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A L'USAGE DES

ECOLES FRANÇOISES.

HISTOIRE DE JOSEPH.

Joseph vendu par fes Frères: Conduit en Egypte chez Putiphar: Mis en prifon. Gen. chap. 37, 39, & 40. i'

JACOB

ACOB avoit douze enfans, dont Joseph et Benjamin étoient les plus jeunes: il avoit eu ces deux derniers de Rachel. L'amour particulier que Jacob témoignoit à Joseph, la liberté que celui-ci prit d'accufer devant lui fes frères d'un crime que l'Ecriture ne nomme point, et le récit qu'il leur fit des fonges qui marquoient fa future grandeur, excitèrent leur jaloufie et leur haine.

1 Un jour qu'ils le virent venir à eux dans la campagne où ils paiffoient leurs troupeaux, ils fe dirent l'un à l'autre: Voici notre fongeur qui vient; allons, tuons-le, et le jettons dans une vieille citerne: après cela on verra à quoi lui auront fervi fes fonges. Sur la remontrance de Ru ben, ils fe contentèrent de le jetter dans la citerne, après lui avoir ôté fa robe. Bientôt même ils l'en retirerent, pour le vendre à des Marchands Ifmaelites qui alloient en Egypte, à qui en effet ils le vendirent vingt pièces d'argent. Après cela ils prirent fa robe, et l'ayant trempée dans le fang d'un chevreau, ils l'envoyèrent à Jacob, et lui firent dire: Voici une robe que nous avons trouvée; voyez fi ce n'eft pas celle de votre fils. Il la reconnut, et dit: C'eft la robe de mon fils. Une bête cruelle l'a dévoré, une bête a dévoré Josèph. Il déchira

ses vêtemens; et s'étant couvert d'un cilice, il pleura fon fils fort longtems.

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Les Ifmaelites emmenèrent Joseph en Egypte, où ils le vendirent à un des premiers Officiers de la Cour de Pharaon nommé Putiphar. Le Seigneur, dit l'Ecriture, étoit avec Joseph, et tout lui réuffiffoit heureufement. Son Maitre, qui voyoit bien que Dieu étoit avec lui, le prit en affection. Il le fit intendant de fa maison, et il fe repofa abfolument fur lui du foin de toutes fes affaires. Auffi Dieu bénit la maifon de Putiphar, et il multiplia fes biens de tous côtés à caufe de Josèph.\

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Il y avoit déjà longtems qu'il étoit dans cette maison, lorfque fa Maitreffe l'ayant regardé avec un mauvais défir, le follicita en l'abfence de fon mari à commettre le crime. Mais Joseph en eut horreur, et lui dit: Comment ferois-je affez malheureux, pour abufer de la confiance que mon Maître a en moi, et pour pécher contre mon Dieu? Elle continua ainfi pendant plufieurs jours à le folliciter, fans pouvoir rien obtenir. Enfin, un jour que Josèph étoit feul, elle le prit par le manteau, et le preffoit de confentir à fon mauvais defir, Alors Joseph, Jui laiffant le manteau entre les mains, s'enfuit. Cette femme, outrée de dépit, jetta un grand cri, et ayant Appellé les gens de fa maifon, elle leur dit que Josèph avoit voulu lui faire violence, et qu'il avoit pris la fuite aufitôt qu'il crier. Lorfque fon mari e entendu fut de retour, elle lui perfuada la même chose, en lui montrant le manteau comme une preuve de ce qu'elle. difoit. Putiphar, trop crédule aux paroles de fa femme, entra dans une grande colère, et le fit enfermer dans la prifon, où étoient ceux que le Roi fefoit arrêter, le Seigneur fut avec Joseph: il en eut compaffion, et il lui fit trouver grace devant le Gouverneur.

