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l'est, toute spoliation doit être qualifiée de vol.

VOLONTAIRE. Ce qui se fait sciemment et dans un but, en conséquence d'un raisonnement proprement dit.

Il n'y a de volontaire que ce qui est raisonné. Or, l'ordre étant la hiérarchie, et la hiérarchie étant la subordination, la soumission, il n'y a d'ordre possible qu'en vertu d'un raisonnement. La soumission volontaire est nécessairement, pendant l'époque d'ignorance, la subordination du faible au puissant, comme si celui-ci était le meilleur. L'examen fait découvrir qu'il n'est que le plus fort, et dès lors il y a assujettissement à la force brutale, il y a progrès vers l'anarchie. L'ordre ne se rétablit que par la hiérarchie rationnelle, c'est-à-dire par la libre coordination de tous sous la raison déterminée incontestablement.

VOLONTÉ. L'âme agissant.

La volonté est la seule faculté. Vouloir réellement, c'est être une âme, une réalité dans la condition où la volonté peut se manifester; cette condition est le développement du verbe. L'exercice de la volonté implique la connaissance, qui est aussi relative à l'âme, unie à une vie particulière, à un organisme, sans lequel cette âme ne peut ni connaître, ni agir.

La volonté n'est pas faite; c'est elle au contraire qui fait tout, et ce qu'elle fait ne saurait avoir de volonté elle fait des machines qui se meuvent, ou plutôt qui sont mues dans le sens qu'elle a déterminé. La création de volontés réelles, d'âmes, est une absurdité. Voir le mot Création.

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VOLONTÉ GÉNÉRALE.

A proprement parler, il n'y a pas de volonté générale; la volonté est exclusivement personnelle. Un groupe, un ensemble d'êtres n'est pas un être pouvant vouloir. Il n'y a pas plus d'êtres collectifs que de volonté générale, du moins dans le sens propre.

Figurément, on appelle être collectif la totalité qui comprend plusieurs êtres ; volonté générale, la somme des concessions faites par chaque individu, c'est-à-dire, le total des renonciations consenties par chacun, en dépit de son désir de vouloir le contraire, à charge de réciprocité pour tous les autres. La volonté générale n'est, en définitive, la volonté de personne.

Dans le langage mensonger ou figuré, pour parler parlementairement, du régime représentatif, la loi est l'expression de la volonté générale, lorsque

chaque législateur a pu y faire entrer quelque disposition que ses collègues cherchaient à en exclure. Dans le langage de la vérité, la loi, sous la pression de l'ignorance sociale, est ou l'expression de la volonté d'un seul, et il y a despotisme, ou le résultat d'une transaction entre plusieurs, et il y a absurdité, menant à l'anarchie.

VOLONTÉ (Former la).

On ne fait pas plus l'éducation de la volonté, qu'on ne fait la volonté même on forme l'intelligence, qu'on dispose à la croyance en lui insinuant des idées toutes faites, ou à la discussion en la faisant raisonner par elle-même, ou enfin à la science en lui enseignant à se démontrer la vérité. Il n'y a volonté, que lorsqu'il y a liberté ; liberté, que lorsqu'il y a intelligence, c'est-à-dire discernement, choix l'intelligence bien éclairée sert de fanal à la volonté, pour se diriger au milieu des écueils des passions; créer des habitudes à la volonté comme s'expriment nos moralistes matérialistes, c'est anéantir la volonté, c'est faire de l'homme un automate dont le penchant, acquis par l'exercice fréquent des mêmes actes, est le seul ressort.

VOTE UNIVERSEL.

Cette universalité est le comble de la folie quand la vérité n'est pas universellement connue et incontestablement démontrée, acceptée socialement, appliquée par la volonté de tous et maintenue par la force de chacun. Jusque-là, le despotisme de tout le monde aboutira toujours au despotisme d'un seul; et le despotisme d'un seul, librement discuté par tous, ramènera toujours l'anarchie. « Quiconque, dit M. Proudhon, prêche le suffrage universel comme principe unique d'ordre et de certitude, est menteur et charlatan; il trompe le peuple. La souveraineté sans la science est aveugle. » Lorsque la raison déterminée dans le sens absolu régnera universellement, plus ne sera besoin de voter, si ce n'est sur les questions secondaires d'exécution, de pratique; cette raison empêchera toujours que ceux qui ont du bon sens n'appellent à voter les fous, qui leur feraient une opposition de déraison.

