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HÉROS.

L'ère des héros est passée sans retour, depuis que la force appartient, non à l'intelligence ou à la valeur, mais au nombre. L'homme qui, par ses lumières, son habileté, son énergie, sa richesse, veut acquérir quelque influence parmi ses concitoyens, doit avant tout se créer une majorité, l'organiser et la discipliner à sa main. De même que sur le champ de bataille les gros bataillons bien dirigés l'emportent nécessairement, de même les majorités habilement conduites triomphent dans nos assemblées d'électeurs, d'élus, et même pendant les tourmentes révolutionnaires. Le héros moderne est celui qui, sans se compromettre luimême, sait faire manœuvrer les majorités à son bénéfice.

HEURES DE TRAVAIL (Limitation des).

Combien d'heures faut-il que l'homme, la femme, l'enfant travaillent pour obtenir le salaire dont dépend leur pain quotidien? Cette question bien simple (nous prenons ici travail dans le sens de labeur; le travail de l'esprit, l'intelligence mise en action, la pensée, en un mot, ne s'arrête jamais), cette question a cependant deux solutions fort différentes.

Conformément à la raison absolue, l'homme, sans distinction de sexe ni d'âge, ne doit travailler qu'autant que ses besoins le stimulent, et aussi longtemps que, pour les satisfaire, il a à faire coopérer avec ses propres forces, celles de la matière sous l'une ou l'autre de leurs transformations. Mais conformément à la raison relative, c'est-à-dire, à celle qui régit nos sociétés, ignorant ce qu'est la raison absolue, et même s'il y a une raison absolue, le plus grand nombre possible d'hommes, de femmes et d'enfants, doivent travailler le plus d'heures possible sur les vingt-quatre de chaque jour, pour le moindre prix possible, et au profit du plus petit nombre possible de leurs semblables : ce sera une condition sine quâ non d'ordre, aussi longtemps qu'il faudra ôter aux masses le loisir et le courage de discuter la réalité du principe en vertu duquel elles sont exploitées.

En conséquence, dans l'état donné de l'organisation sociale, toute loi qui déterminerait, soit le taux du salaire des ouvriers, soit le nombre d'heures qu'ils doivent consacrer au travail pour le gagner, serait en opposition directe avec l'esprit de cette organisation même, et par conséquent, tant que cette organisation est maintenue, cette loi tomberait devant la nécessité qu'impose l'ordre établi, quoique cet ordre ne puisse plus prolonger son existence qu'en la compromettant chaque jour de plus en

plus gravement. Car l'esprit de l'organisation sociale actuelle ordonne de comprimer l'examen, d'enchaîner la pensée, dans le but de cacher que l'ordre existant ne repose que sur l'ignorance de la vérité, c'est-à-dire d'empêcher que les masses, y voyant clair, ne sapent cet ordre faux, si l'on veut, mais le seul réalisable pour l'époque, puisque la société ne cherche même pas la vérité dont elle n'éprouve point encore le besoin réel.

HIERARCHIE. Soumission à l'autorité.

Il y a hiérarchie conformément à la force, et hiérarchie conformément à la raison.

La hiérarchie est l'ordre rationnel, qui suppose l'inégalité et est essentiel à la société. Hiérarchie est le contraire d'anarchie.

Les hommes naturellement inégaux sont seuls susceptibles de coordination, parce qu'ils sont moralement égaux comme ayant des âmes nécessairement identiques: hors de l'espèce humaine, tout est moralement égal, en ce sens que rien n'y a le caractère de moralité, de réalité : la coordination, la hiérarchie, la société, y sont impossibles.

HIERARCHIQUE. Coordonné.

Toute société est hiérarchique, ne fût-elle que de deux individus, dont l'un est nécessairement le premier, l'autre le second, l'un le plus fort ou le plus intelligent, l'autre le plus faible, soit d'esprit, soit de corps la coordination par subordination est l'ordre même. La seule question est de savoir d'après quel principe se fait le classement.

