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Philomele reprend ses airs doux et plaintifs,
L'amant de fleurs fuccede aux aquilons captifs:
Tout charme ici les yeux; chaque inftant voit éclore,
Dans ces prés émaillés de nouveaux dons de Flore:
A chanter tour-à-tour préparez donc vos voix:
Ces combats font cheris de la Mufe des Bois.
DAMETE.

Mufes! donnez au Maître du Tonnerre
Le premier rang dans vos nobles chanfons:
Il est tout, il remplit les Cieux, l'Onde, la Terre,
Il difpenfe à nos champs les jours et les moiffons.
MENALQUE.

Du jeune Dieu que le Permeffe adore,

Mutes! chantons les honneurs immortels: Des premiers feux du jour quand l'Orient fe dore; D'un fefton de lauriers je pare fes autels.

DAMETE.

Quand je fuis dans un bois tranquille
Sous un chêne épais endormi,

Glycère me reveille; et d'une course agile
Elle fuit dans un autre, et s'y cache à demi,
MENALQUE.

Philis, près de ma bergerie,

Vient chaque jour cueillir des fleurs:
Nos troupeaux réunis paiffent dans la prairie,
Et par ce tendre accord imitent nos deux cœurs.
DAMETE.

Je veux offrir deux tourterelles

A ma Glycère au premier jour:
Ce couple heureux d'oifeaux fidelles
Lui dictera les loix d'un éternel amour.

MENALQUE.

Sur mes fruits une fieur vermeille,
Répand un brillant coloris:

J'en veux remplir une corbeille,..
Et l'offrir de ma main à la jeune Cloris.
DAMETE.

Que j'aime l'entretien de la tendre Glycère, Zéphyrs, qui l'écoutez dans ces momens fi doux, Ne portez point aux Dieux ce que dit ma bergère, Des plaifirs fi charmans rendroient le Ciel jaloux.

MENALQUE.

Souffrez qu'armé d'un arc je fuive votre trace,
Cloris, quand vous chaffez dans les routes des bois :
Souvent Endymion vit Diane à la chaffe,
Souvent de la Déeffe il porta le carquois.
DAMETE.

Je celebre bientôt le jour de ma naissance:
Venez, belle Glycère, honorer ce beau jour,
Vous ferez l'ornement des concerts de la danfe,
Votre chant. et vos pas font conduits par l'amour.
MENALQUE.

Cloris feule a mon cœur, feule elle a tous les charmes:
Ciel! qu'elle m'enchanta dans nos derniers adieux!
Ses yeux avec les miens répandirent des larmes,
Ah! quand pourrai-je, amour, revoir de fi beaux yeux ?
DAMETE.

Mon cœur redoute autant les rigueurs de Glycère,
Qu'un timide mouton craint la fureur des loups!
Qu'un laboureur, veillant fur une moiffon chère,
Craint le fouffle fougueux des aquilons jaloux.
MENALQUE.

Ma Cloris eft pour moi ce que l'herbe naissante
Au lever de l'Aurore eft pour une jeune agneau,
Et ce qu'eft à la terre aride et languiffante
Une féconde pluie, ou le cours d'un ruisseau.
DAMETE.

Puifque Pollion veut bien être

Le protecteur de mes chanfons,
Mufes, fur le hautbois champêtre,

Que fon nom foit chanté dans vos facrés vallons.

MENALQUE.

Pollion lui-même avec grace

Ecrit des vers d'un gout nouveau:
Savantes Nymphes du Parnaffe,

A ce Héros favant offrez un fier taureau.

DAMETE.

Illuftre Pollion, que celui qui vous aime
Soit placé près de vous au temple de l'honneur,
Que dans fon champ fécond, que fur les buiffons même,
Le miel et les parfums naiffent en fa faveur.

MENALQUE

Si quelqu'un peut aimer la mufe de Bathille,

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Du fade Mévius qu'il aime auffi les vers:
Qu'il afferviffe au joug le rénard indocile,

Qu'il préfere aux zéphyrs les vents des noirs hivers.
DAMETE.

Fuyez, jeunes Bergers, cette rive enchantée
Qui paroit n'offrir que des fleurs:

Fuyez, malgré l'attrait de cette onde argentée,
Un ferpent eft caché fous ces belles couleurs.
MENALQUE.

Vous qui foulez l'émail de ces routes fleuries,
Eloignez-vous, mes chers moutons,

Allez, un verd naiffant couronne ces prairies;
Ce bord vous offrira de plus tendres gazons.
DAMETE.

Je conduis ces troupeaux au meilleur pâturage,
Cependant je les vois dépérir chaque jour:
Moi-même je languis au printems de mon âge,
Tout languit dans nos champs fous les fèrs de l'amour.
MENALQUE.

L'amour ne me nuit point, j'ignore fes alarmes,
Jamais il n'a rendu mes troupeaux languiffans:
Mais un fombre enchanteur, par fes funeftes charmes,
Fait périr fans pitié mes agneaux innocens.

DAMETE.