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et toujours nécessairement, que les pauvres attaquent les riches comme étant la cause de leur malheur, et que les riches se défendent contre les pauvres pour ne pas devenir pauvres à leur tour; il s'ensuivra, tôt ou tard, que les pauvres égorgeront les riches pour se mettre à leur place, où bientôt ils se feront égorger par les nouveaux pauvres qu'ils auront faits et ainsi indéfiniment jusqu'à découverte et application de la vérité, c'est-àdire, jusqu'à ce que le vote universel ne soit plus le moyen auquel on ait recours pour la connaître. Le suffrage universel (voir le mot Suffrage) équivaut au droit socialement reconnu chez les prolétaires, pendant l'époque d'ignorance et d'incompressibilité de l'examen, de déterminer le droit ; c'est par conséquent une déclaration de guerre aux propriétaires et capitalistes dont le droit acquis est la négation du droit à acquérir par les prolétaires. On ne se bat plus aujourd'hui pour des principes ou pour des hommes; on se bat pour des intérêts : et tous les cris de bataille se résument inévitablement dans ceux, d'une part de vive la propriété ! d'autre part de à bas les propriétaires! de toutes parts de vivent nous et nous seuls! Et de quelque côté que se déclare la victoire, c'est toujours également une défaite pour la raison, la société, l'humanité. Le suffrage dont nous parlons, s'il était franchement et loyalement appliqué, serait donc l'organisation du désordre; mais, comme le désordre ne peut durer sans amener la dissolution, ce suffrage est un acheminement au despotisme, scule planche de salut dans l'anarchie, pour la même raison que, pendant toute l'époque d'ignorance sociale, l'anarchie est le seul refuge possible contre le despotisme. Heureusement pour notre société agonisante, que le suffrage universel est, et ne peut être qu'un leurre, qu'une déception, qu'une flouerie, dirions-nous, si l'emploi des termes d'argot était permis dans une matière aussi grave: tant qu'il y a anarchie, le vote appelé universel, n'est invoqué que par les ambitieux qui veulent dominer; lorsque le despotisme a triomphé de l'anarchie, ce même vote est un instrument commode pour river de plus en plus solidement la chaîne des imbéciles qui persistent à se dire et même à se croire libres.

VOTER.

Le représentativisme ne reconnaît que le vote d'élection à un ou plusieurs degrés, nommant des élus qui, à leur tour, votent les lois : les conditions d'éligibilité et d'électorat, déterminées par la constitution, servent d'avance à faire tomber les choix sur ceux que leur position sociale rend dignes de

gouverner, c'est-à-dire, d'exploiter la société. Après le suffrage universel, qui est l'expression la plus complète du représentativisme, viendra le gouvernement direct qui sera la mort de ce système, puisque, chacun se prononçant par lui-même sur toutes les questions, il n'y aura plus de représentation pour personne. Nous avons dit plusieurs fois ce que nous pensons du suffrage universel et du gouvernement direct.

- Si le mot voter signifie donner son avis sur les hommes et sur les choses, il faut, en thèse générale, n'appeler à voter que ceux qui peuvent fonder leur avis sur la raison. Et en thèse plus particulière, c'est-à-dire, aussi longtemps que l'ignorance sociale imposera la soumission de la société à l'opinion dont elle a fait dépendre la conservation de l'ordre, il faudra ne demander leur avis qu'à ceux qui ont intérêt à maintenir cet ordre établi, si, bien entendu, on a l'intention de le conserver; et comme moyen d'y réussir, il faudra n'investir du droit de légiférer que ceux qui ont un intérêt indubitable et patent à faire triompher à tout prix l'opinion sur laquelle la société est provisoirement fondée. C'est là de la logique à l'usage du plus simple bon

sens.

La société actuelle repose encore sur la domination du capital. Il est inutile de demander aux prolétaires ce qu'ils en pensent appelés à se prononcer, ce sera naturellement (rationnellement) contre les capitalistes qu'ils voteront. Il serait insensé de prétendre que, pouvant librement s'exprimer, ils parlent à leur détriment. Comme les capitalistes, ils parleront et agiront pour eux-mêmes; et le résultat final est facile à prévoir les prolétaires sont les plus forts, puisqu'ils sont les plus nombreux. La société, qui leur donne le droit de suffrage, reconnaît par cela seul que la force est le véritable et seul droit. Qu'a-t-elle à se plaindre alors si l'heure du bouleversement approche? et si la force, dont ceux qu'elle avait rendus puissants ont abusé, passe à ceux qu'elle va rendre puissants à leur tour, et qui, quelles que puissent avoir été leurs intentions avant le combat, en abuseront irrésistiblement après la victoire?

