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fois que la loi s'est exprimée d'une manière prohibitive, qu'elle a dit qu'un individu ne peut faire tel ou tel acte, elle a, par cela seul, attaché à sa personne l'incapacité légale de faire l'acte prohibé; et qu'elle a aussi, par cela seul, frappé de nullité l'acte fait contre sa prohibition; en un mot, que la prohibition de la loi doit établir, dans l'ordre légal, la même impossibilité que l'impossibilité physique dans l'ordre naturel. Particula negativa, dit DUMOULIN, præposita verbo potest, tollit potentiam juris et facti, designans actum impossibilem. Voyez les considérant de deux arrêts de la Cour de Cassation, l'un du 4 décembre 1818, et l'autre du 15 février 1819, rapportés dans SIREY, 1819, 1re partie, pag. 127 et 257.

J. J'ajoute que, dans la plupart de ces cas, la loi n'ayant prononcé aucune peine particulière, ni contre les époux, ni contre les officiers de l'état civil, si l'on prétendait encore qu'il ne peut y avoir lieu à la nullité du mariage, il en résulterait que toutes ses dispositions, très-importantes d'ailleurs, n'auraient aucune sanction, et pourraient être violées impunément. Or, la loi serait trop imparfaite, qui n'annullerait pas ce qui serait fait contre ses défenses, et qui laisserait impunie la contravention. (DoMAT, liv. prélim., Tit. Ier, sect. Ire, art. 20.)

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Nota. Cette raison n'a plus autant de force depuis que le Code Pénal a, par son article 194, prononcé, pour le cas de violation de l'article 228, la peine d'une amende de 16 à 500 francs contre l'officier de l'état civil. Mais d'abord, la disposition du Code Pénal étant postérieure de long-temps au Code Civil, on n'en peut rien conclure, relativement à l'intention qu'a eue le Législateur, en rédigeant l'article 228. En effet, si le mariage, célébré en contravention audit article, était nul avant le Code Pénal, certainement la nullité n'a pas été abrogée par ce Code; et tout ce qu'on peut inférer de l'article 194, c'est que le Législateur a pensé que l'officier de l'état civil, devant nécessairement connaître les dispositions de la loi, était coupable quand il les laissait enfreindre, et devait être puni; et qu'en outre c'était un moyen plus sûr de pré

venir ces mêmes infractions en faisant aussi porter la peine sur l'officier de l'état civil, qui n'ayant, d'ailleurs, aucun intérêt particulier, prendrait plus de précaution pour prévenir une contravention dont il serait également responsable.

Ces principes sont, au surplus, généralement applicables à tous les cas dans lesquels la loi s'est contentée d'établir une prohibition, sans prononcer expressément la nullité; mais, d'un autre côté, j'avouerai que, comme il n'y a point de matière dans laquelle les fins de nonrecevoir doivent être admises plus favorablement que dans celle du mariage, il est très-possible que dans le cas de l'article 228, les Tribunaux, sans juger le fond, se décident facilement par une fin de non-recevoir quelconque; putà, si le second mariage a duré long-temps, on pourra penser que novo quasi consensu convaluit, surtout s'il n'est résulté aucun inconvénient de la contravention; par exemple, s'il n'est pas né d'enfant du second mariage, ou si la naissance n'a eu lieu que quelques années après qu'il a été contracté. Mais si une femme se mariait huit jours après la mort de son mari, et venait à mourir deux mois après, je ne vois pas comment les Tribunaux pourraient se dispenser de prononcer la nullité du mariage, si elle était demandée, par exemple, par les héritiers de la femme, et pour annuler les donations qui auraient pu être faites au mari par contrat de mariage. Car, comment pourrait-on valider, dans l'intérêt du mari, un acte qu'il n'a pu passer qu'en transgressant la loi, et lui faire tirer un avantage de cette même transgression? Si nous supposons, d'ailleurs, que l'on a découvert par l'ouverture du cadavre, que la femme était grosse au moment de son décès, et qu'elle pouvait l'être même à l'époque de la mort de son premier mari, voilà une union qui aurait eu pour effet nécessaire d'induire la confusion de part, et d'occasioner par-là un inconvénient majeur, que la loi a voulu singulièrement éviter; et cependant cette union sera inattaquable; et la loi accordera toute sa protection à un acte qui n'a eu d'autre but que de la violer dans une de ses dispositions les plus importantes! Je le repète, dans tous ces

différens cas, je regarde comme incontestable l'applica→ tion des principes que je viens d'établir, et qui me paraissent aussi conformes à la raison qu'à la morale.

Mais si, nonobstant la prohibition de la loi, la femme contractait de fait un second mariage un mois ou deux après la dissolution du premier, et qu'elle vînt à accoucher sept ou huit mois après, à laquelle des deux unions appartiendrait l'enfant? L'embarras dans lequel jetterait la décision de cette question, suffit seul pour démontrer combien la prohibition de l'article 228 est importante. Je pense au surplus, que cela rentrerait entièrement dans le domaine du juge, qui devrait se décider d'après les circonstances, sauf à prendre, toutes choses égales d'ailleurs, le parti le plus utile à l'enfant. Les lois anglaises décident dans ce cas, que c'est à l'enfant à choisir, quand il est parvenu à l'âge de raison, celle des deux personnes qu'il lui convient le plus d'avoir pour père. (BLACKSTONE, tome 2, chap. 8. no 2.)]