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Mais

Pendant que Joseph étoit en prifon, deux des grands Officiers de la Cour de Pharaon, favoir le grand Echanfon et le grand Pannetier, y furent conduits par ordre du Roi. Le Gouverneur en confia le foin a Joseph, comme de tous les autres prifonniers. Quelque tems après ils eurent tous deux dans la même nuit un fonge qui les jetta dans de grandes inquiétudes. Joseph leur en donna l'explication. H prédit à l'Echanfon, que dans trois jours il feroit rétabli dans l'exercice de fa

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charge; et au grand Pannetier, que dans trois jours Pharaon le feroit attacher à une croix, où fa chair feroit dechirée par les oifeaux. Les chofes arrivèrent, comme il Pavoit dit. Le grand Pannetier fut mis à mort, et l'autre rétabli. Joseph avoit prié l'Echanfon de fe fou venir de lui, et d'obtenir du Roi fon élargiffement: car j'ai été enlevé, dit-il, par fraude et par violence du pays, des Hébreux; et j'ai été renfermé dans cette prison, fans être coupable. Mais cet Officier étant rentré en faveur, ne penfa plus à fon Interprète.

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DEUX ans fe paffèrent depuis que l'Echanfon eut été rétabli, après lefquels Pharaon eut deux fonges en une même nuit. Dans l'un, il vit fept vaches graffes qui fortoient du Nil, et qui furent dévorées par fept autres vaches maigres forties après elles du même fleuve. Dans le fecond, il vit fept épis pleins, qui furent auffi dévorés par fept autres épis fort maigres. Aucun des Sages d'Egypte n'ayant pu expliquer ces fonges, l'Echanfon fe fouvint de Joseph, et en parla au Roi, qui le fit auffi-tôt. fortir de prifon, et lui raconta fes fonges. Joseph répondit, que les fept vaches graffes et les fept épis pleins fignifioient fept années d'abondance; et que les vaches et les épis maigres marquoient fept années de flérilité et de famine qui viendroient enfuite. Il confeilla au Roi d'établir un homme fage et habile, qui efit foin, pendant Jes fept années d'abondance, de faire ferrer une partie des grains dans des gréniers publics, à fin que l'Egypte y trouvât une reffource pendant la ftérilité. Ce confeil plut à Pharaon, et il dit à Joseph; C'est vous même que j'établis aujourd'hui pour commander à toute l'Egypte: tout le monde vous obéira, et il n'y aura que moi audeffus de vous. En même tems il ôta fon anneau de fon doigt, et le mit au doigt de Joseph: il le fit monter fur fon fecond char, et fit crier par un héraut, Que tout le monde fléchit le genou devant lui. 11 changea auffi fou nom, et lui en donna un qui fignifioit Sauveur du Monde. Les fept années d'abondance arrivèrent, comme Josephs l'avoit prédit. Pendant ce tems, il fit mettre en réserve ane grande quantité de blé dans les gréniers du Roi.

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La ftérilité vint enfuite, et la famine étoit dans tous les pays: mais il y avoit du blé en Egypte. Le peuple préffé de la faim, demanda à Pharaon de quoi vivre. 11 leur dit: Allez à Josèph, et faites tout ce qu'il vous dira. Josèph donc, ouvrant tous les gréniers, yendoit du blé aux Egyptiens et aux autres peuples.

