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naissance de la vérité, toute loi qui ne pourra pas être ramenée, par enchaînement de propositions identiques, au principe même du droit, sera de non-valeur, sera nulle.

- La loi, à moins que sa conformité avec le droit démontré réel ne soit évidente, exprime l'arbitraire, la force; le droit seul implique la liberté, la raison.

Jamais encore la réalité d'un autre droit que celui de la force n'a été incontestablement établie par le raisonnement. Or, tant que dure l'ignorance sociale à cet égard, c'est-à-dire, tant que la loi, simple expression de la volonté, de la force, crée le droit, tandis que c'est le droit qui doit être la source et le principe de la loi, il n'y a que l'intimidation, la terreur, qui puisse servir de sanction à l'ordre social. Seulement, dès que la discussion devient libre et ne peut plus être comprimée par la force, l'ordre est exclusivement éphémère comme il est essentiellement variable et accidentel.

DROIT DANS L'APPLICATION. Ce qui est dû à quelqu'un en vertu de la règle des actions.

Droit en pratique est le corrélatif de devoir. Chacun a droit à ce que tous lui doivent, comme chacun a le devoir de satisfaire aux droits de tous. Le droit incontestable ou réel a pour source le raisonnement, pour base la raison absolue, pour sanction le lien religieux. L'essence du droit est l'égalité des forts et des faibles devant la raison. La classification relevant de la force est la négation de tout droit réel.

DROIT COMMUN.

Sous le régime de la justice relative à l'époque de foi, comme sous celui de la justice absolue à l'époque de connaissance de la vérité, le droit commun est l'équité même, c'est-à-dire l'égalité, réelle ou crue réelle, des droits de tous sans acception de personnes, ou l'égalité de tous devant le droit. Aux temps de transition entre la persuasion par la foi et la conviction par la démonstration, c'est-à-dire aux temps de doute, le droit commun n'est qu'un mot vide de sens. Car alors tous les moyens de conserver la force sont nécessairement dans les droits du fort, et le faible n'a d'autre droit que celui d'attendre qu'il soit devenu fort afin de dominer à son tour et de prendre sa revanche, de se venger.

DROIT CONVENTIONNEL. Droit non reconnu comme existant réellement, mais admis par convention.

Le droit conventionnel se fonde sur un raison

nement, mais contestable; et sa sanction est, en dernière analyse, le bourreau.

DROIT D'INSURRECTION.

Ce n'est pas un droit, mais un fait c'est l'appel à la force, à défaut de connaissance du droit réel. Le droit d'insurrection est la conséquence de la souveraineté du peuple, qui est la conséquence de la souveraineté de la raison individuelle, qui enfin est la conséquence de l'impossibilité où se trouve la société de maintenir, avec son monopole des développements de l'intelligence, l'unité de croyance et l'ordre par la foi. Lorsque l'ignorance sera dissipée socialement, il ne restera que la souveraineté de la raison absolue, contre laquelle les malades d'esprit pourront seuls s'insurger.

Tant qu'il y a eu foi, la société a puni l'insurrection, quoique consciencieuse, de la pejne de mort. Depuis l'invasion sociale du doute, l'insurrection est universelle et permanente; seulement on l'appelle pouvoir là où elle est la plus forte, opposition là où elle lutte légalement pour le devenir, révolution quand elle réussit, soit par la violence, soit par un escamotage quelconque, révolte quand elle échoue. Le pouvoir combat l'opposition, cède devant la révolution, et écrase la révolte.

Convertir le prétendu droit d'insurrection en devoir, c'est étrangement abuser des mots.

DROIT DIVIN. Droit prétendument révélé par un Dieu anthropomorphe.

C'est la base de l'ordre, tant que la discussion du principe social peut être empêchée : c'est une cause de désordre, dès que l'examen est devenu incompressible. Le droit divin a pour source une révélation, et pour condition de durée, la foi. Il est établi et justifié par la nécessité sociale, c'est-à-dire par le besoin d'une organisation qu'il faut fonder sur l'autorité de la force, puisque la raison n'a pas encore d'autorité reconnue. Lorsque la libre discussion a renversé le droit divin et que la nécessité sociale n'impose pas encore le droit rationnellement incontestable, l'organisation de la société est dévolue à l'arbitraire des hommes. Il y a progrès accéléré vers l'anarchie.

DROIT DES MAJORITÉS. - Voir Droit conventionnel.

