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plus justes et que nous prétassions davantage à la nature du sol et à ses propriétés. Je parle des arbres à fruits dont on a peu à cœur l'institution, parce que l'on se persuade qu'ils ne sont point adaptés au climat. L'erreur est des plus palpables; j'aurois à citer des particuliers qui ont fait des essais dans le genre même des plans délicats et précoces; le succès couronne aujourd'hui leurs entreprises. Beau motif d'encouragement pour tous ceux qui ont des héritages et qui sont jaloux d'en accroître la valeur !

L'on a le gain de cause jusqu'à choisir l'exposition qui seroit la plus propice aux arbres à fruits. Sur les hautes montagnes, l'on cultiveroit ceux qui ne demandent pas un terrein bien fécond et qui résistent le mieux à l'intempérie de l'air, tels le châtaigner, le prunie, le pommier tardif, etc.; l'on réserveroit pour les vallons et les côteaux tous les plans qui veulent un abri, de la chaleur, et un sol généreux, tels le poirier, les arbres à noyaux, etc. Je m'étaye de cet arrangement afin que chaque espèce, soit des arbres, soit des plantes, puisse se concilier avec les différentes saisons, pris égard à l'ordre qu'elles suivent. Expliquons-le :

Les hivers sont déjà très-rudes dans cette partie de nos montagnes, et ils ont une durée bien longue; l'on datte volontiers du milieu d'octobre pour leur entrée ordinaire, et de la fin de mai pour leur sortie. En avril, souvent l'on a de la neige, et l'on éprouve des gelées, de sorte que nos printems sont assez courts et peu gracieux. Il faut alors que le cultivateur se presse pour les labours et la semaille des grains. Il est vrai, le local de Champagnole semble privilégié en ce que la neige s'y perpétue moins que dans aucunes des parties qui l'entourent; en revanche, le froid et la gelée y manifestent la plus vive action; tout y coopère la proximité des montagnes, de notre rivière, de nos bois, etc.

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Il n'est guères de milicu non plus pour les chaleurs d'été: à certaines heures du jour elles sont dévorantes. Lorsqu'une fois le soleil a dardé ses rayons contre le roc, c'est un air brûlant que l'on respire, surtout si le vent du midi règne. Après, nous tombons dans le contraire, car les matinées et les soirées sont des plus fraîches, quelque soit le vent qui ait le dessus, et quelle que soit la position que l'on garde. L'on observe encore que malgré la continuité des grandes chaleurs, la moindre pluie suffit pour raffraichir l'air au point que la santé en est altérée, si l'on ne s'y attentionne, et que l'on ne se deffende de cette impression!

L'on est exposé au même inconvénient dans la saison d'automne; l'on passe alors d'alternatives en alternatives. Aussi les corps conservent rarement leur intégrité il leur est dévolu presque de payer

les vicissitudes de l'air, ou par des dérangemens ou par des affections sérieuses.

Chaque paroisse offre ici une division singulière, en ce que il est une infinité de hameaux qui en dépendent, à plus ou moins d'éloignement les uns des autres. Partout où il y a des habitations (j'en excepte les granges qui sont en petit nombre), l'on découvre comme un village formant sa communauté à part, quoiqu'il reconnoît un cheflieu. Il n'est donc guères de païs mieux peuplé, j'ose le dire. L'histoire des innoculations nous le prouve évidemment (1).

Les demeures des particuliers annoncent beaucoup au dehors; elles renferment peu de commodités à l'intérieur. Ils sont eux-mêmes leurs architectes; par un mauvais goût qui leur est naturel, ils s'emprisonnent sans regarder à la dépense. Tout est mal distribué dans leurs appartements; tout y jure; et jamais point de réforme, parce que l'habitude a l'ascendant sur les esprits.

La mal-propreté gagne encore comme une chose de mode, et elle perce jusque dans les moindres arrangemens que l'on se permet: peu ou point de linge dans les ménages, des haillons pour couvertures de lit, des baquets pour des pots de chambre. Je n'entre dans cette légère explication, qui fait assez deviner combien l'on se néglige sur ce qui exigeroit plus de soins.

