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(Ici le fond du théatre s'ouvre. On voit le dedans de temple, et les Levites armés entrent de tous côtés fur la fcène.)

Athalie. Où fuis-je! O trahifon! ô Reine infortunée! D'armes et d'ennemis je fuis environnée!

Joad. Tes yeux cherchent en vain, tu ne peux échapper,

Et Dieu de toutes parts a fu t'envelopper.
Ce Dieu que tu bravois en nos mains t'a livrée,
Rends-lui conte du fang dont tu t'es enyvrée.

Athalie. Quoi? La peur a glacé mes indignes foldats? Lâche Abner, dans quel piège as-tu conduit mes pas! Abner. Reine, Dieu m'eft témoin

Athalie,

Et venge-moi...

Laiffe-là ton Dieu, traitre:

Abner, (fe jettant aux pieds de Joas.) Sur qui? Sor Joas? Sur mon maître?

Athalie. Lui Joas? Lui ton Roi? Songez, mechans,

fongez,

Que mes armes encore vous tiennent affiegés. J'entends à haute voix tout mon camp qui m'appelle. On vient à mon fécours. Tremblez, troupe rebelle.

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SCENE VI.

ISMAEL, JOAS, JOAD, ATHALIE, et tous les Adeurs de la fiène précédente.

Ifmaël, (à Foad) Seigneur, le temple est libre, et n'a plus d'ennemis.

L'étranger eft en fuite, et le Juif eft foumis,
Comme le vent dans l'air diffipe la fumée,
La voix du Tout-Puiffant a chaffé cette armée.
Nos Lévites, du haut de nos facrés parvis,
D'Ocofias au peuple ont annoncé le fils,
Ont conté fon enfance au glaive dérobée,
Et la fille d'Achab dans le piège tombée.
Par-tout en même tems la trompette a fonné
Et fes foins, et leurs cris dans fon camp étonné,
Ont répandu le trouble et la terreur fubite,
Dont Gédéon frappa le fièr Madianite.
Les Tyriens jettant armes et boucliers,
Ont par divers chemins difparu les premiers

Quelques Juifs éperdus ont auffi pris la fuite.
Mais de Dieu fur Joas admirant la conduite,
Le reste à haute voix s'eft pour lui déclaré;
Enfin d'un même efprit tout le peuple inspiré.
Femmes, vieillards, enfans, s'embraffent avec joie,
Béniffent le Seigneur, et celui qu'il envoie.
Tous chantent de David le fils reffufcité.
Baal eft en horreur dans la fainte cité.
De fon temple profane on a brifé les portes.
Mathan eft égorgé.

Athalie.
Dieu des Juifs, tu l'emportes!
Oui, c'eft Joas, je cherche en vain à me tromper.
Je reconnois l'endroit où je le fis frapper.
Je vois d'Ocofias et le port, et le geste.
Tout me trace enfin un fang que je détefte.
David, David triomphe, Achab feul eft detruit.
Impitoyable Dieu, toi feul as tout conduit.
C'eft-toi qui, me flattant d'une vengeance aifée,
M'as, vingt fois en un jour, à moi-même oppofée,
Tantôt pour un enfant excitant mes remords,
Tantôt m'éblouiffant de tes riches tréfors,
Que j'ai craint de livrer aux flammes, au pillage.
Qu'il regne donc ce fils, ton foin, et ton ouvrage.
Et que pour fignaler fon empire nouveau,
On lui faffe en mon fein enfoncer le couteau.
Voici ce qu'en mourant lui fouhaite fa mère.
Que dis-je, fouhaiter? Je me flatte, j'espère,
Qu'indocile à ton joug, fatigué de ta loi,
Fidelle au fang d'Achab, qu'il a reçu de moi,
Conforme à fon ayeul, à fon père semblable,
On vérra de David l'héritier détestable
Abolir tes honneurs, profaner ton autel
Et venger Athalie, Achab, et Jéfabel.

(Athalie fort, les Lévites la fuivent.) Joad. Qu'à l'inftant hors du temple elle foit emmenée, Et que la fainteté n'en foit point profanée. Allez, facrés vengeurs de vos princes meurtris, De leur fang par fa mort faire ceffer les cris. Si quelque audacieux embraffe fa querelle, Qu'à la fureur du glaive on le livre avec elle.

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JOAS, JOAD, JOSABET, ABNER, et tous les Ageurs de la

fcène précédente.

