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qui entendent la langue ou l'expression figurée et autorisée par l'usage. « Lorsque nous donons au blé le nom de Cérès (1), dit Cicéron,

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et au vin le nom de Bacchus nous nous » servons d'une façon de parler usitée en notre langue, et persone n'est assez dépourvu de sens pour prendre ces paroles à la rigueur » de la lettre ».

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On se sert dans toutes les nations policées de certaines expressions ou formules de politesse, qui ne doivent point être prises dans le sens litéral étroit. J'ai l'honeur de.... Je vous baise les mains: Je suis votre très-humble et très-obéissant serviteur. Cette dernière façon de parler dont on se sert pour finir les lettres n'est jamais regardée que come une formule de politesse.

On dit de certaines persones, c'est un fou, c'est une fole: ces paroles ne marquent pas toujours que la persone dont on parle ait perdu l'esprit au point qu'il ne reste plus qu'à l'enfermer; on veut dire seulement que c'est une persone qui suit ses caprices, qui ne se prête pas aux réflexions des autres, qu'elle n'est pas toujours maîtresse de son imagination, que dans le tems qu'on lui parle elle est ocupée ailleurs, et qu'ainsi on ne sauroit avoir avec elle ce comerce réciproque de pensées et de sen

(1) Cùm fruges Cererem, vinum Liberum dicimus, genere nos quidem serinonis utimur usitato : sed ecquem tam amentem esse putas qui, etc.

Cic. de Nat. Deor. 1. III, n. 41. aliter, XVI.

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timens, qui fait l'agrément de la conversation et le lien de la société. L'home sage est toujours en état de tout écouter, de tout entendre, et de profiter des avis qu'on lui done.

Dans l'ironie, les paroles ne se prènent point dans le sens litéral proprement dit elles se prènent selon le sens litéral figuré, c'est-àdire, selon ce que signifient les mots acompagnés du ton de la voix et de toutes les autres circonstances.

Il y a souvent dans le langage des homes un sens litéral qui est caché, et que les circonstances des choses découvrent ainsi il arive souvent que la même proposition a un tel sens dans la bouche ou dans les écrits d'un certain home, et qu'elle en a un autre dans les discours et dans les ouvrages d'un autre home: mais il ne faut pas légèrement doner des sens désavantageux aux paroles de ceux qui ne pensent pas en tout come nous; il faut que ces sens cachés soient si facilement dévelopés par les circonstances, qu'un home de bon sens qui n'est pas prévenu ne puisse pas s'y méprendre. Nos préventions nous rendent toujours injustes, et nous font souvent prêter aux autres des sentimens qu'ils détestent aussi sincèrement que nous les détestons.

Au reste, je viens d'observer que le sens litéral figuré est celui que les paroles excitent paturèlement dans l'esprit de ceux qui entendent la langue où l'expression figurée est autorisée par l'usage ainsi pour bien entendre le :

véritable sens litéral d'un auteur, il ne suffit pas d'entendre les mots particuliers dont il s'est servi, il faut encore bien entendre les façons de parler usitées dans la langue de cet auteur; sans quoi, ou l'on n'entendra point le passage ou l'on tombera dans des contre-sens. En français, doner parole, veut dire promettre; en latin, verba dare, signifie tromper: Panas dare alicui, ne veut pas dire doner de la peine à quelqu'un, lui faire de la peine; il veut dire au contraire, étre puni par quelqu'un ; lui doner la satisfaction qu'il exige de nous, lui doner notre suplice en payement, come on paye une amende. Quand Properce dit à Cinthie, dabis mihi perfida panas (1), il ne veut par dire perfide vous m'alez causer bien des tourmens; il lui dit au contraire, qu'il la fera repentir de sa perfidie.

Il n'est pas possible d'entendre le sens litéral de l'Ecriture Sainte, si l'on n'a aucune conoissance des hébraïsmes et des hellenismes, c'est-à-dire, des façons de parler de la langue hébraïque et de la langue grèque. Lorsque les interprètes traduisent à la rigueur de la lettre, ils rendent les mots et non le véritable sens : de-là vient qu'il y a, par exemple, dans les Psaumes, plusieurs versets (2) qui ne sont pas intelligibles en latin. Montes Dei, ne veut pas dire des montagnes consacrées à Dieu, mais de hautes montagnes.

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Dans le nouveau Testament même il y a plusieurs passages qui ne sauroient être entendus sans la conoissance des idiotismes, c'està-dire, des façons de parler des auteurs originaux. Le mot hébreu qui répond au mot latin verbum, se prend ordinairement en hébreu pour chose signifiée par la parole; c'est le mot générique qui répond à negotium ou res des Latins (1). Transeamus usquè Bethleem, et videamus hoc verbum quod factum est: Passons jusqu'à Bethleem, et voyons ce qui y est arivé. Ainsi lorsqu'au troisième verset du chapitre 8 du Deutéronome, il est dit ( Deus) dedit tibi cibum manna quod ignorabas tu et patres tui, ut ostenderet tibi quod non in solą pane vivit homo, sed in omni verbo quod egreditur de ore Dei. Vous voyez que in omni verbo signifie in omni re c'est-à-dire de tout ce que Dieu dit, ou veut, qui serve de nourriture. C'est dans ce même sens que Jésus-Christ a cité ce passage: le démon lui proposoit de changer les pierres en pain, il n'est pas nécessaire de faire ce changement, répond JésusChrist (2), car l'home ne vit pas seulement de pain, il se nourit encore de tout ce qui plaît à Dieu de lui doner pour nourriture, de tout ce que Dieu dit qui servira de nourriture; voilà le sens litéral, celui qu'on done comunément à ces paroles, n'est qu'un sens moral.

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Division du sens spirituel.

Le sens spirituel est aussi de plusieurs sortes. 1. Le sens moral. 2. Le sens allégorique. 3. Le sens anagogique.

1. Sens moral.

Le sens moral est une interprétation selon laquelle on tire quelque instruction pour les mœurs. On tire un sens moral des histoires, des fables, etc. Il n'y a rien de si profane dont on ne puisse tirer des moralités, ni rien de si sérieux qu'on ne puisse tourner en burlesque. Telle est la liaison que les idées ont les unes avec les autres le moindre raport réveille une idée de moralité dans un home dont le goût est tourné du côté de la morale; et au contraire celui dont l'imagination aime le burlesque, trouve du burlesque par-tout.

Thomas Walleis, Jacobin Anglois, fit imprimer vers la fin du XV.e siècle, à l'usage. des prédicateurs une explication des métamorphoses d'Ovide (I). Nous avons le Virgile travesti de Scaron. Ovide n'avoit point pensé à la morale que Walleis lui prête; et Virgile n'a jamais eu les idées burlesques que Scaron

(1) Metamorphosis Ovidiana moraliter à Magistro Thoina Walleis Anglico, de professione prædicatorum sub S. Dominico, explanata. Ce livre rare fut traduit en 1484. Voyez le P. Echard, tom. 1. p. 508, et M. Maittaire, Annales Typographiques, tom. I. p. 176.

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