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enfant au berceau, A un bouquet de roses, et la séance est levée à 9 heures 112.

SÉANCE AGRICOLE PUBLIQUE DU 6 JUIN 1870.

La séance s'ouvre à 1 heure 112, sous la présidence de M. Gindre, Vice-Président.

M. Blondeau communique à l'assemblée l'article suivant, de M. Bel, d'Orgelet:

Destruction des Mans ou vers blancs, des Hannetons et des Chenilles.

Les larves ou petits des hannetons, les vers blancs, sont comme leurs parents, peut-être le plus grand fléau de notre agriculture. Des plaines, des finages entiers de céréales, de maïs, de pommes-de-terre, voire des steppes, des parcours communaux, sont dépouillés de toute végétation par ces vers qui dévorent les racines de ces plantes.

Le département de la Seine-Inférieure perdit ainsi, en 1866, pour 25 millions de francs de ses récoltes, bien qu'il eût dépensé plus de 37000 francs en primes de 10 francs pour chaque centaine de kilogrammes de mans que ramassaient des femmes et des enfants.

Les vers blancs s'enfoncent d'autant plus en terre que l'hiver est plus froid, ce qu'ils ne peuvent faire quand le sol ou la couche arable est peu épaisse et le sous-sol imperméable. Ils ne sont nombreux que dans les terres meubles et craignent peu la sécheresse.

Ces vers ne remontent vers la surface qu'en mars et avril, pour redescendre en novembre. C'est donc dans ces trois mois qu'il faut leur faire la guerre. On opère efficacement en donnant trois coups de charrue, suivis d'autant de forts hersages, qui tuent les vers qui ont échappé au ramassage qu'ont faits une femme ou un enfant.

En purgeant un sol de ses vers blancs, on le délivre d'autant de hannetons, qu'ils seraient au bout d'un ou de deux ans.

Ces mesures méritent d'être prises, car elles dédommagent au centuple des peines et des dépenses qu'elles causent.

Le chien est très-friand de ces vers; si on l'habitue à suivre los raies de la charrue, il en mange un bon nombre. Les poules, les oies et autres volailles ne les appétent pas moins.

Un arrosage d'eau mêlée de quelques gouttes d'huile de pétrole brut, est un poison mortel pour les mans, comme pour les courtilières ou taupesgrillons.

Quant aux bannetons, on en prend une quantité en secouant les arbres

sur un drap, de 10 à 3 heures, temps où les coléoptères semblent dormir; mais il vaut mieux les y faire tomber, ce qui n'ébranle point les arbres, en promenant, pendant qu'ils sont cois, une torche enflammée, composée de roseaux ou de paille poissés et bien serrés, comme on promène un réchaud plein de charbons ardents, saupoudrés de fleur de soufre, pour abattre et tuer les chenilles.

Les dégâts causés par les hannetons et les chenilles sont quelquefois si grands, que des forêts entières sont dépouillées de toute verdure, et leur croissance retardée de 2 ou 3 ans. Ne serait-ce pas là un motif suffisant pour que la loi qui prescrit l'échenillage y comprit le hannetonage?

A l'appui de ces quelques lignes de M. Bel, M. Blondeau cite un travail de M. Héquet d'Orval, travail inséré dans le volume de 1868 des Mémoires de la Société impériale d'Abbeville. M. Héquet d'Orval, comme M. Bel et une foule d'agriculteurs, ayant remarqué que les vers blancs périssent très-promptement au contact de l'air, conscille la jachère momentanée, c'est-à-dire de nombreuses façons et hersages donnés à la terre, pour détruire ces redoutables larves du hanneton.

Consulté sur le point de savoir si, dans sa zône, les mans faisaient autant de ravages que dans la montagne, M. Romanet répond négativement.