L'appareil imposant, lorsque les gens sont rassemblés à l'époque de quelques fêtes, laisse pourtant une autre idée de leur conduite; car la plupart affichent le luxe dans les vêtemens, et cette folie est des deux sèxes. Ce n'est plus la simplicité des campagnes; c'est le ton de la ville; l'on en épouse toute la recherche (2).

L'on met de l'élégance jusqu'à vouloir être serré, pincé dans ses habits, parce que la taille en est mieux prise. A ce but, l'on emploie les plus minces étoffes qui collent et joignent mieux. Je ne saurais pardonner ce ridicule; il est l'enfant de la vanité, et il sied mal à des personnes faites pour obéir à la restriction de leur état.

(A suivre).

(4) L'auteur fait ici allusion à une méthode sur laquelle il reviendra et qui consistait à préserver de la petite vérole, par l'inoculation même de la maladie. On sait qu'avant la découverte admirable de la vaccine, l'inoculation fut en grande faveur, et que le duc d'Orléans donna l'exemple en faisant inoculer ses propres enfants. (A, C.)

(2) Que dirait done aujourd'hui notre brave chirurgien? (A. C.)

BIBLIOGRAPHIE.

LA TRICHINA SPIRALIS D'OWEN.— Histoire naturelle.- Pathologie. Médecine légale. -Hygiène publique. — Police médicale; par le docteur Prosper de Piétra Santa, médecin (par quartier) de S. M. l'Empereur, avec figures intercalées dans le texte.

Il est bien rare, lorsqu'une question d'hygiène se pose devant l'opinion publique et y suscite une certaine émotion, de ne pas voir M. Prosper de Piétra Santa s'empresser d'y apporter le contingent de ses recherches et de ses expériences.

I. On se rappelle l'alarme causée dans la partie de la population habituée à faire usage du porc, à l'annonce des empoisonnements produits par la chair de cet animal, et résultant de la présence des insectes parasites dont elle était infectée. Le premier soin de l'auteur est de calmer les inquiétudes, et de bien séparer nos habitudes alimentaires de celles de l'Allemagne, où la maladie a exercé tant de ravages. Au-delà du Rhin, la viande de cochon se mange presque crue; chez nous, elle subit une cuisson assez prolongée pour détruire les germes de ces vers microscopiques acharnés à ronger les muscles, fibre par fibre, et sûrs de conduire à une mort prompte, au milieu des angoisses et des tortures. Ajoutez la surveillance incessante d'un gouvernement consciencieux, dont l'œil toujours ouvert a su préserver nos bêtes à cornes du typhus qui a dévoré celles de l'Angleterre, et ne sera ni moins habile, ni moins heureux à sauvegarder la santé publique de l'invasion du fléau en question et à l'arrêter aux frontières.

II. Le parasite vivipare qui envahit les intestins de certains mammifères, entrevu dès 1822, n'a été décrit et classé dans l'ordre des nématoïdes qu'en 1835, par Richard Owen, qui lui donna le nom de Trichina spiralis. L'étude sérieuse du docteur anglais ouvrit la voie à une série successive d'investigations longues et patientes qui, recueillies par l'auteur et par lui rendues vivantes à l'aide de figures intercalées dans le texte, figures prises sur le fait, mais grossics de vingt à cent fois, lui permettent de nous démontrer dans les divers phases qu'il parcourt, le ver envahisseur et meurtrier son existence à l'état de chrysalide; son développement; sa maturité; ses modifications de couleur et de consistance; les lésions de plus en plus marquées, imprimées par ses atteintes aux parties du corps en proie à ses morsures; sa santé accrue par la destruction de celle de ses victimes, de manière à le rendre capable de résister à un froid de 25° et à une température haute de plus de 50.

Détails curieux pour tous et précieux pour les hommes de l'art : accouplement et reproduction des trichines en nombre infini, de la longueur de 2 à 3 millimètres; migrations de ces helmintes dans un même animal et leur transmission d'un animal à l'autre; brièveté probable de la vie de chacun d'eux, trop compensée par leur fécondité génératrice et la rapidité de leur diffusion; mode et présence de leur apparition venimeuse dans l'organisation humaine.

