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Environné de lumière,

Cet aftre ouvre la carrière

Comme un époux glorieux,
Qui dès l'aube matinale
De fa couche nuptiale
Sort brillant et radieux.
L'univers, à fa prefence,
Semble fortir du néant.

Il prend fa courfe, il s'avance
Comme un fuperbe géant.
Bientôt fa marche feconde
Embraffe le tour du monde
Dans le cercle qu'il décrit ;
Et par fa chaleur puiffante
La nature languiffante
Se ranime et fe nourrit.
Oh! que tes œuvres font belles!
Grand Dieu, quels font tes bienfaits!
Que ceux qui te font fidèles
Sous ton joug trouvent d'attraits!
Ta crainte infpire la joié:
Elle affure notre voie ;
Elle nous rend triomphans:
Elle éclaire la jeuneffe,
Et fait briller la fageffe
Dans les plus foibles enfans.
Soutiens ma foi chancelante,
Dieu puiffant: infpire-moi
Cette crainte vigilante,
Qui fait pratiquer ta loi:
Loi fainte, loi desirable,
Ta richeffe eft préférable
A la richeffe de l'or;
Et ta douceur est pareille
Au miel dont la jeune abeille
Compofe fon chèr tréfor.
Mais fans tes clartés facrées,
Qui peut connoître, Seigneur,
Les foibleffes égarées
Dans les replis de fon cœur!
Prête-moi tes feux propices.
Viens m'aider à fuir les vices

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ENALQUE fefoit paître fes brebis fur de hautes montagnes, et y rencontra l'aimable Daphnis, qui gardoit auffi fon troupeau de bœufs. Ces deux Bergers étoient blonds: tous deux à la fleur de l'âge: tous deux habiles à chanter, et à jouer de la flute. Ménalque apperçut le premier Daphnis, et lui parla ainfi :

MENALQUE.

Daphnis, Pafteur de troupeaux mugiffans, veux-tu difputer avec moi le prix du chant? Je t'avoue fincèrement qu'il ne me fera pas difficile de remporter la victoire. Daphnis lui répondit en ces termes: >

DAPHNIS

Ména que, conducteur de brebis couvertes de riches toisons, favant joueur de flute, tes chants, quels que foient tes efforts, ne l'emporteront point fur les miens!

MENALQUE.

Veux-tu effayer? Veux-tu dépofer un prix pour le vainqueur?

DAPHNIS.

Je difputerai volontiers contre toi, et je confens à don ner un gage.

MENALQUE.

Mais quel gage pourrons-nous déposer qui foit digne

de notre victoire?

DAPHNIS.

Pour moi, je rifquerai un Veau tendre; et toi, tu mettras un Agneau auffi gros que fa mère.

MENALQUE

Je ne puis gager um Agneau: mon père et ma mère font trop redoutables: ils comptent chaque foir toutes les Brebis.

DAPHNIS.

Mais, que peux-tu donc parier? Quel prix remportera donc le vainqueur?!

། ་

MENALQUE.

J'ai une belle flute à neuf trous, que j'ai faite moimême. Les tuyaux font de la même longueur, et unis enfemble avec de la cire blanche. Je la mettrai pour gage: mais je ne parierai rien de ce qui appartient à mon père.

DAPHNIS.

J'en poffede une toute femblable: les tuyaux en font également joints avec de la cire odoriférante. Je l'achevai ces jours derniers; je me déchirai même le doigt en la fefant, et j'en reffens encore de la douleur. Mais qui nous écoutera? Quel fera notre Juge?

MENALQUE.

Si nous appellions ce Berger dont le chien blanc aboye autour de fes Chevreaux!

Ces deux jeunes rivaux appellent le Berger: il accourt auffi-tôt pour les entendre: ils chantent tous les deux à la fois; mais comme le Berger veut juger leurs chants, on confulte le fort; il tombe fur Ménalque: celui-ci doit jouer le premier de la flute, et Daphnis lui répondre par des couplets champêtres. Ménalque commence donc ainfie

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MENALQUE.

Bois, et vous fleuves, dont l'origine eft célefte, fi Mé nalque a chanté quelquefois fur fon chalumeau des airs agréables, procurez à ces Brebis de gras pâturages; et fi Daphnis conduit ici fes Geniffes, accordez-lui la même faveur !

