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même ils auraient ignoré les circonstances aggravantes. Or, sur quoi cela peut-il être fondé, sinon sur ce que danti operam rei illicitæ, imputantur omnia quæ eveniunt, etiam præter voluntatem ejus.

Nous voyons actuellement pourquoi le mariage nul, quoique contracté de bonne foi, ne légitime pas les enfans, lorsque la cause de nullité existait, quoiqu'ignorée, à l'épode la conception. Car, si le mariage, même valable, ne légitime pas dans ce cas, ainsi que nous venons de le démontrer, à plus forte raison le mariage nul ne doit-il pas avoir cet effet.

que

Maintenant, pourquoi avons-nous décidé que le mariage putatif légitimait, lorsque la cause de nullité n'existait pas à l'époque de la conception des enfans? C'est que, dans ce cas, l'ignorance de la nullité a eu lieu à l'époque du mariage, c'est-à-dire à une époque où les époux dabant operam rei licita. Or, nous avons démontré qu'en pareil cas l'ignorance est innocente, et conséquemment excusable. Dans l'autre hypothèse, au contraire, l'ignorance a existé au moment de la conception, c'est-à-dire dans un instant où les époux dabant operam rei illicitæ. Cette ignorance n'était donc pas innocente, et ne devait pas être excusée; elle ne peut donc ôter aux enfans provenant de ce commerce, la tache de l'adultère. De là il suit que, dans les deux cas, le mariage a bien les effets civils; mais que, dans le premier, les enfans sont aptes à recevoir le bienfait de la légitimation, tandis qu'ils ne le sont pas dans le second.

L'arrêt de La Boissière, dont nous avons parlé plus haut, ne répugne pas à cette distinction, puisque la femme Maillard était mariée à l'époque du commerce qu'elle avait eu avec le sieur La Boissière.

Nota. Comme anciennement la loi considérait le mariage non-seulement comme acte civil, mais encore comme acte religieux, elle reconnaissait des mariages comme valables dans le for intérieur, mais auxquels elle n'accordait effets civils. Tels étaient,

pas

1o. Les mariages contractés par les morts civilement ;

les

2o Les mariages clandestins, c'est-à-dire, tenus secrets jusqu'à la mort de l'un des conjoints;

› Et 3o ceux qui avaient été contractés in extremis, c'està-dire à une époque où l'un des conjoints était attaqué d'une maladie qui avait prochainement trait à la mort, et dont il mourait effectivement.

Le mariage n'étant plus considéré, dans le Code, sous le rapport religieux, toutes ces distinctions ne doivent plus avoir lieu.]

SECTION PREMIERE.

Des Nullités absolues.

7

Les nullités absolues sont, 1o toutes celles qui résultent 147. des empêchemens dont il est question dans la section 4 du 184. chap. I, sauf, pour ce qui concerne le lien d'un premier mariage, ce que nous avons dit relativement au cas d'absence du premier époux;

139.

2o. Le défaut d'âge. Cette nullité, quoiqu'absolue, puis qu'elle peut être invoquée, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit même par le ministère public, se couvre néanmoins dans deux cas: pre- 184. mièrement, lorsqu'il s'est écoulé six mois sans réclamation, depuis que les époux, ou celui qui n'avait pas l'âge compétent l'ont atteint; secondement, la nullité ne peut plus être demandée, quand même les six mois ne seraient pas encore écoulés, si c'était la femme qui n'avait pas l'âge, et qu'elle ait conçu avant l'échéance de ces six mois. Elle ne peut être 185. également invoquée, dans aucun cas, par les parens qui ont 186. consenti sciemment au mariage;

[La nullité pourrait elle l'être par l'époux qui a l'âge compétent? Je ne le pense pas. (Argument tiré de l'article. 186.)

[ L'on dit qu'une nullité est couverte, quand elle ne peut plus être invoquée.

[ Quid, si c'est la femme qui ait l'âge compétent, que son mari ne l'ait pas, et qu'elle devienne enceinte?

Il n'en résultera pas de fin de non-recevoir. Quoiqu'en

191.

général le crime ne se présume pas, néanmoins on a senti qu'il ne fallait pas procurer à la femme qui a contracté un mariage illégal, un moyen de le faire maintenir par un commerce criminel avec un autre que son mari.

A plus forte raison, la nullité ne peut être demandée si la femme à conçu avant d'avoir l'âge compétent. Cette nullité étant principalement fondée sur le défaut de puberté, dès que la preuve matérielle de la puberté existe, la nullité ne peut plus être demandée par qui que ce soit. Je crois qu'il faut entendre par les mots : les parens qui ont consenti, ceux dont le consentement était nécessaire, et qui l'ont donné. En effet on peut leur reprocher d'avoir été complices, puisquè, s'ils n'eussent pas consenti, le mariage n'eût pas eu lieu. Cette raison ne s'applique pas à ceux dont le consentement n'était pas exigé.]

3o. Le défaut de publicité, lors de la célébration ; 4°. L'incompétence de l'officier public devant lequel le Ibid. mariage a été célébré.

