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de fon mari, en demanda la raifon au Gouverneur de Roffe; il la pria d'avoir patience.

*

"Il n'en avoit point," s'écria-t-elle;" fa fuite eft une folie. Quand nos actions ne nous rendent pas traîtres, nos craintes le font fouvent."..

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"Vous ne favez pas, fi c'étoit fageffe on crainte."

Sageffe! laiffer fa femme, laiffer fes enfans, fa mailon et fes titres, dans une place d'où il s'enfuit! Il ne nows aime pas: il n'a pas la preuve, que la nature même fournit; car le pauvre roitelet, le plus petit des oifeaux, défend fes jeunes dans fon nid contre le hibou.- -Tout eft crainte

dans fa fuite, rien n'eft amour." -“Ma chère coufine, de grace moralifez-vous vousmême. Quant à votre mari, il eft noble, fage, judicieux, et connoit mieux que vous les occafions favorables. Je n'ôfe pas en dire davantage; mais les temps font cruels, quand nous fommes des traîtres. Nous ne vous connoiffons pas nous-mêmes, quand nous écoutons les bruits de ce que nous craignons.Je prens congé de

vous."

A peine fut-il parti, qu'un messager vint à la hâte avertir la femme de Macduff de fon danger, et de s'éloigner avec fon fils, le plus promtement, qu'il lui feroit poffible.

"Où fuirai-je?" s'écria-t-elle. "Je n'ai point fait de mal; mais je me fouviens à préfent, que je fuis dans ce monde, où il eft fouvent louable de faire du mal, et quelquefois dangereux de faire du bien."

Elle n'eut pas plutôt achevé ces mots, qu'elle vit entrer deux meurtriers, qui s'informèrent d'abord où étoit fon mari; et ayant appris qu'il n'étoit pas au logis, l'un 'eux fe jetta fur le fils et le tua. La mère n'eut que le temps de s'enfuir; les meurtriers la pourfuivirent, l'atteignirent, et la firent tomber fous leurs coups. Le Gouverneur de Roffe, ayant appris tant d'horreurs, se hâta de fe rendre en Angleterre pour en communiquer la nouvelle à l'infortuné Macduff.

"Votre château eft pris," lui dit-il, "votre femme et vos enfans ont été maffacrés d'une manière fauvage!" Quoi! ma femme et mes enfans!"

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"Femmes, enfans, domeftiques, tout ce qu'on a pu

trouver."

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Tous mes beaux Quoi! tous? Oh!

"Le barbare n'a point d'enfans enfans?- Avez-vous dit tous?

tifon d'enfer! Tous? Quoi! Tous mes beaux enfans, même leur mère enlevée!"

"Confolez-vous," dit Malcolm. "Que notre grande vengeance nous prépare des remèdes pour guérir ce chagrin mortel! Allons, partons dans l'inftant. L'Angleterre nous prête le bon Général Siward avec dix mille hommes. L'univers ne nous fournit pas un meilleur foldat, ni plus expérimenté. Combattez le tiran fans titre, avec un feeptre enfanglanté, comme il convient à un homme de le faire."

"Je le ferai; mais il faut auffi que je fente comme un homme, Je ne faurois m'empêcher de me souvenir, que c'est par rapport à moi, qu'ils furent tous malfacrés. Ce ne font pas leurs propres démérites, ce font les miens, qui les ont fait tomber fous les poignards des meurtriers.

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Que cette confidération foit une pierre pour aiguifer votre épée. Changez le chagrin en courroux; n'émoulfez pas votre valeur; augmentez-en la rage."

"Oh! je pourrois repréfenter le rôle d'un femme avec mes yeux, et faire le fanfaron avec ma langue. Mais, & Dieux! abrégez toute interruption. Faites paroître cet ennemi de l'Ecoffe et le mien face à face. Mettez-le à la diftance de mon épée; s'il échappe, que Je Cièl alors lui pardonne."