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Joas, (defcendu de fon trône.) Dieu, qui voyez mon trouble et mon affliction,

Détournez loin de moi fa malédiction,

Et ne fouffrez jamais qu'elle foit accomplie.
Faites que Joas meure avant qu'il vous oublie.
Joad, (aux Lévites.) Appellez tout le peuple, et
montrons lui fon Roi,

Qu'il lui vienne en fes mains renouveller fa foi.
Roi, prêtres, peuple, allons, pleins de reconnoiffance,
De Jacob avec Dieu confirmer l'alliance;
Et faintement confus de nos égaremens,

Nous regagner à lui par de nouveaux fermens.
Abner, auprès du Roi reprenez votre place.

SCENE DERNIERE.

Un LEVITE, JOAS, JOAD, et tous les Alleurs de la feène précédente

Foad, (au Lévite.) Hé bien! De cette impie a-t-on puni l'audace?

Un Lévite. Le fer a de fa vie expié les horreurs.
Jérufalem longtems en proie à fes fureurs,
De fon joug odieux à la fin foulagée,
Avec joie en fon fang la regarde plongée.

Joad. Par cette fin terrible, et due à fes forfaits,
Apprenez, Roi des Juifs, n'oubliez jamais,
Que les Rois dans le Ciel ont un Juge févère,
L'innocence un vengeur, et l'orphelin un père.

LE COCU IMAGINAIRE,

COME DI E.

ACTEURS.

GORGIBUS, Burgeois de Paris.
CELIE, fa Fille.

LELIE, Amant de Celie.

GROS-RENE', Valet de Lelie.

SCANARELLE, Burgeois de Paris et Cocu Imagi

naire.

SA FEMME.

VILLEBREQUIN, Père de Valere.
LA SUIVANTE de Celie.

UN PARENT de Sganarelle.

La Scene eft à Paris.

SCENE PREMIERE.

GORGIBUS, CELIE, SA SUIVANTE.

CELIE fortant toute éplorée, et fon Père la fuivant.

A

H n'efperez jamais que mon cœur y confente.
Gorgibus. Que marmottez-vous là, petite imper-
tinente?

Vous pretendez choquer ce que j'ai refolu?
Je n'aurai pas fur vous un pouvoir abfolu?

Et

par fottes raifons votre jeune cervelle

Voudroit regler ici la railon paternelle?
Qui de nous deux à l'autre a droit de faire loi?
A votre avis, qui mieux, ou de vous, ou de moi,
O fotte, peut juger ce qui vous eft utile?

Par la corbleu, gardez d'échauffer trop ma bile,
Vous pourriez éprouver, fans beaucoup de longueur,
Si mon bras fait encore montrer quelque vigueur.
Votre plus court sera, Madame la mutine,
D'accepter fans façons l'Epoux qu'on vous deftine.
J'ignore, dites-vous, de quelle humeur il eft,
Et dois auparavant confulter, s'il vous plaît.
Informé du grand bien qui lui tombe en partage,
Dois-je prendre le foin d'en favoir davantage?
Et cet Époux ayant vingt mille bons ducats,
Pour être aimé de vous doit-il manquer d'appas?
Allez, tel qu'il puiffe être, avec cette fomme,
Je vous fuis caution qu'il eft tres-honnête homme.
Celie Hélas!

Gorgibus. Hé bien helas! que veut dire ceci?
Voyez le bel hélas qu'elle nous donne ici!
Hé! que fi la colère une fois me transporte,
Je vous ferai chanter hélas, de belle forte.
Voilà, voilà le fruit de ces empreffemens
Qu'on vous voit nuit et jour à lire vos Romains;
De quolibets d'amour votre tête eft remplie,
Et vous parlez de Dieu, bien moins que de Lelie.
Jettez moi dans le feu tous ces méchans écrits,
Qui gâtent tous les jours tant de jeunes efprits;
Lifez-moi comme il faut, au lieu de ces fornettes,
Les Quatrains de Pibrac, et les doctes Tablettes
Du Confeiller Matthieu, ouvrage de valeur,
Et plein de beaux dictons à reciter par cœur.
La Guide des Pécheurs eft encore un bon livre;
C'eft-là qu'en peu du tems on apprend à bien vivre:
Et fi vous n'aviez lu que ces Moralités,

Vous fauriez un peu mieux fuivre mes volontés.
Celie. Quoi, vous prétendez donc, mon Pere, que
j'oublie

La conftante amitié que je dois à Lelie!
J'aurois tort, fi fans vous je difpofois de moi;
Mais vous-même à fes vœux engageâtes ma foi.
Gorgibus. Lui fût-elle engagé encore davantage,
Un autre eft furvenu dont le bien l'en dégage:
Lelie eft fort bienfait, mais apprens qu'il n'eft rien
Qui ne doive ceder au foin d'avoir du bien:

Que l'or donne aux plus laids certain charme pour plaire,

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