Outre la nullité du mariage que ces deux dernières causes peuvent entraîner, elles donnent encore lieu à des peines pécuniaires, qui sont les mêmes que pour le défaut de publications, c'est-à-dire une amende de trois cents francs au plus contre l'officier public qui a célébré, et contre les parties contractantes ou ceux sous la puissance desquels elles ont agi', une amende proportionnée à leur fortune.

Ces peines peuvent être encourues par les délinquans, 195. lors même que la nullité du mariage n'aurait pas lieu.

[Ce n'est pas que ces causes de nullité ne soient radicales; mais c'est qu'il est très-possible, comme nous l'avons dit plus haut, que les juges, sans prononcer sur le fond, se décident par une fin de non-recevoir, putà si la nullité est demandée par des descendans ou des collatéraux qui n'aient pas d'intérêt né et actuel.]

Nous avons dit que ces diverses nullités pouvaient être invoquées par tous ceux qui ont intérêt : il faut entendre par-là un intérêt né et actuel; ce qui suppose que les collatéraux, et même les enfans d'un autre mariage, ne peuvent 187. intenter l'action du vivant des deux époux, puisqu'il est

possible, en effet, qu'ils n'aient jamais d'intérêt à faire noncer la nullité du mariage.

pro

[ Par exemple, si ce sont des parens du mari qui réclament, on leur opposera qu'il est possible que la femme meure sans enfans, et qu'alors ils n'aient point d'intérêt de contester le mariage.

Quid, si c'était un mariage contre les mœurs, par exemple, bigame ou incestueux? La prohibition faite aux collatéraux par l'article 187, est générale. Mais le Ministère public peut et doit demander la nullité (Art. 190.)

Quid, à l'égard des ascendans? Il paraît que, dans tous les cas, ils peuvent demander la nullité, quand même ils n'auraient aucun intérêt. D'abord, ils ne sont pas compris dans la prohibition portée par l'article 187. En second lieu, l'article 191 distingue formellement les ascendans, de ceux qui ont besoin d'avoir un intérêt né et actuel, pour réclamer. C'est la suite du système d'après lequel les ascendans sont toujours censés mus par un sentiment de bienveillance et un intérêt d'affection, et exercent, comme dit l'Orateur du Gouvernement, une sorte de magistrature domestique. ]

Cette restriction n'est point applicable à l'époux au préjudice duquel il a été contracté un second mariage, parce qu'il a effectivement toujours intérêt. Il peut donc attaquer le second mariage du vivant de l'époux, qu'il prétend en- 188. gagé avec lui. Mais si ce dernier soutient au contraire, que c'est le premier mariage qui est nul, alors, comme la nullité du second est subordonnée à la validité du premier, il est clair qu'il faut, avant tout, prononcer sur cette validité.

[Il ne faut pas conclure de là que l'on puisse légalement contracter un second mariage, lorsque le premier est nul, sans en avoir fait prononcer la nullité. Quelqu'évidente qu'elle soit, l'officier de l'état civil peut et doit refuser son ministère, tant qu'on ne lui représente pas un jugement qui ait déclaré le premier mariage nul. Mais il en est ici comme dans le cas du mariage du conjoint de l'absent. Si l'officier public, trompé par les parties, ou de concert avec elles, a célébré le second mariage, il est évident qu'avant

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d'en prononcer la nullité, l'on doit commencer par statuer sur la validité du premier.

Remarquez que la nullité résultant du lien d'un premier mariage, ne peut être couverte par aucun laps de temps, par aucune ratification, par aucun acte postérieur. Dès qu'il est prouvé que le premier mariage existait, quand le second a été contracté, celui-ci est nul, quand même le premier se trouverait dissous au moment où la nullité est demandée : la seule différence qui pourrait résulter de la dissolution du premier mariage, survenue pendant la duréo du second, est relative aux enfans, et ne peut avoir lieu que quand les deux parties sont dans la mauvaise foi. Les enfans nés pendant que le premier mariage existait, sont bâtards adultérins. Les autres sont simplement naturels.

Quant au ministère public, son intervention n'est obligée que dans les cas où l'ordre de la nature ou celui de la société sont violés tels sont ceux du défaut d'âge, de la parenté au degré prohibé, ou d'un premier mariage existant. Dans ces trois circonstances donc, il doit, sauf encore les cas d'exception dont nous avons parlé, demander la nullité du mariage, si les époux sont vivans tous deux, et les 190. faire condamner à se séparer.

[ On a même jugé, et avec raison, à Bruxelles, le 1er août 1808, que le Ministère public pouvait agir par voie d'action, lorsqu'il s'agissait de prévenir un mariage du nombre de ceux dont il doit, aux termes dudit article, demander la nullité. (SIREY, 1808; 2o partie, pag. 275.)

Dans l'espèce, un mari veuf voulait épouser la sœur de sa femme, nonobstant la prohibition portée dans l'art. 162. Pour y parvenir, il avait imaginé, de concert avec le père de sa première femme, qui était absent et émigré lors du premier mariage, de faire demander par ce dernier la nullité de ce premier mariage, sous prétexte du défaut de consentement. Un premier jugement, rendu de connivence, avait prononcé la nullité, et le délai de l'appel allait expirer, lorsque le Procureur-général se porta appelant. On le soutint non-recevable; d'abord, parce que le droit d'appeler ne lui était accordé par aucune loi; et en second

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