- Aussi longtemps que la raison est socialement indéterminée, les opinions règnent et les partis règnent par elles. Chaque parti ne demande l'avis que des hommes qu'il croit lui appartenir. Aussi, s'il invoque le vote universel, c'est pour chercher à le dominer, et toutes les fois qu'il n'y réussit pas, il condamne son fonctionnement et casse ses arrêts. Cela prouve qu'aucun parti ne croit en réalité à son droit, ou bien qu'il craint que tout le monde ne le méconnaisse. Tant que les votes peuvent être

influencés par des opinions ou par des intérêts, le mieux serait (nous supposons gratuitement la chose possible en présence de l'incompressibilité de l'examen), le mieux serait, disons-nous, de n'y pas recourir; car alors les passions et l'ignorance sont prépondérantes, et l'expédient le plus sage, puisqu'il est le plus sûr, serait de s'en remettre au despotisme car le despotisme est infiniment plus

moral que l'hypocrisie et la corruption. Mais si le despotisme avait des chances de durée, il n'y en aurait plus pour les progrès de l'anarchie, dont exclusivement nous avons à attendre la découverte de la vérité et l'application de la justice. Il faut que les votants soient, sans exception aucune, sous l'influence de la raison, pour que tous les suffrages puissent être rationnels et justes.

APPENDICE.

Nous nous étions proposé, pendant l'impression de ce Dictionnaire, de le terminer par un Supplément qui aurait contenu les mots oubliés par nous ou négligés dans le corps de l'ouvrage. Mais, après avoir relu la liste des mots dont nous avions pris note, nous nous sommes aperçu qu'ils étaient de trop peu d'importance pour leur consacrer à chacun un article à part, ou bien, et c'était le cas pour la presque totalité, que les réflexions auxquelles ils auraient donné lieu, et qui se rapportaient aux questions sociales, se trouvaient déjà, et la plupart du temps répétées à plusieurs reprises, dans les autres articles dont le Dictionnaire est composé.

Il faut excepter les mots : Caisses d'épargne et Caisses de retraite, et surtout le mot Prévoyance, qui offrent trop d'intérêt pour que nous ne nous en occupions pas, avant de finir nous allons le faire en les considérant exclusivement au point de vue de l'ordre par la justice et la raison, prises dans le sens absolu.

Nous demandons pardon, en entrant en matière, de rappeler une dernière fois au lecteur ce que nous avons si souvent cherché à lui démontrer par tous les arguments que le raisonnement nous a fournis, la vérité incontestable suivante : Il n'y aura de repos pour la société et par conséquent de bonheur pour ses membres, que lorsque plus un seul d'entre eux ne sera fondé en raison à lui imputer le sort dont il se plaint justement.

Personne ne nie que le paupérisme, véritable lèpre qui attaque la société dans son principe même, ne doive disparaître, ou que c'en est fait d'elle. On avoue encore que le paupérisme ne disparaîtra qu'avec le prolétariat, au sein duquel il se recrute sans cesse. C'est donc la question de la suppression du prolétariat qui occupe tous les esprits. Nous passerons brièvement en revue les principales mesures qui ont été proposées par les hommes les plus éminents dans la science de l'économie, comme étant les plus propres à faire atteindre ce but. Nous nous hâtons de prévenir que nous sommes en flagrant désaccord avec eux, parce que cette économie, qui ne peut être que politique à leur avis, devrait, selon nous, être exclusivement sociale.

En effet, il n'y a qu'un seul moyen de réduire le prolétariat à un simple souvenir historique, et ce moyen est de faire en sorte que la société dont l'organisation a inévitablement donné naissance à la classe des prolétaires, se résolve à changer cette organisation de fond en comble. Voilà ce que nul encore ne comprend, parce que tous n'en sentent pas la nécessité, quoique l'immense majorité en éprouve cruellement le besoin.