III. La maladie produite par les trichines est appelée, d'après l'étymologie, trichinose; à ce nom, l'auteur reconnaissant propose d'ajouter celui de Zenker, en l'honneur du professeur de Dresde qui a doté la science de la première observation clinique. A ce propos, histoire émouvante de la jeune servante d'auberge qu'il a reçue dans son service le 12 janvier 1860.-Symptômes, diagnostics, accélération précipitée du mal, fin cruelle, autopsie qui, sur l'aile de l'analogie, fait monter le praticien des effets aux causes, et le conduisant au repaire de destruction de ces myriades d'assassins, y met sous la main la première coupable, l'injection indigeste de la chair de porc.

Trois stades dans les principaux phénomènes morbides de la trichinose 1° trouble des fonctions des organes digestifs; 2° troubles de la circulation; 3o troubles des fonctions du système musculaire.

IV. Remèdes, double indication: ou bien éloigner de l'organisme le foyer d'infection constitué par les trichines intestinales produisant sans cesse de nouvelles générations d'embryons; ou bien tuer la jeune trichine alors qu'elle a envabi les fibres musculaires.

Suit l'énumération d'un grand nombre de médecins et la mention de leurs procédés.

V. Aperçu des diverses épidémies observées sur les divers points de l'Allemagne, et sans explication d'origine avant la découverte de la trichinose.

VI. Comment la médecine, la médecine légale est appelée à réparer les erreurs de la justice et les soupçons iniques et injurieux de l'opinion. En 1845, à Jessen, en Lusace, déjeuner de huit amis chez un droguiste qui leur sert surtout des saucisses et des jambons. A la suite de ce repas, dans un intervalle de 15 jours, cinq des convives meurent empoisonnés. Les trois autres traînent péniblement une convalescence équivoque et languissante. Sous le cri d'anathème qui s'élève de toutes parts, bien que le crime ne soit que dans les imaginations, le malheureux droguiste et sa famille se voient obligés de fuir au-delà des mers. Dix-huit ans plus tard, au mois d'avril 1867, la science traite un des survivants, et ne saisissant d'autres traces de poison dans les parties du corps plus es

sentiellement affectées, que les impressions corrosives des trichines, il lui est donné de réhabiliter de pauvres proscrits innocents.

VII. En attendant que la thérapeutique ait trouvé une guérison sûre, nécessité de recourir aux moyens préventifs en sollicitant l'intervention de l'hygiène publique et de la police sanitaire.

VIII. Résumé pour la Faculté et les hommes de science (voir l'ouvrage). Conclusion pour le public. Le tenir en garde contre les maladies par des publications fréquentes; surveiller attentivement la chair des pores au moment où ils sont abattus; vérifier s'il n'y a pas de trichines dans la viande livrée à la consommation, et interdire la vente des animaux infectés.

Remercions M. le docteur de Piétra Santa d'avoir pensé que devant les menaces à la santé publique, tout autant que devant celles à l'indépendance du pays, il convient de faire entendre le eri des anciens : « Que l'Autorité veille, » « Caveant consules. »

H.-G. CLER, professeur émérite.›

MÉTÉOROLOGIE.

DESCRIPTION

du Baroscope ou Baromètre chimique,

PAR M. BLONDeau,

Membre fondateur, Vice-Président.

L'année dernière, le journal la Vigne signalait l'apparition en France d'un instrument nouveau de météorologie, le Baroscope. On l'appelle encore baromètre ehimique ou Pronostiqueur du temps. Il est connu et employé depuis longtemps en Angleterre. C'est le Storm-glass de l'amiral Fitz-Roy, qui en faisait si grand cas, qu'il en avait pourvu, dit-on, tous les bâtiments de guerre sous ses ordres. Il lui attribuait la merveilleuse propriété de prédire 24 heures d'avance tous les changements de temps.

Cet instrument, recommandé par le savant rédacteur en chef du journal la Vigne, parait prendre faveur, et c'est à notre collègue, M. Fernand Gibert, de Bordeaux, dont les lecteurs du Bulletin connaissent les travaux en météorologie, que nous devons l'exemplaire qui fait l'objet de nos observations depuis quelques mois.

Le baroscope se compose d'un tube en verre de 30 centimètres de

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