Vous voyez que l'auteur joue sur la double signification de declinare. «Il sut la Grammaire, il l'enseigna pendant plusieurs années, et cependant il ne put décliner le mot tumulus ». Selon cette traduction, La pensée est fausse; car Despautère savoit fort bien décliner tumulus. Que si on ne prend point tumulus matérièlement, et qu'on le prène pour ce qu'il signifie, c'est-à-dire, pour le tombeau, et par méronymie pour la mort; alors il faudra traduire que malgré toute la conoissance que Despautère avoit de la Grammaire, il ne put éviter la mort : ce qui n'a ni sel, ni raison; car on sait bien que la Grammaire n'exempte pas de la nécessité de mourir. La traduction est l'écueil de ces sortes de pensées. quand un ronsée est solide, tout ce qu'elle a de réalité se conserve dans la traduction; mais quand toute sa valeur ne consiste que dans un jeu de mots, ce faux brillant se dissipe par la traduction. Ce n'est pas toutefois qu'une muse un peu fine Dans le placet que M. Robin (2) présenta Boileau, Art. Poét. chant II. (2) Giles Robin, natif du St. Esprit, de l'Académie d'Arles. au Roi pour être maintenu dans la possession d'une île qu'il avoit dans le Rhône, il s'exprime en ces termes : Qu'est ce en éfet pour toi, grand monarque da Gaules, Qu'un peu de sable et de gravier ? Que faire de mon île ? Il n'y croît que des saules; Et tu n'aimes que le laurier. Saules est pris dans le sens propre, et laurier dans le sens figuré mais ce jeu présente à l'esprit une pensée très - fine et très - solide. Il faut pourtant observer qu'elle n'a de vérité que parmi les nations où le laurier est regardé come le symbole de la victoire. Les allusions doivent être facilement aperçues. Celles que nos Poëtes font à la fahla fectuenses, quand le sujet auquel elles ont raport, n'est pas conu. Malherbe, dans ses stances à M. du Périer, pour le consoler de la mort de sa fille, lui dit : Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale, Sans égard du passé les mérites égale D'Archemore et de lui (1). Il y a peu de lecteurs qui conoissent Archemore c'est un enfant du tems fabuleux. Sa nourice l'ayant quitté pour quelques momens, (1) Poésies de Malherbe, liv. VI un serpent vint et l'étoufa. Malherbe veut dire que Tithon, après une longue vie, s'est trouvé à la mort au même point qu'Archemore, qui ne vécut que peu de jours. L'auteur du Poëme de la Madeleine, dans une apostrophe à l'amour prophane, dit, parlant de Jésus-Christ : Puisque cet Antéros t'a si bien désarmé (1). Le mot d'Antéros n'est guère conu que des savans; c'est un mot grec qui signifie contreamour; c'étoit une divinité du Paganisme, le Dieu vengeur d'un amour méprisé. Ce poëme de la Madeleine est rempli de jeux de mots et d'allusions si recherchées, que malgré le respect dû au sujet, et la bonne intention de l'auteur, il est dificile qu'en lisant cet ouvrage, on ne soit point afecté come on l'est à la lecture d'un ouvrage burlesque. Les figures doivent venir, pour ainsi dire, d'elles-mêmes; elles doivent naître du sujet, et se présenter naturèlement à l'esprit, come nous l'avons rcmarqué ailleurs : quand c'est l'esprit qui va les chercher, elles déplaisent, elles étonent, et souvent font rire par l'union bizare de deux idées, dont l'une ne devoit jamais être assortie avec l'autre. Qui croiroit, par exemple, que jamais le jeu de piquet dût entrer dans un poëme fait pour décrire la pénitence et la charité de sainte (1) L. II, page 25. Madeleine; et que ce jeu dût faire naître la pensée de se doner la discipline ? Piquez-vous seulement de jouer au piquet, On ne s'atend pas non plus à trouver les termes de Grammaires détaillés dans un ouvrage qui porte pour titre, le nom de sainte Madeleine; ni que l'auteur imagine je ne sais quel raport entre la Grammaire et les exercices de cette sainte cependant une tête de mort et une discipline sont les RUDIMENS de Madeleine. Et regardant toujours ce têt de trépassé (2), Et c'est sa discipline, et tous ses châtimens, , O que l'amour est grand, et la douleur amère, Sçachant bien qu'en aimant elle peut tout prétendre, (1) Poëme de la Madeleine, liv. III, vers 42. (2) Ibid, liv. II. pag. 18, 19, etc. Come tout ENSEIGNER, tout LIRE, et tout ENTENDRE, De son TEMS PRÉTÉRIT qui ne fut qu'IMPARFAIT, Prenant avec plaisir, dans l'ardeur qui la brûle, Vous voyez qu'il n'oublie rien. Cet ouvrage est rempli d'un nombre infini d'allusions aussi recherchées, pour ne pas dire aussi puériles. Le défaut de jugement qui empêche de sentir ce qui est ou ce qui n'est pas à propos, et le désir mal entendu de montrer de l'esprit et de faire parade de ce qu'on sait, enfantent ces productions ridicules. Ce style figuré, dont ont fait vanité (1), J'ajouterai encore ici une remarque, à propos de l'allusion: c'est que nous avons en notre langue un grand nombre de chansons, dont le sens litéral, sous une aparence de simpli (1) Molière, Misant. act. I. sc. II. |