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sont des lieux comuns c'est-à-dire "

, que ce sont come autant de célules où tout le monde peut aler prendre, pour ainsi dire, la matière d'un discours, et des argumens de toutes sortes de sujets. L'atention que l'on fait sur ces diférentes classes, réveille des pensées que l'on n'auroit peut-être pas sans ce secours.

Quoique ces lieux comuns ne soient pas d'un grand usage dans la pratique, il n'est pourtant pas inutile de les conoître; on en peut faire usage pour réduire un discours à certains chefs; mais ce qu'on peut dire pour et contre sur ce point, n'est pas de mon sujet.

On apèle aussi en Théologie par métaphore, loci Theologici, les diférentes sources où les Théologiens puisent leurs argumens. Telles sont l'Ecriture Sainte, la tradition contenue dans les écrits des S. Pères, les Conciles, etc.

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En terme de chimie règne se dit par mataphore, de chacune des trois classes sous lesquelles les Chimistes rangent les êtres naturels.

1. Sous le règne animal, ils comprènent les

animaux.

2. Sous le règne végétal, les végétaux ; c'està-dire, ce qui croît, ce qui produit, come les arbres et les plantes.

3. Enfin, sous le règne minéral, ils comprènent tout ce qui vient dans les mines.

On dit aussi par métaphore que la Géographie et la Chronologie sont les deux yeux de l'Histoire. On personifie l'Histoire, et on dit que la Géographie et la Chronologie sont à

l'égard de l'Histoire, ce que les yeux sont à l'égard d'une persone vivante; par l'une elle voit, pour ainsi dire, les lieux, et par l'autre les tems; c'est-à-dire, qu'un historien doit s'apliquer à faire conoître les lieux et les tems dans lesquels se sont passés les faits dont il décrit l'histoire.

Les mots primitifs d'où les autres sont dérivés ou dont ils sont composés, sont apelés racines, par métaphore : il y a des Dictionaires où les mots sont rangés par racines. On dit aussi par métaphore, parlant des vices ou des vertus, jeter de profondes racines, pour dire s'affermir.

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Calus, dureté, durillon, en latin callum, se prend souvent dans un sens métaphorique (1) : Labor quasi callum quoddam obducit doloris, dit Cicéron le travail fait come une espèce de calus à la douleur, c'est-à-dire, que le travail nous rend moins sensibles à la douleur. Et au troisième livre des Tusculanes, il s'exprime de cette sorte: Magis me moverant Corinthi subitò aspectæ parietinæ, quam ipsos Corinthios, quorum animis diuturna cogitatio callum vetustatis obduxerat (2). Je fus plus touché de voir tout d'un coup les murailles ruinées de Corinthe, que ne l'étoient les Corinthiens même, auxquels l'habitude de voir tous les jours depuis long-tems leurs murailles abatues, avoit aporté

(1) Cic. Tusculan. II, num. 36. aliter XV. (2) Tusc. liv. III. n. 53. aliter xxii.

le calus de l'ancienèté; c'est-à-dire, que les Corinthiens, acoutumés à voir leurs murailles ruinées, n'étoient plus touchés de ce malheur. C'est ainsi que callere, qui dans le sens propre veut dire avoir des durillons, étre endurci, signifie ensuite, par extension et par métaphore, savoir bien, conoltre parfaitement, ensorte qu'il se soit fait come un calus dans l'esprit par raport à quelque conoissance. Quo pacto id fieri soleat calleo (1). La manière dont cela se fait, a fait un calus dans mon esprit, j'ai médité sur cela, je sais à merveille coment cela se fait ; je suis maître passé, dit Madame Dacier. Illius sensum calleo (2), j'ai étudié son humeur; je suis acoutumé à ses manièrès, je sais le prendre come il faut.

Vue se dit au propre, de la faculté de voir, et par extension, de la manière de regarder les objets ensuite on done par métaphore, le nom de vue aux pensées, aux projets, aux desseins avoir de grandes vues, perdre de vue une entreprise, n'y plus penser.

Goût, se dit au propre du sens par lequel nous recevons les impressions de ses saveurs La langue est l'organe du goût; avoir le goût dépravé, c'est-à-dire, trouver bon ce que comunément les autres trouvent mauvais, et trouver mauvais ce que les autres trouvent bon.

(1) Ter. Heaut. act. III. sc. 2. v. 37. (3) Id. Adelp. act. IV. sc. I. v. 17.

Ensuite on se sert du terme de goût par métaphore, pour marquer le sentiment intérieur dont l'esprit est afecté à l'ocasion de quelque ouvrage de la nature ou de l'art. L'ouvrage plait ou déplaît, on l'aprouve ou on le désaprouve; c'est le cerveau qui est l'organe de ce goûtlà: Le goût de Paris s'est trouvé conforme au goût d'Athène, dit Racine dans sa préface d'Iphigénie; c'est-à-dire, come il le dit lui-même, que les spectateurs ont été émus à Paris des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce.

Il en est du goût pris dans le sens figuré, come du goût pris dans le sens propre.

Lès viandes plaisent ou déplaisent au goût, sans que l'on soit obligé de dire pourquoi : un ouvrage d'esprit, une pensée, une expression plaît ou déplaît, sans que nous soyons obligés de pénétrer la raison du sentiment dont nous somes afectés.

Pour se bien conoître en mets et avoir un goût sûr, il faut deux choses; I. un organe délicat; 2. de l'expérience, s'être trouvé souvent dans les bones tables, etc. : on est alors plus en état de dire pourquoi un mets est bon ou mauvais. Pour être conoisseur en ouvrage d'esprit, il faut un bon jugement, c'est un présent de la nature; cela dépend de la disposition des organes; il faut encore avoir fait des observations sur ce qui plaît ou sur ce qui déplaît: il faut avoir su alier l'étude à la méditation avec le comerce des persones éclairées : alors

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on est en état de rendre raison des règles et du goût.

Les viandes et les assaisonemens qui plaisent aux uns, déplaisent aux autres; c'est un éfet de la diférente constitution des organes du goût : il y a cependant sur ce point un goût général auquel il faut avoir égard, c'est-à-dire, qu'il y a des viandes et des mets qui sont plus généralement au goût des persones délicates il en est de même des ouvrages d'esprit; un auteur ne doit pas se flater d'atirer à lui tous tous les sufrages, mais il doit se conformer au goût général des persones éclairées qui sont au fait.

Le goût, par raport aux viandes, dépend beaucoup de l'habitude et de l'éducation; il en est de même du goût de l'esprit les idées exemplaires que nous avons reçues dans notre jeunesse, nous servent de règle dans un âge plus avancé; telle est la force de l'éducation, de l'habitude, et du préjugé. Les organes, accoutumés à une telle impression, en sont flatés de telle sorte, qu'une impression diférente ou contraire les aflige: ainsi, malgré l'examen et les discussions, nous continuons souvent à admirer ce qu'on nous a fait admirer dans les premières années de notre vie; et de-là peut-être les deux partis, l'un des anciens, l'autre des modernes.

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