Page images
PDF
EPUB

aplications doivent être justes autant qu'il est possible; puisqu'autrement elles ne prouvent rien, et ne servent qu'à montrer une fausse érudition mais il y auroit bien du rigorisme à condâner tout sens adapté.

[ocr errors]

aux

Il y a bien de la diférence entre raporter un passage come une autorité qui prouve, ou simplement come des paroles conues quelles on done un sens nouveau qui convient au sujet dont on veut parler: dans le premier cas, il faut conserver le sens de l'auteur; mais dans le second cas, les passages, auxquels on done un sens diférent de celui qu'ils ont dans leur auteur, sont regardés come autant de parodies 9 et come une sorte de jeu dont il est souvent permis de faire usage.

SUITE DU SENS ADAPTÉ.

De la Parodies et des Centons.

LA Parodie est aussi une sorte de sens adapté (1). Ce mot est grec, car les Grecs ont aussi fait des parodies.

Parodie (2) signifie à la lettre un chant com

(1) Athénée, l. XIV et XV.

(2) Parodia canticum. R. para, juxta et ode cantus, carmen. Canticum vel carmen ad alterius similitudinern compositum, cum alterius poetæ versus jocosè in aliud argumentum transferuntur,

posé à l'imitation d'un autre, et par extension, on done le nom de parodie à un ouvrage en vers, dans lequel on détourne, dans un sens railleur, des vers qu'un autre a faits dans une vue diférente. On`a la liberté d'ajouter ou de retrancher ce qui est nécessaire au dessein qu'on se propose; mais on doit conserver autant de mots qu'il est nécessaire pour rapeler le souvenir de l'original dont on emprunte les paroles. L'idée de cet original et l'aplication qu'on en fait à un sujet d'un ordre moins sérieux, forment dans l'imagination un contraste qui la surprend, et c'est en cela que consiste la plaisanterie de la parodie. Corneille a dit dans le style grave, parlant du père de Chimène :

Ses rides sur son front ont gravé ses exploits (1). Racine a parodié ce vers dans les plaideurs : l'Intimé parlant de son père qui étoit sergent, dit plaisament:

Il gagnoit en un jour plus qu'un autre en six mois ;
Ses rides sur son front gravoient tous ses exploits (2).

Dans Corneille, exploits signifie actions mémorables, exploits militaires; et dans les Plaideurs, exploits se prend pour les actes ou procédures que font les sergens. On dit que le

se,

Et etiam parodia, Hermogeni, cum quis, ubi partem aliquam versus protulit, reliquum à id est ; de suo oratione solutâ eloquitur; Robertson, Th. ling. græc. v. parodeo.

(1) Le Cid, act. I, sc. I.

(2) Les Piaid. act. I, sc. V.

grand Corneille fut ofensé de cette plaisanterie du jeune Racine.

Au reste (1), l'Académie a observé que les rides marquent les années ; mais ne gravent point les exploits.

Les vers les plus conus, sont ceux qui sont le plus exposés à la parodie. On trouve dans les dernières éditions des œuvrés de Boileau (1), une parodie ingénieuse de quelques scènes du Cid. On peut voir aussi dans les Poésies de Madame des Houlières une parodie d'une scène de la même tragédie (3). Le Théâtre Italien est riche en parodies. Le Poëme du VICE PUNI est rempli d'aplications heureuses de vers de nos meilleurs Poëtes ces aplications sont autant de parodies.

Les Centons sont encore une sorte d'ouvrage qui a raport au sens adapté. Cento en latin signifie, dans le sens propre, une espèce de drap qui doit être cousue à quelqu'autre pièce, et plus souvent un manteau ou un habit fait de diférentes pièces raportées : ensuite on a doné ce nom, par métaphore, à un ouvrage composé de plusieurs vers ou de plusieurs passages empruntés d'un ou de plusieurs auteurs. On prend ordinairement la moitié d'un vers, et on le lie par le sens avec la moitié d'un autre

(1) Sentimens de l'Académie Française sur les vers du Cid.