La majorité, le plus grand nombre, représente la force. Son droit, basé sur l'indétermination de la raison, est de courber sous sa volonté la raison, également vague, de la minorité, dont l'opposition exprime les protestations au nom de la faiblesse,

Il n'y a eu jusqu'ici d'autre droit que le droit divin appuyé sur une révélation, et le droit des majorités, qui est la négation de tout droit réel. Il est évident qu'avec le droit des majorités, la société rationnelle est impossible. Or, le droit divin n'est plus possible comme droit social. Donc le droit réel, le droit démontré, sanctionné par la religion démontrée elle-même, est devenu nécessaire pour que l'ordre soit établi.

DROIT NATUREL, Droit basé sur le sentiment. Ce droit prétendu repousse le raisonnement et ne présente aucune espèce de sanction. Comme si tout droit possible ne devait pas nécessairement être, ou du moins passer pour rationnel, sous peine de n'être plus que la force s'imposant comme droit! La force est à elle-même sa sanction. Le droit (la raison) a besoin d'une sanction hors d'elle, et d'une sanction incontestable et inévitable; sans quoi c'est un non-sens. Et l'application d'un droit sans motif ni sanction est la mise en pratique de la déraison, du désordre et de l'anarchie.

DROIT SOCIAL.

L'expression droit social est équivalente à celle de nécessité sociale; car tout ce qui est nécessaire à la conservation de l'ordre, qui est l'existence de l'humanité, est pour la société le premier des droits, la loi suprême, devant laquelle, tant que dure l'ignorance sociale, le droit absolu lui-même, alors inapplicable sans qu'il en résulte le désordre, est une injure relativement à l'époque, et doit en toute circonstance céder devant la nécessité. Transformée en droit, la force à l'époque de croyance, impose à la société une éducation commune, dont elle fait jaillir une instruction commune, une science commune, une certitude commune, une morale commune. Ce mode de direction, sous l'influence du doute, devient impossible, du moins comme état social ayant quelque stabilité. La force dès lors demeure à découvert : mise à nu, elle est nécessairement refoulée dans ses limites rationnelles, la nature physique. Il n'y a plus de morale sociale, de certitude sociale, de science sociale, d'instruction sociale, d'éducation sociale, parce qu'il n'y a plus d'autre droit social que la force, et que la force n'est pas un droit.

DROIT SUR LA VIE.

Droit est synonyme de raison. Est-il raisonnable que la société ôte la vie à un de ses membres? Oui, si la mort de cet homme est réellement nécessaire à la conservation de la vie sociale, de l'ordre. La société ne reconnaît de sacré que la vie sociale,

l'ordre; la vie de quelques individus n'est rien devant le droit pour l'humanité d'exister. Mais il n'y a opposition entre le droit absolu de l'homme et le droit relatif de la société que pendant l'époque d'ignorance. Une fois la vérité connue socialement, la vie de tout homme sera sacrée pour la société dans le véritable sens du mot.

DROITS DE L'HOMME.

Sous ce titre, qui réunit tout ce qui a été dit sur ce sujet, on n'a jamais proclamé de droit réel que celui de la force, le droit de battre et d'exploiter quand on est le plus fort, impliquant le devoir d'être exploité et battu quand on est le plus faible. Nous disons droit réel, dans le sens de droit sanctionné, car le droit de la force porte sa sanction avec lui. Quant à un autre droit, dérivant de la raison et ayant pour expression la justice, si on veut ne point parler sans rien dire, il faut lui trouver une sanction inévitable appuyée sur la raison, dont la réalité soit incontestablement prouvée, et à laquelle toute force soit nécessairement subordonnée. Or, loin d'avoir trouvé cette sanction, la société ne sait point encore qu'elle lui est indispensable et qu'elle lui manque; elle ne la cherche donc pas, et est loin de se douter qu'à moins qu'elle ne la découvre et ne s'y soumette, elle mourra. L'anarchie le lui enseignera à ses dépens.

DROITS POLITIQUES. Pendant l'époque d'ignorance et de compressibilité de l'examen, c'est le droit d'appliquer la règle ; pendant l'époque d'ignorance et d'incompressibilité de l'examen, c'est le droit de donner la règle.

