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le lépreux, parce qu'il l'avoit été, c'est le sens divisé.

Ainsi, quand St. Paul a dit (1) que les idolâties n'entreront pas dans le royaume des cieux, il a parlé des idolâtres dans le sens composé, c'est-à-dire, de ceux qui demeureront dans l'idolâtrie. Les idolâtres en tant qu'idolâtres n'entreront pas dans le royaume des cieux. C'est le sens composé; mais les idolâtres qui auront quitté l'idolâtrie, et qui auront fait pénitence, entreront dans le royaume des cieux c'est le sens divisé.

Apelles ayant exposé, selon sa coutume, un tableau à la critique du public, un cordonnier censura la chaussure d'une figure de ce tableau; Apelles réforma ce que le cordonier avoit blâmé; mais le lendemain le cordonier ayant trouvé à redire à une jambe, Apelles lui dit qu'un cordonier ne devoit juger que de la chaussure; d'où est venu le proverbe ne sutor ultra crepidam, (supple) judicet.

La récusation qu'Apelles fit de ce cordonier, est plus piquante que raisonnable : un cordonier, en tant que cordonier, ne doit juger que de ce qui est de son métier; mais, si ce cordonier a d'autres lumières, il ne doit point être récusé, par cela seul qu'il est cordonier en tant que cordonier, ce qui est le sens composé, il juge si un soulier est bien fait et bien peint; et en tant qu'il des co

(1) I. Cor. c. VI. v. 9.

issances supérieures à son métier, il est juge mpétent sur d'autres points; il juge alors ns le sens divisé par raport à son métier cordonier.

Ovide parlant du sacrifice d'Iphigénie, dit e l'intérêt public triompha de la tendresse panelle, le roi vainquit le père.

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Ces dernières paroles sont dans un sens divisé. gamemnon se regardant come roi, étoufe les ntimens qu'il ressent come père.

Dans le sens composé, un mot conserve sa gnification à tous égards, et cette significaFion entre dans la composition du sens de toute a phrase; au lieu que dans le sens divisé, ce 'est qu'en un certain sens, et avec restriction, qu'un mot conserve son anciène signification: es aveugles voient, c'est-à-dire, ceux qui ont été aveugles,

I X.

SENS LITERAL, SENS SPIRITUEL,

Le sens litéral est celui que les mots excitent d'abord dans l'esprit de ceux qui entendent une langue; c'est le sens qui se présente

(1) Qvid, Met. 1. XU. v. 29,

naturèlement à l'esprit. Entendre une expression litéralement, c'est la prendre au pié de la lettre. Quae dicta sunt secundùm litteram accipere, id est, non aliter intelligere quam littera sonant (1); c'est le sens que les paroles signifient immédiatement, is quem verba immediatè significant.

Le sens spirituel est celui que le sens litéral renferme, il est enté, pour ainsi dire, sur le sens litéral; c'est celui que les choses signifiées par le sens literal font naître dans l'esprit. Ainsi dans les paraboles, dans les fables, dans les allégories, il y a d'abord un séns litéral : on dit, par exemple, qu'un loup et un agneau vinrent boire à un même ruisseau que le loup ayant cherché querèle à l'agneau, il le dévora. Si vous vous atachez simplement à la lettre, vous ne verrez dans ces paroles qu'une simple aventuré arivée à deux animaux: mais cette narration a un autre objet; on a dessein de vous faire voir que les foibles sont quelquefois oprimés par ceux qui sont plus puissans, et voilà le sens spirituel, qui est toujours fondé sur le sens litéral.

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Division du sens litéral.

Le sens litéral est donc de deux sortes : 1. Il y a un sens litéral rigoureux; c'est le sens propre d'un mot, c'est la lettre prise à la rigueur, stricte.

(1) August. Gen. ad lit, lib. VIII. c. II. t. III.

opre,

2. La seconde espèce de sens litéral, c'est ui que les expressions figurées dont nous ons parlé présentent naturèlement à l'esprit ceux qui entendent bien une langue, c'est sens litéral figuré; par exemple, quand on d'un politique qu'il seme à propos la diion entre ses propres ennemis; semer ne se it pas entendre à la rigueur selon le sens et de la même manière qu'on dit semer blé mais ce mot ne laisse pas d'avoir un ms litéral, qui est un sens figuré qui se prénte naturèlement à l'esprit. La lettre ne doit as toujours être prise à la rigueur; elle tue, t Saint Paul (1). On ne doit point exclure ute signification métaphorique et figurée. Il út bien se garder, dit Saint Augustin (2), e prendre à la lettre une façon de parler firée, et c'est à cela qu'il faut appliquer ce assage de St. Paul, la lettre tue, et l'esprit ɔne la vie.

Il faut s'atacher au sens que les mots excient naturèlement dans notre esprit, quand ous ne somes point prévenus, et que nous ɔmes dans l'état tranquille de la raison : oilà le véritable sens litéral figuré, c'est cei i-là qu'il faut doner aux lois, aux canons,

(1) 2. Cor. III. n. 6.

(2) In principio cavendum est ne figuratam loc ionem ad literam accipias; et ad hoc enim pertinet uod ait Apostolus, litera occidit, spiritus autem vivicat. Aug. de Doctr. Christ. 1. 1IL e. V. t. III. Paisiis, 1685.

aux taxes des coutumes, et même à l'EcritureSainte.

Quand Jésus-Christ a dit que celui qui met la main à la charue, et qui regarde derrière lui, n'est point propre pour le royaume de Dieu (1); on voit bien qu'il n'a pas voulu dire qu'un laboureur qui en travaillant tourne quelquefois la tête, n'est pas propre pour le ciel le vrai sens que ces paroles présentent naturèlement à l'esprit, c'est que ceux qui ont comencé à mener une vie chrétienne, et à être les disciples de Jésus-Christ, ne doivent pas changer de conduite, ni de doctrine, s'ils veulent être sauvés; c'est donc là un sens litéral figuré. Il en est de même de ces autres passages de l'Evangile, où Jésus-Christ dit (2), de présenter la joue gauche à celui qui nous a frappé sur la droite (3), de s'aracher la main ou l'oeil qui est un sujet de scandale; il faut entendre ces paroles de la même manière qu'on entend toutes les expressions métaphoriques et figurées : ce ne seroit pas leur doner deur vrai sens que de les entendre selon le sens litéral pris à la rigueur; elles doivent être entendues selon la seconde sorte de sens litéral qui réduit toutes ces façons de parler figurées à leur juste valeur, c'est-à-dire, au sens qu'elles avoient dans l'esprit de celui qui a parlé, et qu'elles excitent dans l'esprit de ceux

(1) Luc. c. IX. v. 62.
(2) Matt. c. V. v. 39.
(3) Ibid. v. 29. 30,

qui

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