Tant que la raison n'est pas déterminée socialement, tant qu'il y a ignorance, c'est nécessairement la force qui classe par la naissance, ou féodalement ou bourgeoisement. Dès que, l'ignorance sociale durant encore, la discussion cependant ne peut plus être comprimée socialement, la hiérarchie par la force devient de l'anarchie, et cette anarchie ne cédera que devant la hiérarchie véritable, celle qu'établira la raison. Quand la raison classera les hommes, ce sera par l'intelligence et le travail.

HISTOIRE.

L'histoire du monde social se divise en trois époques bien distinctes le passé, le présent et l'avenir. Le passé, ce sont les hommes usant de la force commune pour conserver l'ordre au moyen de la foi commune en un principe qui se soustrait à toute discussion, à toute investigation. Le présent, c'est la société demeurée sans force sociale devant les forces éparpillées de ses membres, qui ont, chacun avec son opinion particulière du mo

ment, le droit d'examiner toutes les opinions et de les détruire l'une par l'autre en les comparant entre elles; c'est la société sans foi commune, par conséquent, et sans plus de garantie de stabilité pour l'ordre social que chaque homme n'a de sanction obligatoire pour sa morale privée. L'avenir, ce sera la conservation des forces individuelles se confondant nécessairement dans une seule force générale par la connaissance universelle de la vérité, que la liberté de discussion ne parviendra plus qu'à affermir, puisque chacun aura le même intérêt à la consolider.

Le passé et le présent se tiennent par un point, l'ignorance; seulement, au passé, on croyait savoir, et maintenant on nie qu'il soit possible de savoir. Pendant tout le temps d'ignorance de la vérité, la société est aux mains de quelques despotes qui, faisant de l'ordre pour eux, préparent, sans s'en douter, l'anarchie contre le despotisme. Lorsque la vérité sera connue socialement, l'ordre général résultera des efforts de chacun pour faire son propre bonheur.

HOMICIDE (Organisation de l').

Il n'y aurait qu'un cri de réprobation contre celui qui caractériserait en ces termes l'organisation actuelle de la propriété. C'est cependant un fait évident. Car, avec cette organisation, il y a nécessairement, comme a dit Malthus, des hommes pour lesquels il n'y a point de couvert au banquet de la nature, qui les en chasse, c'est-à-dire qui les tue; ou, pour nous servir des expressions de M. Dunoyer, il y a des hommes jetés sur la place au delà de la consommation que les propriétaires peuvent faire d'eux, et que, par conséquent, le suicide et l'échafaud déciment; après quoi, la misère, les maladies, la faim emportent le reste. Comprendra-t-on enfin que cette organisation doit être changée ou que la société doit périr?

HOMME. Union d'une àme avec un organisme. L'âme, c'est la sensibilité; l'organisme, c'est une partie de force, de matière, organisée de manière à conserver les impressions reçues et centralisées; l'homme, c'est cette union même, lorsque le contact prolongé avec un ou plusieurs êtres de son espèce a développé en lui, avec le verbe, le sentiment, le raisonnement, la moralité. Le mot homme a la même valeur que le mot intelligence, le mot liberté. Dès qu'on a été forcé de personnifier l'idée qu'on se faisait de la vérité, de la justice, de la raison, quelque dénomination qu'on lui donnât d'ailleurs, et fût-ce même celle de Dieu, il a nécessairement fallu en faire un homme; sinon, c'eût

été une brute. Tout ce qui n'est pas entièrement et exclusivement matière est un homme, à moins que l'homme ne soit lui-même essentiellement que matière. Et en ce cas, tout est homme, et plus rien ne l'est réellement.

De ce qui précède il faut conclure qu'on est homme par l'essence immatérielle, que par conséquent la femme aussi bien que l'homme est homme; les différences de forme, d'organisation, de condition, déterminent les fonctions différentes de la femme, mais ne changent rien ni à sa nature ni à sa valeur réelle. « Si nous sommes égaux par ce qui nous fait hommes, a dit M. Proudhon, comment la distribution accidentelle de facultés secondaires nous ferait-elle descendre au-dessous de l'humanité? »>

HOMME (Honnête).