M. Gindre, cherchant à expliquer cette différence, dit qu'il a eu souvent l'occasion de remarquer que ces insectes pullulaient davantage dans le voisinage des haies et buissons, que partout ailleurs; que la plaine, renfermant en général beaucoup moins de touffes ligneuses que les plateaux, cette différence n'aurait rien qui dût alors surprendre, puis, abondant dans le sens de MM. Bel et Héquet d'Orval, il ajoute ceci :

« On sait que la femelle du hanneton, peu de temps avant de mourir, s'abat sur le sol, y creuse un petit trou de 3 à 4 centimètres de profondeur, où elle dépose ses œufs, dont le total peut aller jusqu'à 28. Trois semaines après, l'éclosion de ces œufs a lieu, et il en sort de petites larves d'une couleur brun foncé. Elles vivent d'abord ensemble, puis se séparent pour chercher leur nourriture, c'est-à-dire des racines à dévorer. Fin août, on les trouve éparses à une profondeur qui varie de 2 à 6 centimètres et dans un rayon de 30 centimètres du point où elles recurent la vie. Dès les premiers froids, elles s'enfoncent d'un bon tiers de mètre dans terre pour y passer l'hiver; c'est alors qu'elles deviennent blanches, pour rester pendant trois ans dans cet état, c'est-à-dire jusqu'à leur métamorphose en insectes ailés.

« Ces données entomologiques posées, il est on ne peut plus logique de penser, qu'entre juin et septembre, il suffit d'écobuer ou écroûter à

unc profondeur de quelques centimètres les fonds infestés, pour soumettre à l'influence de l'air et faire périr les larves en question. C'est une conclusion naturelle que la pratique confirme pleinement. En 1869, dans deux parcelles d'environ 20 ares chacune, qu'en raison des ravages qu'y faisaient les mans, un jardinier, M. Jacquemin, avait eu soin de faire écroûter l'année précédente; des délégués de la Société d'horticulture de Soissons constatèrent l'absence complète de tout ver blanc, tandis qu'ils pullulaient dans les fonds contigus; ils remarquèrent seulement qu'une bande d'un mètre de largeur, faisant partie d'une de ces pièces, et où, à raison du voisinage d'une haie, il n'avait pas été possible de passer l'extirpateur, n'avait pas plus été respectée que les environs par l'engeance hannetonienne. >>

Il est ensuite demandé aux cultivateurs qui, l'automne dernier, ont reçu des engrais Ville et Boutin pour être employés comme complément du fumier d'étable, si les parcelles où ont été mis ces engrais ont un plus bel aspect que les autres parties du champ qui n'en ont pas eu. Tous sont unanimes à répondre négativement à cette question, et attendent l'époque de la moisson pour juger de la valeur agricole de ces produits manufacturés.

M. Romanet dit qu'il a semé, l'année dernière, du vieux blé, et qu'il ne remarque aucune différence entre les champs ensemencés avec ce blé et ceux emblavés avec du blé de la dernière récolte. A ce sujet, M. le Vice-Président lui ayant demandé si, partageant un préjugé encore assez répandu, il avait eu égard aux phases de la lune pour semer le vieux blé, M. Romanet répond qu'il n'a jamais cru à l'influence lunaire sur les semailles, et qu'en conséquence, il n'a nullement fait attention au quartier de ce satellite pour mettre en terre ses différents blés.

M. Etienne fait remarquer qu'une longue expérience personnelle lui permet d'abonder dans le sens de M. Romanet, pour ce qui concerne les semences et les phases lunaires.

Il s'engage ensuite, entre quelques membres du bureau, une intéressante discussion sur le plus ou moins de probabilité de l'action de la lune sur les phénomènes atmosphériques, voire même marins.

Passant à une autre partie de l'ordre du jour, M. le Vice-Président Gindre appelle l'attention de nos cultivateurs sur les fâcheux effets produits par l'épine-vinette sur les blés ambiants.

«En 1868, dit-il, notre honorable collègue, M. le docteur Rouget, d'Arbois, signalait le voisinage de cet arbuste comme dangereux pour l'avoine. On est autorisé aujourd'hui à penser que ce voisinage est aussi

néfaste pour les blés que pour les avoines, Voici des faits qui donnent un grand poids à cette opinion:

«Dans la Côte-d'Or, le chemin de fer de Lyon à Paris avait une haie d'épine-vinette pour servir de clôture à la voie ferrée, au territoire de Genlis, sur une longueur de plusieurs kilomètres. Depuis cette plantation, les champs du voisinage, ensemencés en blés, ont été attaqués par la rouille avec une extrême intensité. Les propriétaires des récoltes endommagées ont, à plusieurs reprises, élevé des plaintes et rédigé des pétitions dans lesquelles ils signalaient la plantation d'épine-vinette, bordant le chemin de fer, comme étant la cause de tout le mal, et en demandaient l'arrachage.