De ce douteux débat, la palme vous eft due,

Si vous favez m'expliquer en quels lieux L'œil ne peut découvrir que fix pieds d'étendue, De ce vafte horizon qui termine les cieux.

MENALQUE.

Au prix de vos chansons je souscris fans murmure,
Et fur Cloris je vous cede mes droits,

Si vous favez me dire en quel lieu la nature
Sur de naiffantes fleurs grave le nom des Rois.
PALEMON.

Je ne puis entre vous décider la victoire,
L'un et l'autre à mes yeux en emporte la gloire,
Et tout berger qui peut égaler vos beaux fons,
Mérite, comme vous, la palme des chansons.
Renouvellez fouvent en cadences égales
Le paisible combat de vos mufes rivales:
Et quand vous formerez ces gracieux récits,
Que toujours, entre vous, le prix refte indécis.

A.

SATIRE III.

DE MONS. BOILEAU DESPREAUX.

Q

UEL fujet inconnu vous trouble et vous altere?
D'où vous vient aujourd'hui cet air fombre et
fevère,

Et ce vifage enfin plus pâle qu'un rentier,
A l'afpect d'un arrêt qui retranche un quartier?
Qu'eft devenu ce teint, dont la couleur fleurie
Sembloit d'ortolans feuls, et de bisques nourrie?
Où la joye en fon luftre attiroit les regards,
Et le vin en rubis brilloit de toutes parts.
Qui vous a pu plonger dans cette humeur chagrine?
A-t-on par quelque édit reformé la cuifine?
Ou quelque longue pluye inondant vos vallons,
A-t-elle fait couleur vos vins et vos melons?
Répondez donc enfin, ou bien je me retire.

P. Ah! de grace un moment, fouffrez que je refpire.
Je fors de chez un fat, qui pour m'empoisonner,
Je penfe, expres chez lui m'a forcé de diner.
Je l'avois bien prevu. Depuis près d'une année,
J'éludois tous les jours fa pourfuite obstinée.
Mais hier il m'aborde, et me ferrant la main:
Ah! Monfieur, m'a-t-il dit, je vous attends demain.
N'y manquez pas au moins. J'ai quatorze bouteilles
D'un vin vieux-Bucingo n'en a point de pareilles:
Et je gagerois bien que chez le Commandeur,
Vilandri priferoit fa féve, et sa verdeur.
Moliere avec Tartuff y doit jouer fon rôle :
Et Lambert, qui plus eft, m'a donné fa parole.
C'est tout dire en un mot, et vous le connoiffez.
Quoi Lambert? Oui, Lambert.

A demain? C'eft affez.

Ce matin donc, feduit par fa vaine promeffe, J'y cours, midi fonnant, au fortir de la Meffe.

A peine étois-je entré, que ravi de me voir,
Mon homme en m'embraffant, m'eft venu recevoir,
Et montrant à mes yeux une allegrèffe entière,
Nous n'avons, m'a-t-il dit, ni Lambert, ni Molière,
Mais puifque je vous vois, je me tiens trop content,
Vous êtes un brave homme. Entrez. On vous attend,
A ces mots, mais trop tard, reconnoiffant ma faute,
Je le fuis en tremblant dans une chambre haute,
Où malgré les volets, le Soleil irrrité

Formoit un poc e ardent au milieu de l'Eté:
Le couvert étoit mis dans ce lieu de plaifance:
Où j'ai trouvé d'abord, pour toute connoiffance,
Deux nobles Campagnards grands lecteurs de romans,
Qui m'ont dit tout Cyrus dans leurs longs complimens;
J'enrageois. Cependant on apporte un potage;
Un coq y paroiffoit fur ce pompeux équipage,
Qui changeant en plat et d'état et de nom,
Par tous les conviés s'eft appellé chapon..
Deux affiettes fuivoient, dont l'une étoit ornée
D'un langue en ragout de perfil couronnée;
L'autre d'un godiveau tout brûlé par dehors,
Dont un beurre gluant inondoit tous les bords.
On s'affied mais d'abord, notre troupe ferrée
Tenoit à peine au tour d'une table quarrée,
Où chacun, malgré foi, l'un fur l'autre porté,
Fefoit un tour à gauche, et mangeoit de côté.
Jugez en cet état fi je pouvois me plaire,
Moi qui ne conte rien ni le vin, ni la chère:
Si l'on n'eft plus au large affis en un feftin,
Qu'aux fermons de Caffaigne, ou de l'Abbé Cotin.
Notre Hôte, cependant, s'addreffant à la troupe:
Que vous femble, a-t-il dit, du gout de cette foupe?
Sentez-vous le citron dont on a mis le jus,
Avec des jaunes d'œufs mêlés dans du verjus?

2

Ma foi, vive Mignot, et tout ce qu'il apprête. Les cheveux cependant me dreffoient à la tête: Car Mignot, c'est tout dire, et dans le monde entier, Jamais empoisonneur ne fut mieux fon métier. J'approuvois tout pourtant de la mine et du gefte, Penfant qu'au moins le vin dut reparer le reste. Pour m'en éclaircir donc, j'en demande. Et d'abord, Un laquais éfronté m'apporte en rouge bord,

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