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droit, s'il eût été présent? On l'en exclut, et la succession est adjugée à ceux qui ont droit de la recueillir à son défaut. En un mot, dans toutes les circonstances où il faut absolument décider si l'absent est vivant ou mort, c'est toujours la présomption de mort qui l'emporte; et, ce qu'il y a de plus singulier, c'est que ce système de présomption de mort est établi par M. PROUDHON lui-même dans tout le cours de son Titre des Absens. Il répète à chaque instant que l'absent est présumé mort. Ce grand principe, actoris est probare, qu'il oppose aux enfans de l'absent, dans l'hypothèse ci-dessus, il le néglige dans tout le cours du Titre : il va même jusqu'à prétendre, et ce avec raison, et ainsi que nous l'avons toujours enseigné, que le propriétaire de Ja chose dont l'absent a l'usufruit, a droit d'en demander 'la restitution, au moins après la déclaration d'absence, et cela sans être obligé de prouver le décès; et il ne veut pas que, même après la déclaration d'absence, les enfans de l'absent soient admis à le représenter. C'est uniquement dans ce cas, le plus favorable de tous, qu'il écarte la présomption de mort, pour exclure des enfans, déjà assez malheureux d'ignorer ce qu'est devenu leur père, et que l'on voudrait encore priver d'une succession à laquelle ils font droit dans toutes les hypothèses quelconques. Certainement il est impossible de faire prévaloir un pareil système.

Il faut donc tenir pour principe certain, que, dans tous les cas, celui du mariage seul excepté, l'absent est présumé mort du jour de sa disparition; et que, par conséquent, si, à compter de cette époque, il s'ouvre une succession à son profit, soit en directe, soit en collatérale dans le cas de la représentation, ses enfans ont droit d'y venir de son chef, et par droit de représentation; que, par la même raison, s'il s'agit d'une succession en collatérale, hors du cas de la représentation, les enfans de l'absent ne peuvent y venir qu'autant qu'ils se trouvent, de leur chef, dans l'ordre des degrés appelés par la loi pour y succéder.

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Jugé conformément à cette opinion, par la Cour royale

de Paris, le 27 janvier 1812. (SIREY, 1812; 2° partie, pag. 292).

[Le délai de la prescription est ici celui de trente ans. Remarquez qu'ici l'article 137 dit formellement que l'action ne s'éteindra que par le laps de temps établi pour la prescription: d'où l'on peut conclure que l'on devra appliquer toutes les règles relatives à l'interruption et à la suspension de la prescription. Mais de quand courra le délai? du jour de l'ouverture de la succession (art. 789), c'est-à-dire du décès de celui de la succession duquel il s'agit.

[La réclamation des représentans ou ayant-cause de l'absent, ne peut se faire qu'à la charge de prouver que l'absent existait au moment de l'ouverture de la succession.

[Les fruits ont été perçus de bonne foi, si, au moment où ils les ont perçus, ils ignoraient l'existence de l'absent. C'était l'opinion de POTHIER, contre la disposition du droit romain, d'après laquelle fructus augebant hereditatem, et devaient toujours, en conséquence, être restitués par le possesseur, avec cette différence cependant que le possesseur de bonne foi n'était tenu que de ceux qu'il avait effectivement perçus, et encore quatenùs locupletior factus fuerat, tandis que le possesseur de mauvaise foi était tenu indéfiniment, même de ceux qu'il aurait pu percevoir, quoiqu'il ne les eût pas réellement perçus. (L. 40, S1, ff. de Heredit. Petit.). La disposition relative au possesseur de mauvaise foi a été conservée dans notre droit. Il y a en outre cette différence que le possesseur de bonne foi n'est tenu d'aucunes dégradations ou détériorations, même de celles arrivées par son fait, quia rem quasi suam neglexit. Le possesseur de mauvaise foi est tenu de toutes les pertes, excepté de celles qui sont arrivées par cas purement fortuit. (L. 31, § 3, eod. ).

En second lieu, le possesseur de bonne foi qui a vendu les choses héréditaires, n'est tenu que de rendre le prix qu'il a reçu, ou de céder les actions qu'il a contre l'acheteur; le possesseur de mauvaise foi est tenu de rendre la valeur réelle de la chose, avec dommages-intérêts. (L. 20, Sult., eod.)

Observez que la bonne foi se présume toujours, et que c'est à celui qui allègue la mauvaise foi, à la prouver. (Art. 2268.)]

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Ce principe s'applique, sans exception, à tous les droits qui peuvent s'ouvrir depuis la disparition de l'absent, et 135. auxquels il eût participé, s'il eût été présent.

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SECTION II.

Des effets de l'Absence relativement au mariage de l'absent.

En établissant précédemment le principe qui répute l'absent mort du jour de sa disparition, nous avons fait observer qu'il ne s'appliquait pas à son mariage ni aux droits de son époux. L'on sent, en effet, combien il serait dangereux de déclarer un mariage dissous, et de permettre à un époux de convoler en secondes noces, sur la foi d'une simple présomption. En conséquence, quelque longue qu'ait été l'absence, l'époux présent ne peut se re→ marier, tant qu'il n'apporte pas la preuve légale du décès 147. de son premier époux.