Le riche qui ne vole pas, dans le sens positif du mot, parce que ses besoins sont au-dessous des moyens qu'il a à sa disposition pour les satisfaire, et qui paye régulièrement les dettes qu'il a contractées parce que cela ne le gêne sous aucun rapport et qu'il y gagne en considération publique, est un honnête homme devant le monde. L'homme sans passions fortes, dont l'intelligence a été cultivée et qui se livre aux travaux de l'esprit, si d'ailleurs sa vie est régulière, chose qui lui coûte peu, vu que tout excès lui imposerait un pénible effort, est un honnête homme également. Celui enfin qui, retenu par les convenances que lui impose sa position privilégiée dans la société, se conduit de manière à ne pas donner lieu à la critique, est toujours un honnête homme.

Mais le déshérité de notre organisation sociale qui, n'ayant rien à ménager, ne ménage pas grand'chose, l'homme à passions ardentes, à la raison duquel il n'a jamais été fait appel, et qui se laisse parfois entraîner par ses penchants brutaux, le misérable qui dérobe un pain pour assouvir sa faim et celle de sa famille; oh! c'est là le vrai gibier de potence.

Eh bien, nous le dirons sans hésiter: devant la justice éternelle, beaucoup de ces scélérats trouveront de l'indulgence, et aucun de ces modèles de vertu ne sera récompensé. Les prétendus honnêtes gens n'ont point intérêt à ne pas l'être; tout pousse les autres à violer cette honnêteté de convention. Les conditions n'étant pas les mêmes, le jugement rationnel doit nécessairement être différent.

HONNEUR. Vertu ou vice en vogue.

L'honneur change avec l'opinion; celui d'un pays et celui d'un temps sont opposés à ceux d'un

autre temps et d'un autre pays. La fidélité à l'honneur est compatible avec toutes les fautes et tous les crimes.

HONTE.

On n'est honteux que de ce que l'opinion voue à la honte. Il n'y a point de honte naturelle. Le raisonnement qui, sous le système représentatif, porte les consciences à se vendre, n'inflige aucune honte. Il est seulement honteux de se laisser prendre la main dans le sac, parce que l'opinion qui impose la corruption comme une nécessité du temps, veut pouvoir lui conserver son masque hypocrite de libre transaction.

HORS DE NOUS.

En réalité il n'y a rien hors de notre sensibilité, si ce n'est la force générale qui modifie la force particulière dont l'union avec cette sensibilité constitue notre intelligence. Nous distinguons de nous ces modifications de nous-mêmes, en d'autres termes nous les plaçons hors de nous comme phénomènes séparés, dont la série forme pour chaque homme sa vie intellectuelle, et dont toutes les séries réunies composent ce qui constitue la vie de l'humanité. Mais pour que nous discernions entre nous-mêmes et ce qui n'est pas nous, il faut d'abord qu'une intelligence, en répondant à la nôtre, nous ait révélé qu'il y a autre chose que nous, c'est-àdire que nous existons. Nous devons au développement du langage, dû au frottement entre les êtres susceptibles d'intelligence, la conscience de nous-mêmes, et avec elle et par elle, la connaissance de tout ce qui nous entoure, hommes et choses. Il n'y a donc pour nous, nous le répétons, outre la force qui nous fait passer de sensation à sensation, rien hors de nous; ce que nous y transportons, nous paraît y être réellement, mais ce ne sont en réalité que des apparences, des phénomènes, qui n'ont de réel que la phénoménalité, la force.

HOSTILITÉ.

Les hommes sont nécessairement hostiles les uns aux autres quand tous prétendent à la même chose que cependant un seul peut posséder complétement. Cette hostilité ne s'évanouit que devant la communauté des idées, soit par la connaissance de la vérité, soit par la croyance à une vérité hypothétique. Dire : « Donnons-nous la main; nous finirons par nous entendre, » est, comme on s'exprime vulgairement, mettre la charrue devant les bœufs. Il faut dire « Cherchons à nous entendre; quand nous y serons parvenus, nous nous tiendrons tous par la main, et pour toujours. »>

HUMANITÉ.

Ce mot a plusieurs valeurs d'abord il signifie l'ensemble des hommes; puis la qualité d'homme; enfin la société réelle, en opposition aux sociétés accidentelles que nous appelons nationalités.

