cervèle? On dit d'un étourdi, que c'est une tête sans cervèle: Ulysse dit à Euryale, selon la traduction de Madame Dacier (3), jeune home, vous avez tout l'air d'un écervelé: c'est-à-dire, come elle l'explique dans ses savantes remarques, vous avez tout l'air d'un home peu sage. Au contraire quand on dit, c'est un home de tête, c'est une bone tête, on veut dire que celui dont on parle, est un habile home, un home de jugement. La tête lui a tourné, c'est-à-dire, qu'il a perdu le bon sens, la présence d'esprit. Avoir de la tête, se dit aussi figurément d'un opiniâtre : téte de fer se dit un home apliqué sans relâche, et encore d'un entêté.

(1) Perse, prolog.

(2) O quanta species! cerebrum non habet. Ph. liv. I, fab.7.

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(3) Odyssee. T. 2, p. 13.

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La langue, qui est le principal organe de la parole, se prend pour la parole: c'est une méchante langue, c'est-à-dire, c'est un médisant: avoir la langue bien pendue, c'est avoir le talent de la parole, c'est parler facilement.

VIII. Le nom du maître de la maison se prend aussi pour la maison qu'il ocupe: Virgile a dit jam proximus ardet Ucalegon (1),c'est-à-dire, le feu a déjà pris à la maison d'Ucalégon.

On done aussi aux pièces de monnoie le nom du Souverain dont elles portent l'empreinte. Ducentos Philippos reddat aureos (2): qu'elle rende deux cens Philippes d'or, nous dirions deux cens Louis d'or.

Voilà les principales espèces de métonymie. Quelques-uns y ajoutent le métonymie, par laquelle on nome ce qui précède pour ce qui suit, ou ce qui suit pour ce qui précède;c'est ce qu'on apèle L'ANTÉCÉDENT POUR LE CONSÉQUENT,OU LE CONSÉQUENT POUR L'ANTÉCÉDENT; on en trouvera des exemples dans la Métalepse, qui n'est qu'une espèce de métonymie à laquelle on a doné un nom particulier au lieu qu'à l'égard des autres espèces de métonymie dont nous venons de parler, on se contente de dire métonymie de la cause pour l'éfet, métonymie du contenant pour le contenu, métonymie du signe, etc,

(1) Æn. 2, v. 312.

(2) Plaut. Bacchid. act. IV, sc, 2, v. 8.

D

III

LA METALE PS E.

La Métalepse est une espèce de métonymie, par laquelle on explique ce qui suit pour faire entendre ce qui précède; ou ce qui précède pour faire entendre ce qui suit: elle ouvre, pour ainsi dire, la porte, dit Quintilien, afin que vous ex alio in aliud passiez d'une idée à un autre

viam præstat (1); c'est l'antécédent pour le conséquent, ou le conséquent pour l'antécédent, et c'est toujours le jeu des accessoires, dont l'une réveille l'autre.

Le partage des biens se faisoit souvent et se fait encore aujourd'hui, en tirant au sort: Josué se servit de cette manière de partager (2),

Le sort précède le partage; de-là vient que sors en latin se prend souvent pour le partage même, pour la portion qui est échue en partage; c'est le nom de l'antécédent qui est doné au conséquent,

Sort signifie encore jugement, arêt ; c'étoit le sort qui décidoit chez les Romains, du rang dans

(1) Inst. orat. Liv. VIII, c. 6.

(2) Cumque surrexissent viri, ut pergerent ad describendam terrain, præcepit eis Josue, dicens ; circuite terram et describite eam ac revertimini ad me; ut hîc coram Domino, in Silo mittam vobis sortem. Josue, chi XVIII, v. 8.

lequel chaque cause devoit être plaidée (1): ainsi quand on a dit sort pour jugement, on a pris l'an técédent pour le conséquent.

Sortes en latin se prend encore pour un oracle, soit parce qu'il y avoit des oracles qui se rendoient par le sort, soit parce que les réponses des oracles étoient come autant de jugemens qui régloient la destinée, le partagé, l'état de ceux qui les consultoient.

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On croit avant que de parler; je crois (2), dit le Prophète, et c'est pour cela que je parle. Il n'y a point là de métalepse; mais il y a une métalepse quand on se sert de parler ou de dire pour signifier croire; direz-vous après cela que je ne suis pas de vos amis? c'est-àdire croirez- vous ? aurez-vous sujet de

dire?

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Cedo veut dire dans le sens propre, je cède, je me rens: cependant par une métalepse de l'antécédent pour le conséquent, cedo signifie souvent dans les meilleurs auteurs dites ou ou donez: cette signification vient de ce que quand quelqu'un veut nous parler, et que nous

,

(1) Ex more romano non audiebantur causæ nisi per sortem adinata. Tempore enim quo cause audie bantur, conveniebant omnes, unde et concilium: et ex sorte dierum ordinem accipiebant, quo post dies triginta suas causas exquererentur, unde est urnam movet. Ser vius in illud Virgilii.

Nec verò ha sine sorte data, sine judice sedes.

Æn. lib. V, v.431

(2) Credidi, propter quod locutus sum. P. 115

V. I

parlons toujours nous-mêmes, nous ne lui donons psa le tems de s'expliquer: écoutez-moi, nous dit-il, eh bien! je vous cède, je vous écoute parlez; cedo, dic.

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Quand on veut nous doner quelque chose nous refusons souvent par civilité, on nous presse d'accepter, et enfin nous répondons je vous cède, je vous obéis, je me rens, donez cedo, da; cedo qui est le plus poli de ces deux mots, est demeuré tout seul dans le langage ordinaire, sans être suivi de dic ou de da qu'on suprime par ellipse: cedo signifie alors ou l'un ou l'autre de ces deux mots, selon le sens ; c'est ce qui précède pour ce qui suit ; et voilà pourquoi on dit également cedo, soit qu'on parle à une seule persone, ou à plusieurs: car tout l'usage de ce mot (1), dit un ancien Grammairien, c'est de demander pour soi, cedo sibi poscit et est immobile.

On raporte de même à la métalepse ces façons de parler, il oublie les bienfaits, c'est-à-dire, il n'est pas reconoissant. Souvenez-vous de notre convention, c'est-à-dire, observez notre convention: Seigneur, ne vous ressouvenez point de nos fautes, c'est-à-dire, ne nous en punissez, point, acordez-nous en le pardon (a): Je ne vous conois pas, c'est-à-dire, je ne fais aucun cas de vous, je vous méprise, vous êtes à mon égard come n'étant point.

(1) Cornel. Fronto. apud auctores lingua latinæ, p、 1335, v. cedo.

(a) Quem omnes mortales ignorant et ludificant.

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