"Voilà un difcours mâle et nerveux. Allons fans délai trouver le Roi d'Angleterre: nos forces font prêtes: nous n'avons befoin de rien, que de prendre congé de lui. Macbeth a mis le comble à fes crimes; il chancèle, il eft fur le point d'être ébranlé, l'abîme eft creusé sous fes piés, et les puiffances d'en-haut nous fourniffent les moyens de l'y faire tomber.”

Ils ne perdirent pas un moment de temps: l'ufurpateur fut fort furpris, quand on vint lui dire que les Anglois avançoient avec dix mille hommes: il ne fut pas effrayé de leur approche: il fe fouvint de la prediction, qu'il ne feroit pas vaincu, à moins que la forêt de Birnam ne vint à Dunfinane.

Cependant les Anglois fefoient des progrès dans leur marche, et arrivèrent dans la forêt de Birnam. Le brave Malcolm ordonna à chaque foldat de couper une

branche, et de la porter devant lui, pour cacher le nombre des troupes, et pour faire prendre le change à l'en nemi. Macbeth, fachant à n'en pouvoir pas douter que l'ennemi approchoit, prit fon confeil dans le défefpoir, et fortifia à la hâte le château de Dunfinane.

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Que l'on déploye," s'écria-t-il, "nos drapeaux fur les murs extérieurs. Le bruit court encore, Ils viennent ; mais la force du château peut braver un fiége. Que les Anglois le préfentent ici, et qu'ils y reftent, jufqu'à ce que la famine les ait fait périr."

Dans le temps qu'il parloit avec tant d'intrépidité, Seyton, un de fes officiers, vint lui dire, que la Reine étoit morte. Pour furcroit de mauvaise nouvelle, un meffager lui annonça, que regardant vers Birnam, il lui fembloit que la forêt étoit en mouvement. Le régicide commença à entrevoir le vrai fens des paroles de l'apparition, et devint furieux.

"Aux armes, aux armes!" s'écria-t-il; "fi ce que dit le meffager ett vrai, je ne faurois prendre la fuite, ni m'arrêter ici. Je fouhaiterois, que l'univers fût un chaos.-Que l'on fonne la trompette.-Vents! foufflez. -Destruction! venez.-Au moins mourrai-je avec fermeté."

Cependant Macduff, Malcolm et leur armée avançoient, avec des branches à la main, vers le château du Dunfinane; et quand ils furent plus près, Malcolm ordonna aux foldats de les jetter à terre, et de fe montrer tela qu'ils étoient. Macbeth, voyant qu'il ne pourroit pas faire tête à tant de forces réunies, ne voulut pas attendre Piffue d'un fiége: il fortit de fon château, et résolut d'attaquer le plus brave, qui fe préfenteroit.

Ils fe

Le vaillant Macduff de fon côté fut impatient de rencontrer le meurtrier de sa femme et de fes enfans. rencontrèrent bientôt: l'un et l'autre, également furieux, mirent l'épée à la main; Macbeth, le cruel Macbeth, périt. Ainfi finit fa vie, tiffue de crimes les plus horribles; digne châtiment d'un monftre en forme humaine, et qui fembloit braver le Cièl et la Terre. Macduff, le brave Macduff, lui coupa la tête, la montra à toute l'armée, et proclama Malcolm Roi d'Ecoffe. La procla mation paffa de rang en rang: l'air retentit de cris de joie: VIVE LE ROI MALCOLM!

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SUR LES SPECTACLES DES ANGLOIS.

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A M. le Baron de K * * * à Berlin.

IMABLE Ami, vous me flattez bien agréablement en me difant que mes lettres ne vous paroiffent pas trop longues, et en m'en demandant la continuation. Je fatisferai à vos délirs, autant que les affaires férieuses que j'ai à traiter ici me le permettront. Tous me momens de loifir vous feront confacrés.