Cependant, si, d'un côté, la présomption de mort ne peut jamais suffire pour autoriser un nouveau mariage, de l'autre, l'incertitude de la vie ne permet pas que l'on trouble inconsidérément le second mariage une fois contracté.

Si donc, nonobstant la prohibition, il a été contracté de fait un second mariage, soit en trompant l'officier de l'état civil, soit de concert avec lui, l'acte est, à la vérité illicite, puisqu'il a été fait contre la disposition de la loi; mais comme la nullité réelle et effective de ce second mariage est subordonnée à la preuve de l'existence du premier époux, il a été décidé, avec raison, que l'époux absent serait seul recevable à l'attaquer, soit par lui-même, soit par son fondé de pouvoir, muni de la preuve de son 139. existence.

[Si le mariage était attaqué par une autre personne, on ne jugerait point le fond, c'est-à-dire la question de la validité du mariage; mais on déclarerait purement et simplement le demandeur non-recevable.

[ L'explication qui précède concilie la disposition de cet article 159, avec celles des articles 147 et 184.

Mais faut-il conclure de la manière dont est rédigé l'article 139, que, dans tous les cas, même celui du retour de l'absent, le second mariage ne pourra être attaqué que par lui? Je ne le pense pas, et voici quels sont les motifs de mon opinion:

1o. Il est constant que le Législateur n'avait pas voulu que l'absence, quelque longue qu'elle fût, quelque forté que fût la présomption de décès, pût être une cause même de divorce, et encore moins de dissolution de mariage. Il n'avait pas voulu que les époux, par une absence volontaire, et peut-être même convenue entr'eux, pussent se créer à eux-mêmes une cause de divorce. On peut juger d'ailleurs, par les difficultés sans nombre dont il avait en touré le divorce par consentement mutuel, combien il se défiait de ce même consentement, et avec quelle peine il s'était déterminé à laisser aux époux eux-mêmes, malgré leur accord bien prouvé, le droit de rompre leur propre union. D'après cela, peut-on croire qu'il eût voulu leur donner un moyen si facile de dissoudre leur mariage? L'un des époux disparaîtrait; l'autre prendrait un nouveau domicile où son premier mariage ne serait pas connu; il y en contracterait un nouveau: le premier époux reviendrait ensuite; et parce que, d'après les arrangemens convenus entr'eux, il n'attaquerait pas le mariage, il faudrait que la société supportât un pareil scandale!

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2o. L'on voit, par l'attention que le Législateur avait eue, d'admettre, la séparation de corps, qu'il avait voulu respecter l'opinion de ceux dont la croyance religieuse n'admettait point le divorce. Or, si le second époux est de ce nombre, et s'il s'est marié de bonne foi, peut-on le forcer de vivre conjugalement avec celui ou celle dont le premier époux existe encore?

"

5o. Enfin, supposons pour un instant que les deux époux, dont l'un s'est absenté, viennent à se réunir, qu'il naisse des enfans de leur commerce: comment considérerat-on ces enfans? Certainement ils ne sont enfans natu

pas

rels, puisqu'ils sont nés d'un mariage légitime et non dissout d'un autre côté, les enfans qui naîtraient du second mariage, pendant le même temps, seraient également légitimes, puisque le mariage n'est pas attaqué, et que, dans l'hypothèse, il ne peut l'être que par l'absent. Voilà donc un époux qui, au vu et au su de tout le monde, aura, dans le même temps, des enfans légitimes de deux époux différens. Dira-t-on qu'aux termes de l'article 340 du Code Pénal, il sera puni comme bigame? mais d'abord, cela ne fait rien quant à la légitimité des enfans; et, en admettant qu'il soit poursuivi comme bigame, n'y aurait-il pas une nouvelle contradiction? Il sera, d'un côté, puni comme bigame, pour avoir contracté un second mariage avant la dissolution du premier: il faudra donc prouver que ce premier mariage existait à l'époque de la célébration du second: et cependant personne ne pourra demander la nullité de ce second mariage. D'ailleurs, la condamnation du bigame n'étant que temporaire, que deviendront ces deux mariages, quand il aura subi sa peine? Pourra-t-il vivre avec ses deux époux? Pourra-t-il avoir, de tous deux, des enfans légitimes?

l'on

De toutes ces raisons, je conclus qu'il serait contre tous les principes, et contre toutes les règles de la morale, d'entendre l'article dans le sens restrictif qu'il paraît avoir, que l'on a voulu seulement prévenir la conséquence que aurait pu tirer de l'article 147, portant que l'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier; que de cet article, et surtout de la manière dont il est conçu, on ne peut contracter, l'on aurait pu inférer que le deuxième mariage est nul, et peut être attaqué par tous ceux qui ont intérêt, conformément à l'article 184, par cela seul qu'au moment où il a été célébré, il n'était pas prouvé que le premier mariage fût dissous; que l'on n'a pas voulu que des tiers pussent, sur ce seul fondement, venir attaquer une union tranquille et qui est peut-être légitime dans le fait et dans le droit; puisque, si rien ne prouve que le premier mariage fût dissous à l'époque de la célébration du second, rien ne prouve davantage que ce

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