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jambes et aux pieds des phthisiques, des femmes affectées de cancer utérin. La coagulation du sang est quelquefois spontanée; ces cas sont ccpendant rares; cependant pendant mon internat à l'Hôtel-Dieu, j'ai pu en constater un exemple remarquable. La coagulation s'était effectuée dans la veine basilique. Il n'y eut pas d'œdème au membre thoracique, parce que la circulation collatérale continuait.

Chez un autre malade atteint de phthisie pulmonaire parvenue au dernier degré, et que j'ai eu l'occasion d'observer dans mon service, les deux membres abdominaux étaient le siège d'un œdème très-marqué; les deux saphènes internes et les crurales étaient remplies d'un caillot solide dont nous pûmes reconnaître la nature et le siège pendant la vie du sujet.

La veine cave inférieure était parfaitement libre; mais les veines iliaques primitives, externes et internes, la crurale et la saphène du côté droit, étaient oblitérées par un caillot adhérent aux parois des veines, dont la séreuse avait perdu son poli et était recouverte d'une fausse membrane rougeâtre.

Une fistule borgne externe, de quelques lignes de profondeur, et dont le malade ne soupçonnait même pas l'existence à son entrée à l'hôpital, avait-elle été le point de départ de cette phlébite interne?

Cela n'est point impossible; mais il faut avouer alors que la marche de cette inflammation avait été bien sourde, puisque le malade n'avait point pris le lit un seul jour, et qu'au moment où il fut soumis pour la première fois à notre observation, il n'offrait aucun signe de phlébite.

Ce n'est pas ici le lieu de soulever les graves questions que font naître les deux faits que nous venons de rapporter. Nous avons seulement voulu montrer que l'obstruction d'une veine par un caillot n'est pas toujours une preuve suffisante de phlébite, lorsqu'il n'y a pas eu d'autres symptômes; les caillots du cœur n'indiquent pas davantage une inflammation de l'endocarde. (A suivre.)

Encore le Tabac.

Un des collègues de M. Tamisier, M. le docteur Baëlen, médecinmajor de re classe au 74me de ligne, à Lyon, ayant lu son article sur l'abus du tabac, lui a adressé la lettre suivante :

J'ai lu avec grand plaisir l'article intéressant sur le tabac que vous avez publié dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, que vous m'avez fait l'amitié de m'adresser. Permettez-moi

de vous féliciter de la bonne idée que vous avez cue de faire connaitre les graves accidents qui résultent de l'usage continuel du tabac. Il serait à désirer que tous les médecins prêchassent une croisade contre le tabac, mais hélas! leurs voix se perdraient dans le désert :

N'attendez rien de bon d'un peuple imitateur. (LA FONTAINE).

Trop de confrères ont traité des influences pernicieuses du tabac sur l'organisme, pour que je me sente la moindre velléité de reprendre exprofesso une question que vous venez de traiter si judicieusement. C'est donc une simple causerie que je vous adresse.

Il y a 30 ans, j'étais à l'hôpital militaire de Lille, et nous avions pour médecin en chef un homme très-honorable et très-instruit, M. Tyrbəs de Chamberet; il professait une telle horreur pour le tabac, qu'il fondait parfois à l'improviste sur nous et nous brisait nos pipes et nos cigares, en nous disant : « Malheureux enfants! puisque vous voulez vous titiller la langue, prenez une barbe de plume, une råpe, et grattez-là, mais je vous en supplie, n'usez point de ce végétal abrutissant. »

Il avait raison; beaucoup de ceux auxquels il adressait son anathème contre le tabac, ont été emportés par les maladies des centres nerveux que vous signalcz, et le vénérable vieillard est encore vivant, nonagénaire et jouissant de l'intégrité de toutes ses facultés physiques et intellectuelles.

