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tégeoit les Gens de lettres: on dit aujourd'hui d'un seigneur qui leur accorde sa protection, c'est un Mécénas.

Mais sans un Mécénas, à quoi sert un Auguste (1)? c'est-à-dire, sans un protecteur.

Irus étoit un pauvre de l'île d'Ithaque (2) qui étoit à la suite des amans de Pénélope; il a doné lieu au proverbe des anciens, plus pauvre qu'Irus. Au contraire, Crésus,roi de Lydie, fut un prince extrêmement riche; de-là, on trouve dans les poëtes Irus pour un pauvre, et Crésus pour un riche.

Irus et est subitò qui modo Croesus erat (3).

. . Non distat Croesus ab Iro (4).

Zoile fut un critique passioné et jaloux : son nom se dit encore (5) d'un home qui a les mêmes défauts; Aristarque, au contraire, fut un critique judicieux: l'un et l'autre ont critiqué Homère : Zoile l'a censuré avec aigreur et avec passion; mais Aristarque l'a critiqué avec un sage discernement', qui l'a fait regarder come le modèle des critiques: on a dit de ceux qui l'ont imité, qu'ils étoient des Aristarques. Et de moi-même Aristarque incomode (6) : C'est-à-dire, censeur. Lisez vos ouvrages,

(1) Boileau, Sat. I, v. 80.
(2) Homer. Odiss. 1. XVIII.

(3) Ovid. Trist. III, Eleg. 7, v. 42.
(4) Propert. 1. III, Eleg. 4. v. 39.

(5) Ingenium magni detrectat livor Homeri :

Quisquis es ex illo, Zoïle
"

nomen habes.

dit

Ovid. Remed, amor. v. 365.

(6) Rousseau, Ep. 1, aux Muses.

E

Horace (1), à un ami judicieux: il vous en fera sentir les défauts, il sera pour vous un Aristarque.

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Thersite fut le plus mal fait, le plus lâche le plus ridicule de tous les Grecs: Homère a rendu les défauts de ce grec si célèbres et si conus, que les anciens ont souvent dit un Thersite, pour un home diforme, pour un home méprisable (2). C'est dans ce dernier sens que M. de la Bruyère a dit : » jetez-moi dans les troupes

come un simple soldat, je suis Thersite; ›› metez-moi à la tête d'une armée dont j'aie à » répondre à toute l'Europe, je suis Achille ». dipe, célèbre dans les tems fabuleux pour avoir deviné l'énigme du Sphinx, a doné lieu à ce mot de Térence, Davus sum, non Œdipus (3). Je suis Dave, Seigneur, et ne suis point Edipe. C'est-à-dire, je ne sais point deviner les discours énigmatiques. Dans notre Andriène française, on a traduit ;

Je suis Dave, Monsieur, et ne suis pas devin (3) Ce qui fait perdre l'agrément et la justesse de l'oposition entre Dave et Edipe: je suis Dave, donc je ne suis pas Edipe, la conclusion est

(4) Vir. bonus ac prudens versus reprehendet inertes, Culpabit duros, incomptis allinet atrum

,

Transverso calamo signum; ambitiosa recidet
Ornamenta parùm claris lucem dare coget;
Arguet ambiguè dictum; mutanda notabit,
Fiet Aristarchus. Horat. art. poet. v. 444.

(2) La Bruyère, caract. des Grands.
(3) Ter. And. act. I, sc. 2.

(4) And. act. I, sc. 3.

juste; au lieu que, je suis Dave

donc je ne

suis pas devin; la conséquence n'est pas bien tirée, car il pouroit être Dave et devin.

M. Saumaise a été un fameux critique dans le dix-septième siècle: c'est ce qui a doné lieu à ce vers de Boileau,

Aux Saumaises futurs préparer des tortures (1). c'est-à-dire, aux critiques, aux comentateurs à venir.

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Xantipe, femme du philosophe Socrate, étoit d'une humeur fâcheuse et incomode: on a doné son nom à plusieurs femmes de ce caractère. Pénélope et Lucrèce se sont distinguées par leur vertu telle est du moins leur comune réputation on a doné leur nom aux femmes qui leur ont ressemblé au contraire, les femmes débauchées ont été apelées des Phrynés ou des Laïs; ce sont les noms de deux fameuses courtisanes de l'anciène Grèce.