Cela étant posé en fait, les divers palliatifs mis en avant se résument en une aggravation

de devoirs imposés à l'ouvrier, qui ne jouit d'aucun droit et n'a ni la force ni l'habileté nécessaire pour obliger les autres de remplir leur devoir envers lui. L'ouvrier, s'écrie-t-on, avec un aplomb qui ferait sourire s'il ne provoquait l'indignation, l'ouvrier n'a point de prévoyance : tous ses maux ont leur origine dans le manque de jugement du prolétaire, qui traverse les vicissitudes du présent sans jamais songer aux exigences de l'avenir.

Est-ce sérieusement que des cœurs sensibles, comme ils s'intitulent, des philanthropes de profession, accusent les pauvres de ne rien prévoir? Eh! que veut-on, Justice éternelle! que ces malheureux prévoient si ce n'est que leur malheur n'aura point de terme? Et quand ils se répéteraient sans fin qu'ils mourront misérables par la seule et unique raison qu'ils sont nés dans la misère, croit-on qu'ils en auront plus de courage pour ramer dans la galère sociale que s'ils se bornent, comme la société leur en fait la loi, à porter chaque jour et sans y jamais réfléchir, à l'instar des brutes, l'écrasant fardeau dont elle les charge? Vous objectez, messieurs les économistes, que ce n'est pas ainsi que vous entendez la prévoyance. Vous voulez que, dans ses rares moments de prospérité, l'ouvrier se prépare aux moments qui suivront, et qui lui imposeront des sacrifices impossibles s'il n'a pas eu la prudence de tenir en réserve de quoi y faire face.

Fort bien, nos maîtres! Vous supposez donc que l'ouvrier, quand la chance lui est favorable, gagne trop. Eh bien, vous vous trompez. Aussitôt que son salaire est plus que suffisant pour le faire vivre, la concurrence le fait baisser jusqu'au strict nécessaire, et l'ouvrier n'a pas avancé d'un pouce. Et c'est sur ce nécessaire que vous voulez qu'il épargne quelque chose, comme pour se procurer un cordial qui le rappelle à la vie prête à lui échapper faute de pain! Mais c'est monstrueux !

a

Vous vous trompez à votre tour, répliquent les prétendus amis des classes souffrantes : l'ouvrier qui travaille a toujours du superflu. Témoin les excès aussi coûteux que honteux auxquels il se livre, en débauches de toutes espèces, et surtout ceux de l'ivrognerie. Nous avons répondu d'avance à cette insinuation. L'ouvrier, aussi bien que le capitaliste, droit, rationnellement parlant, bien entendu, à se reposer de son travail, après que le labeur lui a procuré ce qu'il en attendait. Ce loisir, l'ouvrier ne l'a pas; la société le lui refuse. La société a raison, je le sais parfaitement, dans le sens du moins de sa propre conservation; car l'ouvrier abuserait immédiatement de son loisir pour se ruer contre elle et se faire justice. Mais là n'est pas la question.

N'ayant pas de loisir pour satisfaire les besoins de son intelligence, puisqu'il n'a que ce qu'il lui faut rigoureusement pour satisfaire les besoins de son corps, que fait-il? Il cherche à s'étourdir; il demande à la boisson l'oubli de l'avenir, c'est-à-dire précisément cette même imprévoyance que les économistes routiniers lui reprochent si amèrement.

Les ouvriers devraient du moins se tenir prêts contre les éventualités des circonstances qui les menacent chaque jour de leur pénible existence, telles que maladies, crises alimentaires, chômages, et, pour finir, l'impotence et la vieillesse. Soit. Nous ne nions pas qu'il serait bon que les ouvriers se fissent assurer contre toutes les calamités dont ils sont toujours, on peut dire, seuls à porter le poids; mais il faudrait pour cela que ceux qui traversent ces calamités sans presque en souffrir, payassent la prime à l'assureur. Or cet assureur, qui est-ce? La société. La société qu'est-elle ? L'ensemble des hommes associés. Et qu'est-ce qui fait mouvoir, qu'est-ce qui dirige ces hommes? L'intérêt de ceux qui dominent et exploitent la société. Et ce seraient ceux-là mêmes qui rogneraient bénignement leurs propres profits habituels que l'organisation sociale les aide puissamment à grossir? Allons done! C'est de la niaiserie... ou de l'hypocrisie de l'espèce la plus perverse.

:

Mais supposons un instant qu'ils exécutent leurs humanitaires projets l'ouvrier sera, moralement du moins, plus à son aise. Gagnera-t-il davantage? Non. L'émancipation dont on l'a gratifié s'y oppose; la concurrence qui lui est imposée, à lui, prolétaire, dépourvu

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