L'unité humaine, c'est-à-dire l'homme et la femme, rapprochés par l'attraction organique, et unis en famille par le développement du verbe, constitue l'élément social. Voir le mot Société.

HYPOCRISIE.

L'hypocrisie est de la perversité réelle. Celui qui se montre tel qu'il croit de son devoir d'être, quand même il se tromperait, si, bien entendu, il a tout fait pour ne pas se tromper, n'a rien à se reprocher devant l'éternelle justice. La duplicité que, du reste, il n'est permis à personne de supposer chez autrui, est seule criminelle; car elle implique la connaissance du devoir et la volonté de le violer en paraissant s'y soumettre.

HYPOTHÈSE. Supposition d'une réalité.

Il faut que la chose supposée réelle soit du moins possible; sinon ce n'est plus une hypothèse, mais une absurdité,

I

IDÉAL.

IDE

L'idéal est un mot servant à dissimuler l'opinion de chaque individu sous une expression qui, parce qu'elle est employée par plusieurs, a un faux air de représenter une opinion commune. Le mot i éal est pour chacun le nec plus ultrà de l'idée qu'il se forme d'une chose quelconque. L'idéalisme, dans ce sens, est le romantisme, le nuageux, le ténébreux, de notre époque sceptique et vaine.

Aux yeux de ceux qui veulent se donner un vernis de religiosité, le monde idéal est le monde immatériel; ils oublient que, pour eux-mêmes, l'idéal est le chimérique.

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IDE

Il n'y a d'idées que lorsqu'il y a aussi des sensations et des signes pour les exprimer; il n'y a donc pas d'idées innées : il y a de né un organisme exclusivement, et un organisme qui, par son union avec une sensibilité, donne lieu au sentiment des impressions reçues par les organes, aux sensations.

On communique les idées et la volonté qu'elles motivent, au moyen de signes communs, mais seulement dans le sens de les faire connaître, d'en faire part. Celui qui a reçu la communication, sait que son interlocuteur pense et veut telle chose déterminée; voilà tout. Le travail même de l'intelligence et l'acte de la volition restent incommunicables, comme la personnalité elle-même. Dans le sens de faire partager une idée, une volonté, c'est-à-dire de l'imposer par contrainte morale, il faut autre chose encore: la pensée ne se transmet pas d'intelligence à intelligence, comme un objet corporel de la main à la main. Pour qu'elle devienne réellement commune, un double travail est indispensable, d'abord le raisonnement de celui qui la présente avec ce qu'il estime propre à la faire accueillir favorablement, ensuite, le raisonnement de celui qui la rend sienne en l'acceptant. Ces deux hommes-là pensent alors et veulent la même chose, pensent et veulent

en commun.

IDÉE COMMUNE SUR LE DROIT.

Sous le rapport social, l'idée n'existe qu'en qualité de pouvoir; et alors elle est l'âme de la société comme la richesse en est le corps. Les révélations ont été des idées sociales, et elles ont organisé la propriété du sol, représentant la richesse, dans l'intérêt de la conservation de la foi. L'idée sociale du bourgeoisisme est la domination du capital sur le sol et le travail : cette idée faisant régner le

capital sur les idées elles-mêmes, aboutit nécessairement à l'anarchie. Sous le régime bourgeois, l'organisation de la richesse n'a pour but que l'accumulation du capital dans le moins de mains possible. Le triomphe de la raison relèvera le travail, l'intelligence, et subordonnera la richesse à la justice, à la vérité.

IDÉES ET CHOSES.

Rien n'est plus commun aujourd'hui que d'entendre opposer les idées aux choses, les hommes aux circonstances, comme si les choses étaient indépendantes des idées, comme s'il y aurait des circonstances sans les hommes. Cette manière de raisonner trahit le matérialisme; c'est la soumission des hommes aux événements, qui ne sont cependant que le résultat de la conduite des hommes; c'est la subordination des idées aux choses, qui sont toujours ce que les idées les ont faites. Les hommes et les idées variant, il est impossible que les circonstances et les choses ne varient pas dans le même sens. Il y a toujours succession; opposition, contradiction, jamais. Les hommes doivent agir pour que les événements naissent; et pour qu'ils changent de conduite, il faut que leurs idées se transforment la transformation des idées a pour conséquence infaillible le nouvel aspect des choses.