Jacob l'ayant appris, commanda à fes enfans d'y aller. Ils partirent au nombre de dix: car Jacob avoit retenu Benjamin auprès de lui, de peur qu'il ne lui arrivât quelque accident dans le chemin. Etant arrivés en Egypte, ils parurent devant Josèph, et l'adorèrent. Joseph les reconnut d'abord; et en les voyant profternés devant lui, il fe fouvint des fonges qu'il avoit eus autrefois: mais il ne fe fit point connoître à eux. Il leur parla même fort durement, et les traita d'efpions qui venoient pour. examiner le pays. Ils lui repartirent: Seigneur, nous fommes venus ici pour acheter du blé. Nous fommes douze frères, tous enfans d'un même homme, qui demeure dans le pays de Chanaan. Le dernier de tous eft demeuré avec notre père, et l'autre n'eft plus au monde. Hé bien, reprit Joseph, je m'en vais éprouver fi vous dites la vérité. Envoyez l'un de vous, pour amener ici le plus jeune de vos frères: et cependant les autres demeureront en prifon. Il fe contenta néanmoins d'en retenir un feul. Pénétrés de frayeur et de regret, ils fe difoient l'un à l'autre en leur langue: C'eft avec juftice que nous fouffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère. Nous le voyions accablé de douleur, lorfqu'il nous prioit d'avoir pitié de lui: mais, nous ne voulûmes pas l'écouter. C'eft pour cela que ce malheur nous eft arrivé. Ruben, l'un d'entre eux, leur difoit: Ne vous le dis-je pas alors, de ne point commettre un fi grand crime contre cet enfant? cependant vous ne m'écoutâtes point. C'eft fon fang maintenant que Dieu vous redemande. Joseph, qui les entendoit, fans qu'ils le fûffent, ne put retenir fes larmes. 11 fe retira pour un moment, et revint enfuite leur parler. Alors il fit prendre Simeon, et le fit lier devant eux: puis il commanda fécrètement à fes Officiers de remettre leur argent dans leurs facs. Ils partirent donc avec leurs ânes chargés de blé.

Second Voyage des Enfans de Jacob en Egypte. Josèph reconnu par fes Frères. Gen. ch. 43, 44, 45.

LORSQUE les enfans de Jacob, au retour de leur voyage, lui eurent raconté tout ce qui leur étoit arrivé, l'emprifonnement de Simeon, et l'ordre exprès qu'ils avoient reçu de mener Benjamin en Egypte, cette trifte nouvelle le perça de douleur, et renouvella celle que la perte de Josèph lui avoit caufée. Il refufa longtems de laiffer partir fon cher Benjamin, qui feul fefoit toute fa confolation. Mais enfin, voyant que c'étoit une néceffité, et qu'autrement il le verroit périr de faim avec lui, il confentit à fon depart fur les affurances réitérées que lui donnèrent fes autres enfans de le lui ramener. Ils partirent donc tous enfemble avec des préfens pour Josèph, et le double de l'argent qu'ils avoient trouvé dans leurs facs.

Etant arrivés en Egypte, ils fe préfentèrent devant Josèph. Lorfqu'il les eut aperçus, et Benjamin avec eux, il dit à fon Intendant: Faites entrer ces gens-la chez moi, et préparez un feftin, parce qu'ils mangeront à midi avec moi. L'Intendant exécuta l'ordre, et les fit entrer. Eux, tout furpris d'un tel traitement, s'imaginoient qu'on alloit leur faire un crime de l'argent qui s'étoit trouvé dans leurs facs. Ils commencèrent donc par fe justifier auprès de l'Intendant, difant qu'ils ne favoient pas comment cela étoit arrivé; et que, pour preuve de leur bonne foi, ils reportoient cet argent. L'Intendant les raffura, en leur difant: Ne craignez rien: c'eft votre Dieu et le Dieu de votre père qui vous a fait trouver l'argent dans vos facs: car pour moi, j'ai reçu celui que vous avez donné. Auffitôt après, il leur amena Simeon leur frère. On leur apporta de l'eau: ils fe lavèrent les piés, et attendirent l'arrivée de Josèph.

Dès qu'il parut, ils fe profternèrent devant lui, et lui offrirent leurs préfens. Josèph après les avoir falués avec bonté, leur dit: Votre père, ce bon vieillard dont vous m'aviez parlé, vit-il encore? comment fe porte-t-il? Il répondirent: Notre père, votre ferviteur, eft encore en vie, et il fe porte bien. En même tems ils fe profter nèrent de nouveau. Josèph ayant aperçu Benjamin: Eft. ce-là, leur dit-il, votre jeune frère, dont vous m'aviez

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