Par suite du principe qu'il vaut mieux prévenir le crime, que le punir quand il est commis, on a dû donner à la personne qui se prétend engagée par mariage avec l'un des futurs époux, le droit de former opposition à l'union que 172. ce dernier voudrait contracter avec une autre personne. Cette opposition est formée et jugée comme celle de la famille.

[Il n'y a que le mariage qui puisse donner droit de former opposition. Une simple promesse de mariage ne suffirait pas comme autrefois; mais donnerait-elle lieu au moins à des dommages-intérêts? Je ne le pense pas, quand même ils seraient stipulés par la promesse même. Sic jugé, et avec raison, en Cassation, le 12 décembre 1814. (SIREY, 1815; 1re partie, page 159.) La promesse de mariage n'est pas obligatoire, et il ne peut y avoir de dommages-intérêts pour défaut d'exécution d'une obligation nulle. Si, cependant l'inexécution de la promesse avait causé un préjudice pécuniaire à l'autre partie, comme s'il avait été fait des emplettes devenues inutiles, etc., le refusant serait tenu de l'indemniser, en vertu des articles 1382 et 1383. Voir un arrêt de Colmar, du 2 mars 1813 (SIREY, 1815; 2° partie, page 2); un d'Amiens, du 30 mai 1812 (Ibid.,

page 19); un de Rouen, du 20 mars 1813 (Ibid., 1815; page 114); un de Nîmes, du 4 janvier 1814; et enfin un de Cassation, du 17 août de la même année (Ibid., 1815; 1г partie, pag. 18). Cependant un autre arrêt de Colmar du 13 mai 1818, a adjugé des dommages-intérêts à une fille, uniquement en raison du dommage que l'inexécution d'une promesse de mariage avait pu faire à sa réputation. (SIREY, 1818; 2o partie, pag. 268.) Cela est fort délicat. Dans l'espèce, Ꭹ avait eu publicité; deux bans avaient été publiés, etc. La promesse de mariage, pour avoir quelque effet, dans le cas où elle peut en avoir, doit-elle être faite double conformément à l'article 1325? Je ne le pense pas. Le mariage est bien lui-même un contrat synallagmatique; mais il n'en n'est pas de même de la simple promesse. Je peux bien promettre à une personne de l'épouser, sans exiger pour cela, la même promesse de sa part.

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[Le droit de former opposition appartient-il, dans ce cas, exclusivement à l'époux? D'abord, s'il existait des ascendans, comme la loi n'a pas déterminé la nature des motifs sur lesquels ils peuvent fonder leur opposition, nul doute qu'ils ne puissent et ne doivent s'opposer, dans la circonstance dont il s'agit; mais, eux exceptés, je ne vois pas que le même droit puisse appartenir à d'autres. Il ne resterait donc, à mon avis, d'autre moyen, ainsi qu'il est dit ci-dessus, page 302, que de dénoncer le fait au Ministère public, qui, sous le rapport des moeurs et de l'ordre public, pourrait former opposition.]

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Quant à l'empêchement résultant de la mort civile, nous avons vu qu'un des effets de cette mort était de dissoudre même le mariage existant, et à plus forte raison, de rendre 25. incapable d'en contracter un nouveau.

§ II.

Des empêchemens relatifs.

Les empêchemens relatifs sont ceux qui n'empêchent point de contracter mariage en général, mais seulement avec certaines personnes. Il en existe trois : la parenté, l'alliance et le crime.

[Il est bien un quatrième empêchement relatif, résultant du divorce, et en vertu duquel les époux divorcés depuis la promulgation du Code Civil, ne peuvent plus se remarier. Mais cet empêchement doit cesser successivement d'avoir lieu, actuellement que le divorce est aboli. L'on doit même présumer que, dans l'intérêt des mœurs, le Législa teur ne tardera pas à le supprimer tout-à-fait.

Nota. Par une circulaire du 8 nivôse an 11, le GrandJuge avait prévenu les Préfets que l'intention du Gouvernement était qu'il ne fût reçu aucun acte de mariage, soit entre des blancs et des négresses, soit entre des nègres et des blanches. (Supplément des Codes, par RONDONNEAU.) Mais on assure qu'il résulte de plusieurs lettres de S. Exc. le garde-des-sceaux, que cette défense a été rapportée comme contraire à la loi du 16 octobre 1791.

Il résulte en outre d'une autre lettre du Ministre des cultes, au Préfet de la Loire-Inférieure, en date du 30 janvier 1807, que l'on ne doit pas tolérer le mariage des prêtres qui, depuis le concordat fait avec le précédent Gouvernement, s'étaient mis en communion avec leur évêque, et avaient continué ou repris les fonctions de leur ministère; qu'on abandonne à leur conscience ceux d'entre les prêtres qui auraient abdiqué leurs fonctions avant le concordat, et qui ne les ont plus reprises depuis, etc. (Jurisp. du Cod. Civ., tom. 13, pag. 530.)]

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La parenté est un lien produit par la nature seule, ou par la loi seule, ou par la nature et la loi tout ensemble; d'où l'on distingue trois sortes de parentés : la naturelle, la civile, et la mixte.

La parenté naturelle résulte de la nature seule : elle a lieu entre les enfans naturels, leurs père et mère, et les parens de ceux-ci.

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[Cela ne contrarie pas ce que nous avons dit plus haut, que les enfans naturels, même reconnus, n'ont point de famille. En effet, l'on sent aisément que ce principe peut s'appliquer qu'aux rapports civils, et que, quant aux rapports naturels, tels que ceux qui résultent du lien du sang, ils sont les mêmes entre les enfans naturels et les pa

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