(2) Tome II, p. 411. édit. de 1726.

(3) Des Houl. édit. de 1725. p. 273.

vers (1). On peut employer un vers tout entier et la moitié d'un suivant, mais on désaprouve qu'il y ait deux vers de suite d'un même auteur. Voici un exemple de cette sorte d'ouvrage, tiré des centons de Proba Falconia (2). Il s'agit de la défense que Dieu fit à Adam et à Eve de manger du fruit défendu : Proba Falconia fait parler le Seigneur en ces termes, au chapitre XVI.

En. 2, 712. Vos famuli quæ dicam animis advertite

vestris :

2, 21. Est in conspectu ramis felicibus arbor (3)

(1) Variis de locis, sensibusque diversis, quædamn carminis structura solidatur, in unum versum ut cœant cesi duo, aut unus et sequens cuin medio : nam dues junctim locare ineptum est, et tres, unâ serie, mera nuga sensus diversi ut congruant; adoptiva quæ sunt ut cognata videantur; aliena ne interluceant ; hiulca ne pateant. Ausonius Paulo Epist. quæ prælegitur ante. Edyll. XIII.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(2) Probe Falconia vatis clarissima à S. Hieronymo comprobatæ centones de Fidei nostræ mysteriis, è Maronis carminibus, etc. Parisiis Apud Ægidium Gorbinum 1576, f. 27, in-8. Item Parisiis, apud Franciscum Stephanum 1548.

Les centens de Proba Falconia se trouvent aussi dans Bibliotheca Patrum, tom. V. Lugduni 1677. Voici ce qui est dit de cette savante et pieuse Dame dans l'Index Auctorum. Bibl. Patr. tom. I. PROBA FALCONIA uxor non Adelphi Proconsulis, ut scribit Isidorus, sed Anicii Probi Præfecti Prætorio, postea Consulis, mater Probini, Olibrii, et Probi, similiter Consulum. De qua multa Hieronymus Epist 3 et Baronius, tom. IV. et V. Annalium. Scripsit Virgilio-centones qui extant fol. 1218. Floruit non Theodosio juniore, ut vult Sixtus Senensis, sed sub Gratiano.

(3) Georg. 2, 81.

7, 692. Quam neque fas igni cuiquam nec sternere

7, 608.

ferro,

Religione sacra namquam concessa moveri (1)

II $91. Hac quicumque sacros decerpserit arbore fœtus (2),

[ocr errors]

En. 11, 849. Morte luet merità nec me sententia vertit (3):

G. 2, 315. Nec tibi tam prudens quisquam persudeat

autor

Ec. 8, 48. Commaculare manus. Liceat te vote moneri (4)

G. 3, 216. Femina, nullius te blanda suasio vincat, G. I 168. Si te digna manet divini gloria ruris.

[ocr errors]

Nous avons aussi les centons d'Etiène de Pleurre (5) et de quelques autres. L'empereur Valentinien, au raport d'Ausone (6), s'étoit aussi amusé à cette sorte de jeu : mais il vaut mieux s'ocuper à bien penser, et à bien exprimer ce qu'on pense, qu'à perdre le tems à un travail où l'esprit est toujours dans les entraves, où la pensée est subordonée aux mots, au lieu que ce sont les mots qu'il faut toujours subordoner aux pensées.

Ce n'étoit pas assez pour quelques Ecrivains, la contrainte des centons: nous avons des

que

(1) Æn. 3, 700.

(2) 6, 141.

(3) 1, 241.

(4) 5, 461.

(5) Stephani Pleurrei sacra Aneis sacra continens acta Domini N. J. C. et primorum Martyrum, Virgilio centonibus conscripta. Parisiis, apud Adrianum Taupinart, 1618. in-4.

(6) Auson. Ep. ante Edyll. XIII.

« PreviousContinue »