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on dit d'un home en colère, c'est un lion, lion est pris alors dans un sens métaphorique : on compare l'home en colère au lion, voilà ce qui distingue la métaphore des autres figures.

et

Il y a cette diférence entre la métaphore et la comparaison, que dans la comparaison on se sert de termes qui font conoître que l'on compare une chose à une autre : par exemple, si l'on dit d'un home en colère, qu'il est come un lion, c'est une comparaison; mais quand on dit simplement c'est un lion, la comparaison n'est alors que dans l'esprit et non dans les termes; c'est une métaphore.

les

Mesurer dans le sens propre, c'est juger d'une quantité inconue par une quantité conue, soit par le secours du compas, de la règle, ou de quelqu'autre instrument qu'on apèle me- ́ sure. Ceux qui prènent bien toutes leurs précautions pour ariver à leurs fins, sont comparés à ceux qui mesurent quelque quantité; ainsi on dit par métaphore, qu'ils ont bien pris leurs mesures. Par la même raison ' on dit que persones d'une condition médiocre, ne doivent pas se mesurer avec les grands, c'est-à-dire, vivre come les grands, se comparer à eux, come on compare une mesure avec ce qu'on veut mesurer. On doit mesurer sa dépense à son revenu; c'est-à-dire, qu'il faut régler sa dépense sur son revenu; la quantité du revenu doit être come la mesure de la quantité de la dépense.

Come une clé ouvre la porte d'un apartement, et nous en done l'entrée, de même il y a des conoissances préliminaires qui ouvrent, pour ainsi dire, l'entrée aux sciences plus profondes : ces conoissances ou principes sont apelés clés par métaphore; la Grammaire est la clé des sciences: la Logique est la clé de la Philosophie:

On dit aussi d'une ville fortifiée qui est sur une frontière, qu'elle est la clé du royaume, c'est-à-dire, que l'énemi qui se rendroit maître. de cette ville, seroit à portée d'entrer ensuite avec moins de peine dans le royaume dont on parle.

Par la même raison, l'on done le nom de clé, en termes de musique, à certaines marques ou caractères que l'on met au comencement des lignes de musique: ces marques font conoître le nom que l'on doit doner aux notes; elles donent, pour ainsi dire, l'entrée du chant.

Quand les métaphores sont régulières, il n'est pas difficile de trouver le raport de comparaison.

La métaphore est donc aussi étendue que la comparaison; et lorsque la comparaison ne seroit pas juste ou seroit trop recherchée, la métaphore ne seroit pas régulière.

Nous avons déjà remarqué que les langues n'ont pas autant de mots que nous avons d'idées; cette disète de mots a doné lieu à plu

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sieurs métaphores; par exemple : le cœur tendre, le caur dur un rayon de mièl, les rayons d'une roue, etc. : l'imagination vient, pour ainsi dire au secours de cette disète; elle suplée par les images et les idées accessoires aux mots que la langue ne peut lui fournir; et il arive même, come nous l'avons déjà dit, que ces images et ces idées accessoires ocupent l'esprit plus agréablement que si l'on se servoit de mots propres, et qu'elles rendent le discours plus énergique; par exemple, quand on dit d'un home endormi, qu'il est enseveli dans le someil, cette métaphore dit plus que si l'on disoit simplement qu'il dort: Les Grecs surprirent Troie ensevelie dans le vin et dans le someil.

Invadunt urbem somno vinoque sepultam (1).

Remarquez, 1.o que dans cet exemple, sepultam a un sens tout nouveau et diférent de son sens propre. 2.o Sepultam n'a ce nouveau sens, que parce qu'il est joint à somno vinoque, avec lesquels il ne sauroit être uni dans le sens propre; car ce n'est que par une nouvèle union des termes, que les mots se donent le sens métaphorique. Lumière n'est uni dans le sens propre, qu'avec le fen, le soleil et les autres objets lumineux; celui qui le premier a uni lumière à esprit, a doné à lumière un sens métaphorique, et en a fait un mot nou

1) Virg. Æn. II. v. 255.

veau par ce nouveau sens. Je voudrois que l'on pût doner cette interprétation à ces paroles d'Horace.

Dixeris egregiè, notum si callida verbum

Reddiderit junctura novum (1).

La métaphore est très-ordinaire; en voici encore quelques exemples: on dit dans le sens propre, s'enivrer de quelque liqueur; et l'on dit par métaphore, s'enivrer de plaisir, la bone fortune enivre les sots; c'est-à-dire, qu'elle leur fait perdre la raison, et leur fait oublier leur premier état.

Ne vous enivrez point des éloges flatteurs,
Que vous done un amas de vains admirateurs (2).
Le peuple, qui jamais n'a conu la prudence,
S'enivroit folement de sa vaine espérance (3).

Doner un frein à ses passions; c'est-à-dire, n'en pas suivre tous les mouvemens, les modérer, les retenir come on retient un cheval avec le frein, qui est un morceau de fer qu'on met dans la bouche du cheval.

Mézerai (4), parlant de l'hérésie, dit qu'il étoit nécessaire d'aracher cette gizanie, c'est

(1) Hor. Art Poét. v. 47.

(2) Boi. Art. Poét. chant. 4.

(3) Fenriade, chant. 7.

(4) Abrégé de l'Histoire de France, François II.

P. 9; 2.

à-dire, cette semence de division, zizanie est là dans un sens métaphorique c'est un mot grec qui veut dire ivroie, mauvaise herbe qui croît parmi les blés, et qui leur est nuisible. Zizanie n'est point en usage au propre, mais il se dit par métaphore pour discorde, mésintelligence, division: semer la zizanie dans une famille.

Materia, matière, se dit dans le sens propre, de la substance étendue, considérée come principe de tous les corps; ensuite on a apelé matière, par imitation et par métaphore, ce qui est le sujet, l'argument, le thème d'un discours, d'un poëme, ou de quelqu'autre ouvrage d'esprit.

Esopus auctor, quain materiam reperit,
Hanc ego polivi versibus senariis (1).

J'ai poli la matière, c'est-à-dire, j'ai doné l'agrément de la poésie aux fables qu'Esope a inventées avant moi. Cette maison est bien riante, c'est-à-dire, elle inspire la gaieté come les persones qui rient. La fleur de la jeunesse; le feu de l'amour; l'aveuglement de l'esprit ; le fil d'un discours; le fil des afaires.

C'est par métaphore que les diférentes classes, ou considérations auxquelles se réduit tout ce qu'on peut dire d'un sujet, sont apelées lieux comuns en Rhétorique, et en Logique, loci comu nes. Le genre, l'espèce, la cause, les éfets, etc.

(1) Phæd. 1. I. Prol.

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