Aux temps les plus féconds en Phrynés, en Laïs,
Plus d'une Pénélope honora son pays (2).

Typhis fut le pilote des Argonautes; Automédon fut l'écuyer d'Achille, c'étoit lui qui menoit son char: de-là, on a doné les noms de Typhis et d'Automédon à un home qui, par des préceptes, mène et conduit à quelque science ou à quelque art. C'est ainsi qu'Ovide a dit qu'il étoit le Typhis et l'Automédon de l'art d'aimer.

(1) Boileau, Epit. à son esprit, c'est la IX. (2) Boileau, Sat. X.

Typhis et Automedon dicar amoris ego (1),

Sous le règne de Philippe de Valois, le Dauphiné fut réuni à la Courone (2). Humbert, Dauphin de Viennois, qui se fit ensuite religieux de l'ordre de S. Dominique, se dessaisit et dévestit du Dauphiné et de ses autres terres, et en saisit réellement, corporèlement et de fait, Charles, petit fils du Roi, présent et acceptant pour li et ses hoirs et successeurs; et plus bas, transporte audit Charles, ses hoirs et successeurs et ceux qui auront cause de li perpétuèlement et héritablement en saisine et en propriété pleine ledit Dalphiné.

Charles devint roi de France (3), cinquième

(1) Ovid. de Arte ama. 1. I, v. 8.

(2)Termes de la confirmation du dernier acte de transport du Dauphiné, en faveur de Charles, fils de Jean, duc de Normandie. Cet acte est du 16 Juillet 1349. Voyez les preuves de l'histoire du Dauphiné de M. de Valbonnay, et ses Mémoires , pour servir à l'histoire du Dauphiné. A paris, chez de Bats, 1711.

On s'est persuadé que la condition en faveur du » premier né de nos Rois, étoit tacitement renfermée >> dans ces paroles, quoiqu'elle n'y soit pas litéralement >> exprimée » come on le croit communément. Histoire du Dauphiné, pag. 603, édit. de 1722,

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Jean Dans le tems de cette donation faite à Charles, père de Charles, étoit le fils aîné du Roi Philippe de Valois, et fut son sucesseur, c'est Jean II. Après la mort du Roi Jean II, Charles son fils, qui étoit déjà c'est Charles V, Dauphin, lui succéda au royaume, dit le Sage. Ainsi ce ne fut pas le fils aîné du Roi qui fut le premier Dauphin, ce fut Charles, fils de l'aîné.

(3) Hist. de la Monarchie Française, par G. Marcel, tom. III, pag. 52,

du nom, et dans la suite « il a été arrêté que > le fils aîné de France porteroit seul le titre de Dauphin".

On fait allusion au Dauphin, lorsque dans les familles des particuliers on apèle Dauphin le fils aîné de la maison, ou celui qui est le plus aimé on dit que c'est le Dauphin par antonomase, par allusion, par métaphore, ou par ironie. On dit aussi un Benjamin, faisant allusion au fils bien aimé de Jacob.

V I.

LA COMMUNICATION DANS LES PAROLES.

Les Rhéteurs parlent d'une figure apelée simplement comunication; c'est lorsque l'orateur s'adressant à ceux à qui il parle, paroît se communiquer, s'ouvrir à eux, les prendre eux-mêmes pour juges; par exemple: En quoi vous ai-je doné lieu de vous plaindre ? Répondez-moi, que pouvois-je faire de plus? Qu'auriez-vous fait à ma place? etc. En ce sens, la comunication est une figure de pensée, et par conséquent elle n'est pas de mon sujet.

La figure dont je veux parler est un trope, par lequel on fait tomber sur soi-même ou sur les autres, une partie de ce qu'on dit: par exemple, un maître dit quelquefois à ses disciples, nous perdons tout notre tems, au lieu de dire, vous ne faites que vous amuser. Qu'avons-nous

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