«

<< La Compagnie du chemin de fer a voulu se rendre compte de ce que ces plaintes pouvaient avoir de fondé. Elle a fait arracher, pendant l'automne de 1868, à titre d'expérience, la baie d'épine-vinette sur une longueur d'environ 400 mètres; puis, dans le courant de 1869, et au moment où la maladie de la rouille avait acquis son plein développement, la Compagnie a chargé l'un de ses agents de faire une enquête, à laquelle il a été procédé le 16 juillet 1869, et dont voici le résultat sommaire :

1o Partout où il y a de l'épine-vinette, sur le territoire de la commune de Genlis, les céréales sont plus ou moins malades de la rouille;

2o Là où il n'y a jamais eu d'épine-vinette, les céréales sont en bon état et ne présentent pas de traces de rouille;

3o Enfin il a suffi, pour faire apparaître cette maladie dans un champ où elle ne s'était jamais manifestée, de planter dans ce champ un pied d'épine-vinette. »

M. Gindre, pour épuiser l'ordre du jour, lit enfin une curieuse monographie du bostriche-typographe, ce xylophage qui fait actuellement tant de ravages dans les sapinières du haut Jura.

La séance est levée à 3 heures 112.

De l'emploi du sel dans l'alimentation

du bétail.

Vieille-Loye, le 27 juin 1870.

Monsieur et honoré collègue,

Je serais sans excuse de n'avoir pas répondu plutôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 19 mars, si les rensignements dont j'avais besoin pour le faire d'une façon complète, ne m'étaient parvenus très-tardivement.

Le sel gemme employé comme je l'indique dans ma note du 8 janvier dernier, est bien le meilleur de tous les condiments. Il serait grandement à souhaiter que l'administration en permit l'emploi en franchise de droit. Son bas prix (il ne coûte à Varengéville (Meurthe), que 2 fr. les 100 kilog. et paie 10 fr. de droit), la grande falicité de son usage, l'absence de tous soins ou dérangements pour le distribuer aux animaux, le feraient promptement adopter par un grand nombre de cultivateurs. En effet, quand on a placé dans les rateliers, en face de chaque animal, un bloc de 6 à 8 kilog., le bétail en est pourvu pour 3 à 4 mois, selon la saison et le régime auquel il est soumis. Livré sans droits à l'agriculture, ce sel ne coûterait par an que 2 à 3 fr. par tête de gros bétail, les animaux se porteraient mieux, profiteraient davantage, donneraient de meilleure viande, et le consommateur, aussi bien que le producteur, aurait sa part de ce bienfait.

Malheureusement, et j'ai beaucoup demandé pourquoi, sans avoir pu encore le savoir, on ne permet pas la délivrance du sel aggloméré, dénaturé, en franchise de droit; cependant, selon moi, et d'après une longue expérience, c'est le seul moyen de mettre le sel à la disposition des animaux et de ne pas le leur imposer, à part les petites quantités à ajouter aux aliments cuits et aux fourrages avariés. Ces agglomérés sont permis en Allemagne et en Suisse, où pourtant le sel ordinaire se vend plus cher qu'en France.

En fondant le sel dans des creusets, à part le même interdit que pour les agglomérés, les agents de dénaturation seraient brûlés, et comme ils ont une valeur supérieure au sel, il en résulterait une perte notable.

M. Tagant, de Mulhouse, est en instance depuis 8 à 9 mois pour obtenir l'autorisation d'agglomérer du sel pour l'agriculture; il promet la dénaturation comme on l'exigera, et jusqu'à présent il n'a pu obtenir de réponse satisfaisante.

Reste les curins de chaudière, qui se vendraient à bas prix (2 f. 50 les cent kil.); leur composition ne me paraît pas devoir être favorable à la santé des animaux; ils contiennent environ :

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J'en reviens à mon sel gemme. Pourquoi ne nous le donne-t-on pas? II existe abondamment dans la nature, il est tout dénaturé, rien ne peut le remplacer. Craint-on la fraude? J'ai démontré hier même à M. l'Inspecteur des Contributions indirectes du département que si on était tenté de s'y livrer, le sel pur, propre à la consommation ménagère qu'on en extrairait, coûterait deux ou trois fois plus cher que celui que nous livrent les salines. Il faudrait que toutes les Sociétés agricoles se concertent en adressant une demande collective qui, je le crois, serait entendue, ou plus simplement, que notre Société s'adresse à M. le Préfet du Jura, à qui j'en ai parlé. Il

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