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a trouvées dans son Fnéïde. Il n'en est pas de même des fables morales; leurs auteurs mêmes en découvrent les moralités; elles sont tirées du texte come une conséquence est tirée de son principe.

nous

2. Sens allégorique.

LE sens allégorique se tire d'un discours, qui, à le prendre dans son sens propre, signifie tout autre chose : c'est une histoire qui est l'image d'une autre histoire, ou de quelqu'autre pensée. Nous avons déja parlé de l'allégorie.

L'esprit humain a bien de la peine à demeurer indéterminé sur les causes dont il voit, ou dont il ressent les éfets: ainsi lorsqu'il ne

conoît pas les causes il en imagine, et le voilà satisfait. Les païens imaginèrent d'abord des causes frivoles de la plupart des éfets naturels : l'amour fut l'éfet d'une divinité particulière Prométhée vola le feu du ciel : Cérès inventa le blé : Bacchus le vin, etc. Les recherches exactes sont trop pénibles, et ne sont pas à la portée de tout le monde. Quoiqu'il en soit, le vulgaire superstitieux, dit le P. Sanadon (1), fut la dupe des visionaires qui inventèrent toutes ces fables.

Dans la suite, quand les païens comencèrent à se policer et à faire des réflexions sur ces histoires fabuleuses, il se trouva parmi eux des

(1) Poésies d'Horace, tom. I, page 504.

mystiques qui envelopèrent les absurdités sous le voile des allégories et des sens figurés, auxquels les premiers auteurs de ces fables n'avoient jamais pensé.

Il y a des pièces allégoriques en prose et en vers les auteurs de ces ouvrages ont prétendu qu'on leur donât un sens allégorique; mais dans les histoires, et dans les autres ouvrages dans lesquels il ne paroît pas que l'auteur ait songé à l'allégorie, il est inutile d'y en chercher. Il faut que les histoires dont on tire ensuite des allégories, aient été composées dans la vue de l'allégorie; autrement les explications allégoriques qu'on leur done, ne peuvent rien, et ne sont que des aplications arbitraires dont il est libre à chacun de s'amuser come il lui plaît, pourvu qu'on n'en tire pas des conséquences dangereuses.

Quelques auteurs (1) ont trouvé une image des révolutions arivées à la langue latine dans la statue (2) que Nabuchodonosor vit en songe; ils trouvent dans ce songe une allégorie de ce qui devoit ariver à la langue latine.

Cette statue étoit extraordinairement grande, la langue latine n'étoit-elle pas répandue presque par-tout?

La tête de cette statue étoit d'or, c'est le siècle d'or de la langue latine; c'est le tems de ́ (1) Indiculus historico-chronologicus, in Fabri The

sauro.

(2) Daniel, II, v. 31.

Térence, de César, de Cicéron, de Virgile, en un mot, c'est le siècle d'Auguste.

La poitrine et les bras de la statue étoient d'argent; c'est le siècle d'argent de la langue. latine; c'est depuis la mort d'Auguste jusqu'à la mort de l'empereur Trajan, c'est-à-dire, jusqu'environ cent ans après Auguste.

Le ventre et les cuisses de la statue étoient d'airain; c'est le siècle d'airain de la langue latine, qui comprend depuis la mort de Trajan, jusqu'à la prise de Rome par les Goths, en 410.

Les jambes de la statue étoient de fer, et les piés, partie de fer, partie de terre; c'est le siècle de fer de la langue latine, pendant lequel les diférentes incursions des barbares plongèrent les homes dans une extrême ignorance; à peine la langue latine se conservat-elle dans le langage de l'Eglise.

Enfin une pierre abatit la statue; c'est la langue latine qui cessa d'être une langue vivante.

C'est ainsi qu'on raporte tout aux idées dont on est préocupé.

Les sens allégoriques ont été autrefois fort à la mode, et ils le sont encore en Orient; on en trouvoit par-tout jusques dans les nombres. Métrodore de Lampsaque (1) au raport de Tatien, avoit tourné Homère tout entier en allégories. On aime mieux aujourd'hui la

(1) Huet. Origenianor. 1. II, quæst. XIII, p. 171.

réalité du sens litéral (1). Les explications mystiques de l'Ecriture-Sainte, qui ne sont point fixées par les Apôtres, ni établies clairement par la révélation, sont sujètes à des illusions qui mènent au fanatisme.

3. Sens anagogique.

LE sens anagogique n'est guère en usage que lorsqu'il s'agit des diférens sens de l'EcritureSainte. Ce mot anagogique vient d'un mot grec, qui veut dire élévation : ainsi le sens anagogique de l'Ecriture-Sainte est un sens mystique, qui élève l'esprit aux objets célestes et divins de la vie éternèle dont les Saints jouissent dans le ciel.

Le sens litéral est le fondement des autres sens de l'Ecriture - Sainte. Si les explications qu'on en done ont raport aux mœurs le sens moral.

c'est

Si les explications des passages de l'ancien Testament regardent l'Eglise et les mystères de notre religion par analogie ou ressemblance, c'est le sens allégorique ; ainsi le sacrifice de l'agneau pascal, le serpent d'airain élevé dans le désert, étoient autant de figures du sacrifice de la croix.

Enfin lorsque ces explications regardent l'église triomphante et la vie des bienheureux dans le ciel, c'est le sens anagogique; c'est

(1) Traité du sens litéral et du sens mystique, selon la doctrine des Pères.

ainsi que le sabat des Juifs est regardé come l'image du repos éternel des bienheureux. Ces diférens sens, qui ne sont point le sens litéral, ni le sens moral, s'apèlent aussi en général sens tropologique, c'est-à-dire, sens figuré. Mais come je l'ai déjà remarqué, il faut suivre dans le sens allégorique et dans le sens anagogique ce que la révélation nous en aprend, et s'apliquer sur-tout à l'intelligence du sens litéral, qui est la règle infaillible de ce que nous devons croire et pratiquer pour être sauvés.

X.

DU SENS ADAPTÉ,

Ou que

l'on done par allusion.

QUELQUEFOIS on se sert des paroles de l'Ecriture-Sainte ou de quelqu'auteur profane, pour en faire une aplication particulière qui convient au sujet dont on veut parler, mais qui n'est pas le sens naturel et litéral de l'auteur dont on les emprunte, c'est ce qu'on apèle sensus accomodatitiùs, sens adapté.

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Dans les panégyriques des Saints et dans les Oraisons funèbres le texte du discours est pris ordinairement dans le sens dont nous parlons, M, Fléchier dans son oraison funè

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