La nation Angloife a beaucoup de conformité avec les anciens Romains. Ceux-ci ne demandoient que du pain et des fpectacles; il femble que les Anglois ne forment d'autres vœux. C'est pour le procurer le pain, et les be foins d'une vie ailée, qu'ils perfectionnent l'induftrie, qu'ils font avec tant de chaleur le commerce et la navigation, qu'ils nouriffent un petit fond d'avarice qui leur fait aimer le jeu, et les paris. Les arts et les fciences mêmes ne font cultivés ici que dans un point de vue d'inté rét. Le fecond objet capital des Anglois, c'eft les fpec tacles. Ils ne peuvent affez les varier, ni en multiplier affez les espèces Indépendamment de ceux dont je vous ai fait la defeription dans une autre Lettre, il y a da rant l'Eté par toute l'Angleterre des courfes de che vaux, espèce de divertiffement public qui réunit le fpee. tacle et le pari, et pour lequel par conféquent le goût de la nation ne s'émouffera jamais. J'ai vu pendant mon premier voyage ces courfes à Newmarket auffi bien qu'à Torck, et je vous avoué que le coup d'œil m'en a frappé, J'admire moins la chofe même, la légéreté, la force et la velocité des chevaux, que l'appareil dont elle est ac compagnée, la foule innombrable de fpectateurs, la qua tité d'équipages à 6, à 4, à 2 chevaux, le nombre de domeftiques la plupart à cheval, de chevaux de mains, de cavaliers, &c. les tribunes, remplies de dames parées de leurs plus beaux habits, et de leurs plus magnifiques

diamans, et en un mot tout ce qui peut rendre un pareil fpectacle éclatant.

Je ne vous parlerai point des combats de bêtes feroces, de dogues, et de toutes fortes d'autres animaux qu'on voit ici. Ces combats fe donnent affez fréquemment au peuple, qui en eft fort avide; mais je ne puis me difpenfer de vous dire quelques mots des combats que les hommes font entre eux à la honte de l'humanité. Tantôt ce font des lutteurs nuds jufqu'à la ceinture, qui s'attaquent à coups de poing, qui fe portent des coups affreux, qui fe jettent à terre, que leurs fecondans rélevent, effuyent, excitent de nouveau au combat comine des dogues, et qui quelquefois s'étouffent ou s'étranglent; tantôt ce font des efpandonneurs qui fe battent à coups de fabre, mais auxquels on a foin d'enfermer les piés dans des fandales attachées au plancher, de manière qu'ils ne peuvent bouger de leur place. Leurs fabres font extraordinairement affilés, et fort légers vers la pointe, de manière que les bleffures qu'ils fe font ne font jamais bien profondes; mais le fang ruiffele bientôt, et le peuple bat des mains. Tantôt, enfin, ce font d'autres gladiateurs, armés de bâtons ferrés par les bouts, qui s'affomment, ou fe font des contufions énormes. Ce qu'il y a, à mon fens de scandaleux, c'est que ces combats fe font fous l'autorité du Gouvernement, fous les yeux d'un officier de la police, fur un théatre public, où l'entrée fe paye, où le partèrre, et qui plus eft, les loges font remplies d'honnêtes gens comme elles pourroient l'être à l'opera. On m'a mené l'autre jour à une pareille fcène au petit théatre du Hay-' market. Jamais je ne vis un fpectacle fi dégoutant, ni fi honteux pour l'efprit et le cœur humain. Mes conducteurs me donnèrent quelques mauvaises raifons pour excufer une férocité fi barbare; mais elles font fi foibles, qu'elles ne valent pas la peine d'être ni rapportées ni refutées.

On diroit que les combats des coqs apartiennent au genre de divertiffement qui eft refervé pour l'enfance; mais ici c'eft un fpectacle férieux, qui a fes théatres, et dont des perfonnes confidérables dans l'Etat s'amufent quelquefois. Comme il donne lien à des paris, il a beaucoup de partifans. Plufieurs particuliers élevent et entretiennent ces fortes de coqs, et les portent dans les arènes publiques

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