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cité, est rempli d'allusions obscènes. Les auteurs de ces productions sont coupables d'une infinité de pensées dont ils salissent l'imagination; et d'ailleurs ils se déshonorent dans l'esprit des honnêtes gens. Ceux qui dans des ouvrages sérieux tombent par simplicité dans le même inconvénient que les feseurs de chansons, sont guère moins repréhensibles, et se rendent plus ridicules.

ne

Quintilien (1), tout païen qu'il étoit, veut que non seulement on évite les paroles obscènes, mais encore tout ce qui peut réveiller des idées d'obscénité. Obs:œnitas verò non à verbis tantùm abesse debet, sed etiam à significatione.

« On doit éviter avec soin en écrivant, dit», il ailleurs (2), tout ce qui peut donner lieu à des allusions déshonêtes. Je sais bien que ces interprétations viènent souvent dans l'es» prit plutôt par un éfet de corruption du cœur » de ceux qui lisent, que par la mauvaise vo

lonté de celui qui écrit; mais un auteur sage » et éclairé doit avoir égard à la foiblesse de » ses lecteurs, et prendre garde de faire naître » de pareilles idées dans leur esprit car enfin » nous vivons aujourd'hui dans un siècle où » l'imagination des homes est si fort gâtée, qu'il " y a un grand nombre de mots qui étoient » autrefois très-honêtes, dont il ne nous est pas "permis de nous servir par l'abus qu'on en fait; » de sorte que sans une atention scrupuleuse

(1) Quint. instit. Orat. lib. VI, sc. III. de Risu.

» de la part de celui qui écrit, ses lecteurs » trouvent malignement à rire en salissant leur » imagination avec des mots, qui, par eux» mêmes, sont très-éloignés de l'obscénité. »

X I V.

L'IRON I E.

L'IRONIE est une figure par laquelle on veut faire entendre le contraire de ce qu'on dit : ainsi les mots dont on se sert dans l'ironie, ne sont pas pris dans le sens propre et litéral.

M. Boileau, qui n'a pas rendu à Quinault toute la justice que le public lui a rendue depuis, a dit par ironie :

Je le déclare donc, Quinault est un Virgile (1).

Il vouloit dire un mauvais Poëte.

Les idées accessoires sont d'un grand usage dans l'ironie: le ton de voix, et plus encore la conoissance du mérite ou du démérite personel de quelqu'un, et de la façon de penser de celui qui parle, servent plus à faire conoître l'ironie, que les paroles dont on se sert. Un home s'écrie, oh le bel esprit ! Parle-t-il de Cicéron, d'Horace ? il n'y a point là d'ironie;

(1) Boileau, Sat. IX.

les mots sont pris dans le sens propre. Parlet-il de Zoile? c'est une ironie. Ainsi l'ironie fait une satyre, avec les mêmes paroles dont le discours ordinaire fait un éloge.

Tout le monde sait ce vers du père de Chi- ̈ mène dans le Cid.

A de plus hauts partis Rodrigue doit prétendre (1).

C'est une ironie. On en peut remarquer plusieurs exemples dans Balzac et dans Voiture. Je ne sais si l'usage que ces auteurs ont fait de cette figure, seroit aujourd'hui aussi bien reçu qu'il l'a été de leur tems.

Cicéron comence par une ironie, l'oraison pour Ligarius. Novum crimen, Caï Cæsar, et ante hunc diem inauditum, etc. Il y a aussi dans l'oraison contre Pison un fort bel exemple de l'ironie: c'est à l'ocasion de ce que Pison disoit que s'il n'avoit pas triomphé de la Macédoine, c'étoit parce qu'il n'avoit jamais sou haité les honneurs du triomphe. «Que Pom»pée est malheureux, dit Cicéron (2), de » ne pouvoir profiter de votre conseil ! Oh » qu'il a eu tort de n'avoir point eu de goût » pour votre philosophie ! Il a eu la folie de

(1) Corn. Cid. act. I. sc. III.

(2) Non est integrum Cn. Pompeio, consilio jam uti tuo; erravit enim. Non gustarat istam tuam philosophiam; ter, jam homo stultus, triumphavit, etc. Cic. in Pison. n. 58, XXIV.

triompher

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triompher trois fois. Je rougis, Crassus » de votre conduite. Quoi, vous avez brigué ›› l'honeur du triomphe avec tant d'empresse>>ment! etc.

X V.

L'EUPHÉ MIS ME.

L'EUPHEMISME est une figure par laquelle on déguise des idées désagréables, odieuses, ou tristes, sous des noms qui ne sont point les noms propres de ces idées : ils leur servent come de voile, et ils en expriment en aparence de plus agréables, de moins choquantes, ou de plus honêtes selon le besoin ; par exemple: ce seroit reprocher à un ouvrier ou à un valet la bassesse de son état, que de l'apeler ouvrier ou valet; on leur done d'autres noms plus honêtes qui ne doivent pas être pris dans le sens propre. C'est ainsi que le boureau est apelé par honeur, le maître des hautes œuvres.

C'est par la même raison qu'on done à certaines étofes grossières le nom d'étofes plus fines; par exemple: on apèle velours de Mauriène une sorte d'étofe de gros drap qu'on fait en Mauriène, province de Savoie, et dont les pauvres Savoyards sont habillés. Il y a aussi une sorte d'étofe de fil dont on fait les meubles

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de campagne; on honore cette étofe du nom de damas de Caux, parce qu'elle se fabrique au pays de Caux en Normandie.

Un ouvrier qui a fait la besogne pour laquelle on l'a fait venir, et qui n'atend plus que son payement pour se retirer, au lieu de dire payez-moi, dit par euphémisme, n'avezvous plus rien à m'ordonner?

Nous disons aussi, Dieu vous assiste, Dieu vous bénisse, plutôt que de dire, je n'ai rien à vous doner.

Souvent pour congédier quelqu'un, on lui dit, voilà qui est bien, je vous remercie, plutôt que de lui dire alez vous-en.

Les Latins se servoient dans le même sens de leur rectè, qui, à la lettre, signifie bien, au lieu de répondre qu'ils n'avoient rien à dire. "Quand nous ne voulons pas dire ce que nous » pensons, de peur de faire de la peine à celui » qui nous interroge, nous nous servons du mot » rectè, dit Donat (1),

Sostrata, dans Térence (2), dit à son fils Pamphile, pourquoi pleurez-vous? Qu'avez-vous,

(1) Rectè dicimus cum sine injuria interrogantis aliquid reticemus. Donat. in Terent. Hecyr. act, III. sc. II.

V. 20.

(2) S. Quid lacrymas? Quid est tam tristis? P. rect mater. Ter. Hecyr. act. III. sc. II.

Tum, quod dem ei, rectè est: nam nihil esse mihi, religio est dicere. Heaut. act. II. sc. I. v. 16, et selon mad. Dacier, act. I. sc. IV. v. 16.

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