DAPHNIS.

Herbes tendres, claires fontaines, gazons délicieux, fi Daphnis chante auffi agréablement que le Roffignol, en-" graiffez fes troupeaux; et fi Ménalque vient dans ces lieux, qu'il y trouve d'abondans pâturages!

MENALQUE.

Dans tous les endroits où paroit ma charmante Bergère, le Printems fourit, les pâturages abondent, les mammelles font remplies de lait, et les jeunes Troupeaux s'engraiffent; mais dès qu'elle s'éloigne, les gazons fe deffechent, et le Berger languit.

DAPHNIS.

Les Brebis et les Chèvres mettent bas des jumeaux, les Abeilles rempliffent de miel leurs ruches, les Chênes portent plus haut leur tête majeftueufe, dans les lieux où fe trouve le beau Milon; mais quand il les abandonne, le Berger feche auffitôt de douleur, et les Troupeaux maigriffent.

MENALQUE.

O toi, le mari de mes Chèvres blanches! O profondeur immenfe des forêts! Et vous, mes Chevreaux, venez-vous défaltérer dans ce ruiffeáu: Milon eft dans ces contrées: et toi qui es privé de tes cornes, cours dire à ce même Milon, que Protée, quoique Dieu, a fait paître les Veaux

marins:

DAPHNIS.

Je ne defire point le Royaume de Pelops, ni des tréfors accumulés, ni d'être plus léger à la courfe que les vents: je préfere de chanter des airs champêtres, affis près de toi au pied de ce rocher fourcilleux, et de voir paître d'un côté mes Brebis, et de porter de l'autre mes regards fur la mer de Sicile.

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MENALQUE. 'N'

Les froids font funeftes aux arbres; les chaleurs aux ruiffeaux; les lacets aux oifeaux; les piéges aux bêtes fauvages; et aux hommes, la paffion ardente d'une jeune

Beauté. O Jupiter! O Souverain Maître des Dieux! Je ne reffens pas feul les feux de l'amour: tu brûles auffi toi-même pour des mortelles.

Tels furent les chants que firent entendre ces deux jeunes bergers: Ménalque commença ainfi fon dernier couplet:

MENALQUE.

Epargne mes chevreaux, loup cruel, épargne mes brebis qui viennent de mettre bas! Ne m'enleve rien, quoique je fois jeune et le gardien d'un troupeau nombreux! O Lampure, comment peux-tu dormir auffi profondément! Un chien fidèle ne doit point fe livrer au fommeil, lorfqu'il accompagne un jeune berger à la tête de fon troupeau. Et vous, mes chères brebis, raffafiezvous fans crainte d'herbe tendre; elle renaîtra bientôt ! Paiffez fans inquiétudes! Paiffez fans alarmes! Rempliffez de lait vos mammelles, afin que vous puiffiez en fournir fuffifamment à vos petits, et qu'il en refte encore affez pour remplir quelques vafes!

Daphnis chante à fon tour un air mélodieux.

DAPHNIS.

Hier une jeune bergère, dont les fourcils étoient parfaitement beaux, me regarda, lorfque je paffois devant sa grotte avec mes geniffes: elle répêta deux fois que j'étois charmant. Je ne lui fis point alors une réponse dure et impolie; mais je baiffai auffitòt les yeux, et je continuai lentement ma route. Les veaux, les geniffes et leurs mères mugiffent agréablement, et leur haleine a beaucoup de douceur. Quel agrément d'être couché pendant les grandes chaleurs, fur les bords verdoyans d'un ruiffeau qui coule avec un doux murmure! Les pommes font l'ornement des pommiers, et les glands celui des chênes: les jeunes veaux augmentent le prix de leurs mères, et les troupeaux font la richeffe des bergers.

C'eft ainfi que chantèrent ces deux bergers; et celui qu'ils avoient pris pour juge, parla en ces termes:

LE BERGER.

Que ta voix eft agréable, ô Daphnis! Que tes chants font harmonieux! II eft plus doux de t'entendre chanter, de favourer le miel! Reçois ces deux flutes: elles font le prix de ta victoire. Si tu veux m'apprendre à chanter,

que

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