Montaigne a dit avec raison :

<< Serait-il done vrai que le tabac n'est venu du Nouveau Monde que pour tuer l'ancien. »

En effet, n'avions-nous pas chez nous des éléments assez nombreux de destruction, sans que Christophe Colomb nous importât le tabac, la syphilis, l'or, etc., que sais-je encore? Tous ces poisons de l'âme et du corps, qui agiront de telle sorte sur notre Société que nous ne serons plus bientôt, comme le dit Byron : « que les magots du vaste tombeau terrestre. »

Comme le disait Émile de Girardin, je ne sais où : « Il serait bien temps de réagir énergiquement contre cette somnolence orientale que l'usage du tabac n'a pas peu contribué à répandre et à accroitre et qu'il entretient. >>

Balzac, le plus fécond et le plus observateur de nos romanciers, a écrit aussi contre le tabac, et permettez-moi de lui emprunter quelques lignes « Entre le pain et du tabac à fumer, le pauvre n'hésite point; le jeune homme sans le sou, qui use ses bottes sur l'asphalte des boulevards et dont la maîtresse travaille nuit et jour, imite le pauvre; le bandit que vous trouvez dans les rochers inaccessibles ou sur une plage

que son œil peut surveiller, vous offre de tuer votre ennemi pour une livre de tabac, » et plus loin : « Quel pouvoir a donc ce plaisir que le Roi des Rois aurait payé de la moitié de son empire! »>

L'Empereur 1er disait qu'un pareil plaisir n'était bon qu'à empoisonner les gens ou désennuyer les fainéants. L'homme de génie, a dit Goethe, ne peut cultiver à la fois la science et la pipe.

Si je ne craignais de tomber dans l'absurde, j'irais même plus loin, et je dirais que les horreurs de 93 sont peut-être dues aux vertiges que produisait alors le tabac. Il est à remarquer que c'est dans la Bretagne et dans l'Artois, où les tabacs contiennent le plus de nicotine, que la Terreur a fait le plus de victimes.

Qui ne se souvient des Carrier et des Joseph Lebon, de triste mémoire! L'époque de l'excitation est passée, l'hébétude seule reste, et peutêtre avons-nous tort d'aller chercher dans les unions consanguines qui produisirent des Cléopâtre (1), les conséquences de notre impuissance et de notre dégénérescence.

Le travail le plus complet qui ait paru sur le tabac est celui de M. Jolly (Études médicales sur le tabac. Académie de Médecine du 21 février 1865). (Bulletin de thérapeutique, tome 68, année 1865).

*

Depuis cette époque, de nombreux travaux ont fait leur apparition, condamnant sans cesse cette solanée.

L'ophthalmoscope a fait découvrir chez les fumeurs l'atrophie de la papille du nerf optique, et par suite les amauroses et l'amblyopic que vous signalez, et que j'ai été aussi à même d'observer chez un de nos confrères militaires.

Il y a quelques mois à peine, M. Decroix, vétérinaire en 1er de la Garde de Paris, publiait une série d'articles contre le tabac, dans le journal de l'Association contre l'abus du tabac.

Hier, très-honoré confrère, c'était vous qui passiez en revue ces terribles accidents nerveux qui nous sont si familiers. Eh bien! permettezmoi de dire avec découragement: Il n'est pas en notre pouvoir de reculer un penchant que donne la nature (Pindare).

Si Loyola eût connu les effets du tabac, il n'eût pas propagé l'usage du chapelet (2); si cette solanée cût été connue autrefois de l'armée, la théorie n'eût point été créée. En effet :

Que faire en un bivouac à moins que l'on ne fume.

Nous passerons, mais le tabac restera pour hâter la destruction des grandes civilisations. Il est le plaisir de tous les âges du vieillard, de

(1) La plus belle femme de l'Égypte.

(2) Le chapelet fut inventé par Pierre Lhermite.

l'homme mûr, du jeune homme, de l'enfant qui l'a introduit dans sa pension, et que parfois on tolère d'après l'avis des parents ou d'un médecin tabaphile.

Comment se fait-il que l'on ait pris goût à une jouissance dégoûtante, que Jean Bart mit à la mode et fit sortir avec le brûle-gueule des antres infects des villes maritimes? Comment se fait-il que le vrai fumeur, entre un cigare et une femme adorée, n'hésite pas? O Mesdames, vous êtes bien coupables, si pour nous enchaîner et nous rendre esclaves, vous avez laissé propager un plaisir que vos mères reléguaient dans les basses-cours, et toléraient à peine chez les palefreniers. Prenez garde! car, habituées à cette odeur, vous vous ferez facilement à celle des hordes sauvages qui viendront un jour, par la transfusion du sang, nous transformer et nous régénérer, si toutefois nous ne devons pas dire avec Ducis : Tout gémit sur la terre et tout marche au tombeau.

