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du discours, et donent de la précision et de la

justesse.

Les Sciences et les Arts me sont que des observations sur la pratique l'usage et la pratique ont précédé toutes les sciences et tous les arts; mais les sciences et les arts ont ensuite perfectioné la pratique. Si Molière n'avoit pas étudié lui-même les observations détaillées de l'art de parler et d'écrire, ses pièces n'auroient été que des pièces informes, où le génie, à la vérité, auroit paru quelquefois, mais qu'on auroit renvoyées à l'enfance de la comédie : ses talens on été perfectionés par les observations, et c'est l'art même qui lui a apris à saisir le ridicule d'un art déplacé.

On voit tous les jours des persones qui chantent agréablement, sans conoître les notes, les clés, ni les règles de la musique; elles ont chanté pendant bien des années des sol et des fa, sans le savoir; faut-il pour cela qu'elles rejètent les secours qu'elles peuvent tirer de la musique pour perfectioner leur talent?

Nos pères ont vécu sans conoître la circulation -du sang; faut-il négliger la conoissance de l'anatomie? et ne faut-il plus étudier la physique,parce qu'on a respiré pendant plusieurs siècles sans savoir que l'air eût de la pesanteur et de l'élasticité ? Touta son tems et ses usages, et Molière nous déclare dans ses préfaces qu'il ne se moque que des abus et du ridicule.

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Sens propre, Sens figuré.

AVANT que d'entrer dans le détail de chaque trope, il est nécessaire de bien comprendre la diférence qu'il y a entre le sens propre et le sens figuré.

Un mot est employé dans le discours,ou dans le sens propre, ou en général dans un sens figuré, quel que puisse être le nom que les rhéteurs donnent ensuite à ce sens figuré.

Le sens propre d'un mot, c'est la première signification du mot. Un mot est pris dans le sens propre, lorsqu'il signifie ce pourquoi il a été premièrement établi; par exemple: Le feu brûle, la lumière nous éclaire, tous ces mots là sont dans le sens propre.

Mais quand un mot est pris dans un autre sens il paroît alors, pour ainsi dire, sous une forme empruntée, sous une figure qui n'est pas sa figuré naturèle, c'est-à-dire, celle qu'il a eue d'abord; alors on dit que ce mot est au figuré ; par exemple: Le feu de vos yeux, le feu de l'imagination, la lumière de l'esprit, la clarté d'un discours.

Masque, dans le sens propre, signifie une sorte de couverture de toile cirée ou de quelque autre matière, qu'on se met sur le visage pour se déguiser ou pour se garantir des injures de l'air.

Ce n'est point dans ce sens propre que Matherbe prenoit le mot de masque, lorsqu'il disoit qu'à la Cour il y avoit plus de masques que de visages: masque est là dans un sens figuré, et se prend pous persones dissimulées, pour ceux qui cachent leurs véritables sentimens, qui se démontent, pour ainsi dire, le visage, et prénent des mines propres à marquer une situation d'esprit et de cœur toute autre que celle où ils sont éfectivement.

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Ce mot voix, (vox) a été d'abord établi pour signifier le son qui sort de la bouche des animaux, et sur-tout de la bouche des homes. On dit d'un home, qu'il a la voix mâle ou féminine, douce ou rude, claire ou enrouée, foible ou forte enfin aiguë, flexible, grêle, cassée, etc. En toutes ces occasions, voix est pris dans le sens propre, c'est-à-dire, dans le sens pour lequel ce mot a été d'abord établi : mais quand on dit que le mensonge ne sauroit étoufer la voix de la vérité dans le fond de nos cœurs alors voix est au figuré, il se prend pour inspiration intérieure remords, etc. On dit aussi que tant que le peuple Juif écouta la voix de Dieu, c'est-à-dire, tant qu'il obéit à ses commandemens,il en fut assisté. Les brebis entendent la voix du pasteur, on nẽ veut pas dire seulement qu'elles reconnoissent sa voix, et la distinguent de la voix d'un autre home, ce qui seroit le sens propre; on veut marquer principalement qu'elles lui obéissent ce qui est le sens figuré. La voix du sang, la voix de la nature, c'est-à-dire, les mouvemens inté

rieurs que nous ressentons à l'occasion de quelqua accident arrivé à un parent, etc. La voix du peuple est la voix de Dieu, c'est-à-dire, que le sentiment du peuple, dans les matières qui sont de son ressort, est le véritable sentiment.

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C'est par la voix qu'on dit son avis dans les délibérations, dans les élections, dans les assemblées où il s'agit de juger; ensuite, par extension, on a apelé voix, le sentiment d'un par ticulier, d'un juge; ainsi en ce sens, voix signifie avis, opinion, sufrage, il a eu toutes les voix c'est-à-dire, tous les sufrages; briguer les voix, la pluralité des voix ;il vaudroit mieux, s'il étoit possible, peser les voix, que de les compter, c'est-à-dire, qu'il vaudroit mieux suivre l'avis de ceux qui sont les plus savans et les plus sensés, que de se laisser entraîner au sentiment aveugle du plus grand nombre.

Voix signifie aussi dans un sens étendu, gémissement prière. Dieu a écouté la voix de son peuple, etc.

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Tous ces diférens sens du mot voir qui ne sont pas précisément le premier sens, qui seul est le sens propre, sont autant de sens figurés.

ARTICLE VI I.

Réflexions générales sur le Sens figuré.
I. Origine du Sens figuré.

La liaison qu'il y a entre les idées acessoires, je veux dire, entre les idées qui ont raport les

unes aux autres, est la source et le principe des divers sens figurés que l'on done aux mots. Les objets qui font sur nous des impressions, sont toujours acompagnés de diférentes circonstances qui nous frapent, et par lesquelles nous désignons souvent, ou les objets mêmes qu'elles n'ont fait qu'acompagner, ou ceux dont elles nous réveil lent le souvenir. Le nom propre de l'idée accessoire est souvent plus présent à l'imagination que le nom de l'idée principale, et souvent aussi ces idées accessoires désignant les objets avec plus de circonstances que ne feroient les noms propres de ces objets, les peignent ou avec plus d'énergie, ou avec plus d'agrément. De-là, le signe pour la chose signifiée,la cause pour l'éfet, la partie pour le tout, l'antécédent pour le conséquent, et les autres tropes dont je parlerai dans la suite. Come l'une de ces idées ne sauroit être réveillée sans exerciter l'autre,il arrive que l'expression figurée est aussi facilement entendue que si l'on se sèrvoit du mot propre; elle est même ordinairement plus vive et plus agréable quand elle est employée à propos, parce qu'elle réveille plus d'une image; elle attache ou amuse l'imagination et done ai¬ sément à deviner à l'esprit.

II. Usages ou éfets des Tropes.

1. UN des plus fréquens usages des Tropes, c'est de réveiller une idée principale, par le moyen de quelque idée accessoire : c'est ainsi qu'on dit cent voiles pour cent vaisseaux; cent feux power

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