On parle de la raison des choses : cette raison est tout bonnement l'intelligence avec ses connaissances aquises et le raisonnement qu'elle y appuie. Prétendre, comme fait M. Proudhon, que « tout dans les choses appelle une révolution, » mais qu'il n'y a, « dans les idées, rien qui la détermine, »> c'est commettre une erreur grave, à moins que par révolution l'auteur n'entende perturbation et par déterminer, faire aboutir la perturbation à l'organisation; et dans ce cas, les idées et les choses progressent dans le même sens, c'est-à-dire vers le désordre, l'anarchie. Car ce n'est que parce que les idées poussent aux révolutions que les révolutions se succèdent sans relâche. Ce ne sont pas les choses qui doivent déterminer quel est l'ordre à établir, ce sont les idées. A peine les hommes sauront-ils pertinemment en quoi l'ordre consiste, que cet ordre passera des idées dans les choses, qu'il sera un événement accompli, qui mettra fin à toute révolution ultérieure. « La situation est mûre, continue l'éminent écrivain français; l'opinion est en retard. De ce désaccord entre les choses et les idées jaillissent tous les incidents, etc. >> Il n'y a que l'opinion qui puisse faire surgir et mûrir les situations. Le désaccord entre les choses et les idées ne saurait être réel. Notre époque est

grosse de révolutions, parce que nos idées sont vagues, parce que, dépourvues de toute certitude, elles changent sans principe ni direction, sans motif arrêté et sans but distinct. L'accord entre les circonstances et l'opinion est parfait.

IDENTIQUE. Qui a la même essence.

La matière seule peut être ramenée à une identité. Tout phénomène est mouvement, est manifestation de force, est modification de sensibilité. La nature si variée du règne physique se résume dans l'unité, dans l'identité, matière. Les unités âmes, identiques entre elles, constituent la nature morale. L'harmonie des deux natures est l'ordre réel, la justice éternelle, la vérité.

IDENTITÉ D'UNE MÊME SENSIBILITÉ A TRAVERS TOUTES LES VIES SENTIES POSSIBLES.

A la mort de l'homme (nous raisonnons ici dans la supposition que la réalité du sentiment de l'existence ait été démontrée) son identité réelle persiste; son identité phénoménale, sentiment de son identité réelle, s'évanouit et fait place à une conscience nouvelle, dont les conditions sont la conséquence de ses actes passés.

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Nous nous sommes souvent entendu faire l'objection suivante : Si vous pouviez rattacher, par le souvenir, notre sentiment d'existence d'une vie à une autre vie, la sanction du devoir à remplir dans chaque vie en deviendrait plus saisissante qu'elle ne nous semble maintenant.

Nous prouvons en plusieurs endroits qu'il est aussi impossible de garder, en mourant, la mémoire des sensations éprouvées et des raisonnements faits pendant la vie, qu'il l'est de conserver le toucher, la vue, l'ouïe, etc., au moyen desquels ces sensations ont été éprouvées, et l'intelligence dont ces raisonnements ont été l'expression (voir le mot Mémoire). Si nous emportions cette mémoire, il n'y aurait plus pour nous de sanction ultra-vitale, qui est la seule sanction inévitable, puisqu'il n'y aurait plus de mort.

Nous allons résoudre la difficulté à un autre point de vue que faites-vous pendant le cours de la vie? Vous percevez votre existence sous une infinité de modifications que, les liant entre elles par la mémoire, vous exprimez toujours par le mot je, moi, qui rend l'idée de votre identité organique, biologique, de votre unité complexe. Vous vous sentez, sous différents aspects, toujours le même individu. Mais l'êtes-vous réellement? Ce qui vous apparaît comme réel n'est-il pas simplement illusoire, tant que vous ne vous êtes pas démontré que, comme élément de la sensation, il y a une

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