Sur ce, je vous prie de me pardonner mes élucubrations sur le tabac et de les juger comme une fumée.

MONUMENTS ET

ARCHEOLOGIE.

TRADITIONS DRUIDIQUES.

Culte de Bel ou Belin, dans le Jura, notamment dans les environs

de Pontarlier (1).

A l'un des points culminants de nos montagnes, sur les limites des départements du Doubs et du Jura, là où se confondent les chaînes des monts Champvent et Maclus, où finit le val de Mièges et commence la Chaux-d'Arlier, se fait un partage des eaux. - D'un côté, la Serpentine descend du nord au sud, en passant près de Nozeroy, puis va se jeter dans la rivière d'Ain; de l'autre côté, une branche du Drugeon, sortie de l'étang de Frasne, et réunie entre Bonneveau et Bouverans à une seconde branche, issue des marais de Vaux, flue du sud au nord pour aller se mêler au Doubs en avant d'Arçon. En considération d'une semblable disposition topographique qui leur prêtait, dans les croyances superstitieuses d'un peuple naïf et ignorant, quelque chose de surnaturel, ces hauteurs paraissent avoir, dans les temps antiques, été consacrées par un culte particulier aux Galls, habitants.

(1) Quelques éléments de cette courte dissertation ont été puisés dans la collection des intéressants Annuaires du Jura, par feu D. Monnier.

primitifs de nos contrées, et comme nous l'apprend César, adorateurs des quatre éléments, principalement du FEU. Sous quelle invocation nos ancêtres, car il faut l'admettre ainsi, adoraient-ils le FEU? - Sous celle de Bel ou Belin, le dieu de la lumière, l'Apollon des Celtes, que les romains appelaient Belenus. Ce nom de Bel se retrouve si souvent comme radical dans la composition d'une foule de dénominations de lieux au sein de nos montagnes, qu'il nous a paru de quelque utilité d'appeler l'attention des archéologues sur ce grave sujet.

Vers l'an 1775, un plan des bois situés entre Bief-du-Four, Cuvier, Boujailles, Courvières et Frasne, déterminait les limites territoriales de Frasne et de Bief-du-Four par un bloc de rocher connu alors sous le nom de Pierre qui vire. Une semblable dénomination, qui réveille l'idée des croyances druidiques, suffit pour attester le souvenir d'un monument de la religion de nos pères. La Pierre qui vire, débris d'un Peulvan ou d'un Dolmen, était près de la fontaine de la Culte, autre appellation dont nos lecteurs feront ce qu'il leur plaira. Quant à nous, nous serions tenté d'y voir le mémorial d'un sanctuaire où le sang humain a pu couler dans ces lieux sous le couteau (cultrum) du sacrificateur.- N'y aurait-on pas trouvé, à une époque plus rapprochée de nous, un de ces instruments d'immolation dont, par corruption, traduisant le mot latin en roman du moyen-âge, on aurait donné le nom à la fontaine qui nous occupe?

Le site sauvage de cette fontaine, que nous avons tout récemment visitée dans une de nos excursions, à quelque distance des clôtures du chemin de fer jusqu'aux confins des deux départements, les blocs de rochers qui surgissent aux environs, nous ont paru confirmer pleinement l'opinion de feu Désiré Monnier sur l'existence d'un symbole religieux du culte celtique à côté de cette source également consacrée, comme généralement tous les cours d'eau à leur origine, par les prêtres gaulois.

A l'appui des traditions et des monuments, qui témoignent, contre l'assertion de certains historiens franc-comtois, de l'habitation de nos montagnes avant la domination romaine, nous rappellerons que deux pierres tranchantes, de jade vert ou de serpentine, instruments d'origine scythique à l'usage de nos pères, ont été trouvées sur le territoire de Cuvier et recueillies par M. le docteur Germain, savant archéologue et naturaliste, qui habita longtemps Nozeroy, mort à Salins il y a une huitaine d'années. Ce village est, comme on sait, aux abords de la route n° 16, entre Censcau et Frasne, sur la lisière des deux départements du

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