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divinité, Sylva, un bois général : Virgile ne manque pas à cette distinction; mais le Traducteur latin est obligé de s'écarter de l'exactitude de son original.

Ne quis sit lucus quo se plus jactet Apollo (1).

Ainsi parle Virgile. Voici coment on le traduit: Ut nulla sit sylva, qua magis Apollo glorietur.

Nex, necis, vient de necare, et se dit d'une mort violente; au lieu que mors signifie simplement la mort, la cessation de la vie. Virgile dit, parlant d'Hercule :

.. Nece Geryonis spoliisque superbus (2);

Mais son traducteur est obligé de dire morte Geryonis.

Je pourois raporter un grand nombre d'exemples pareils je me contenterai d'observer que plus on fera de progrès, plus on reconoîtra cet usage propre des termes, et par conséquent l'utilité de ces versions qui ne sont ni latines, ni françaises. Ce n'est que pour inspirer le goût de cette propriété des mots, que je fais ici cette remarque.

Voici les raisons pour lesquelles il n'y a point de synonymes parfaits.

1. S'il y avoit des synonymes parfaits, il y auroit deux langues dans une même langue. Quand on a trouvé le signe exact d'une idée, (1) Virg. Ecl. VI. v. 73.

(2) En. VIII. v. 202.

on n'en cherche pas un autre. Les mots anciens, et les mots nouveaux d'une langue sont synonymes: maints est synonyme de plusieurs mais le premier n'est plus en usage: c'est la grande ressemblance de signification qui est cause que l'usage n'a conservé que l'un de ces termes et qu'il a rejeté l'autre come inutile. L'usage, ce tyran des langues, y opère souvent des merveilles que l'autorité de tous les souverains ne pouroit jamais y opérer.

2. Il est fort inutile d'avoir plusieurs mots pour une seule idée; mais il est très-avantageux d'avoir des mots particuliers pour toutes les idées qui ont quelque raport entre elles.

3. On doit juger de la richesse d'une langue. par le nombre des pensées qu'elle peut exprimer, et non par le nombre des articulations de la voix. Une langue sera véritablement riche, si elle a des termes pour distinguer, non-seulement les idées principales, mais encore leurs diférences, leurs délicatesses, le plus ou le moins d'énergie, d'étendue, de précision, de simplicité et de composition.

4. Il y a des ocasions où il est indiférent de se servir d'un de ces mots qu'on apèle synonymes, plutôt que d'un autre ; mais aussi il y a des ocasions où il est beaucoup mieux de faire un choix : il y a donc de la diférence entre ces mots; ils ne sont donc pas exactement synonymes.

Lorsqu'il ne s'agit que de faire entendre

l'idée comune, sans y joindre ou sans exclun les idées accessoires, on peut employer indis tinctement l'un ou l'autre de ces mots, pu qu'ils sont tous deux propres à exprimer qu'on veut faire entendre mais cela n'em pêche pas que chacun d'eux n'ait une for particulière qui le distingue de l'autre; et a laquelle il faut avoir égard selon le plus ou le moins de précision que demande ce que la veut exprimer.

Ce choix est un éfet de la finesse de l'esprit, e supose une grande conoissance de la langue.

FIN.

TABLE

DES ARTICLES

Contenus dans cet Ouvrage.

PREMIÈRE PARTIE.

Des Tropes en général.

V. Le traité des Tropes est du ressort de la
Grammaire. On doit conoltre les Tropes pour
bien entendre les auteurs, et pour avoir des
conoissances exactes dans l'art de parler et
d'écrire.

VI. Sens propre, Sens figuré.

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