« N'est-ce pas le comble de l'imprudence que d'accorder l'égalité des droits politiques à des hommes de condition inégale? » a dit M. Proudhon. Incontestablement ceux dont la condition est de souffrir de l'organisation sociale établie, travailleront à changer cette organisation, qui sera défendue unguibus et rostro par ceux qui se trouvent dans la condition d'en recueillir tous les avantages et tous les profits. Si c'est là ce que nos hommes d'État se proposent, ce sont les plus actifs des démolisseurs de la société. Mais s'ils veulent la conservation de cette société, ils ont raisonné au rebours du bon sens. Hâtons-nous de dire pour leur décharge que la force des choses les oblige d'agir comme ils font il leur est impossible, dans les circonstances données, de ne pas étendre de plus en plus le cercle des droits politiques; il leur est imposé, comme hommes d'État, de chercher par tous les moyens à empêcher que cette extension n'ait les conséquences qu'elle doit nécessaire

ment avoir. C'est l'effet de l'exercice de la liberté, réglé par l'impulsion de l'ignorance.

- Sous l'empire du droit divin, les droits politiques ne sont que d'administration; ils sont attachés à la propriété du sol. Sous l'empire des majorités, les droits politiques impliquent la souveraineté; ils sont constituants. Ces droits alors appartiennent à la propriété en général, au capital. Vouloir, par l'exercice universel des droits politiques, arriver à organiser la société conformément à la raison absolue, est le comble de la déraison. On ne vote pas sur la vérité; on ne décrète pas l'égalité et la fraternité. Des prolétaires délibérants sont toujours des prolétaires, jusqu'à ce qu'ils se soient faits propriétaires; et, quand ils y ont réussi, le prolétariat existe tout comme auparavant. Seulement, il est à la charge d'autres individus. Il y a changement de personnes, de noms, mais nullement de choses et encore moins d'idées.

Certains réformateurs, pour venir au secours du peuple mourant de faim, proposent de le mettre en possession de ses droits politiques. L'expédient est parfait, mais seulement dans le sens que nous allons dire le peuple, aussi ignorant sur son droit que les bourgeois le sont sur le leur, voudra tout prendre comme les bourgeois veulent tout conserver, et ils ne feront que bouleverser toutes choses. De cette anarchie naîtra le besoin de connaître le véritable droit et de l'appliquer. Est-ce ainsi que l'entendent les réformateurs dont nous parlons? Nous ne le pensons pas.

DUALITÉ. Existence de deux principes. Pendant toute l'époque d'ignorance, où la véritable dualité, celle de la réalité démontrée du sentiment absolu d'existence et de la cause matérielle qui le modifie, est inconnue, les effets observés de cette dualité sont personnifiés sous différentes formes. Nous nous bornerons à rappeler: Dieu, principe du bien; et, puisque le mal existe, le diable, principe du mal: l'homme ayant deux hommes en lui, l'un qui lui montre le prix de la vertu, et l'autre qui lui fait préférer le vice.

Sans dualité, l'unité réelle ne pourrait se sentir; elle serait par conséquent pour elle-même comme si elle n'était pas. Point de connaissance possible sans le retour du soi sur soi, et si la sensibilité ne parvient pas à se manifester à ellemême, que devient pour elle sa propre réalité?

DUEL.

La coutume barbare du duel persiste en dépit

des protestations du bon sens et des rigueurs des lois qu'elles ont fini par provoquer. Pourquoi? Parce que le bon sens public n'est pas d'accord avec lui-même; que ce qu'il condamne en théorie, en pratique, il l'approuve, il l'impose comme un devoir; parce que les lois n'expriment pas la pensée de ceux qui les formulent, et qui se battraient demain après avoir fait condamner ceux qui s'étaient battus hier. Et d'où vient cette étrange anomalie ? De ce que le duel est bien l'expression du principe sur lequel l'ignorance sociale a été contrainte d'asseoir l'ordre ce principe est la force. Que sont les lois elles-mêmes? L'application de la volonté, de l'arbitraire, de la force; nous défions de démontrer qu'elles dérivent du droit. Elles frappent le duelliste qui s'est fait justice à lui-même, mais elles ne sauraient le flétrir, car il s'est montré courageux, fort. On aura beau dire et beau faire, aussi longtemps que la société ignorera ce qu'est le droit réel, il faudra bien qu'elle se résigne à subir le joug de la force, et aussi longtemps que la force sera son seul droit, la force sera honorée, glorifiée, déifiée, sous toutes ses formes et quelles que puissent être ses conséquences.

Il n'y aura plus de duels, le jour où la raison sera déterminée incontestablement, et socialement acceptée; mais la veille encore on se sera battu.

DURÉE. Étendue dans le temps, succession perçue.

On se figure assez communément l'éternité comme une durée sans fin, une durée qu'on appelle infinie; on ne réfléchit pas que la durée, la suite, et l'infinité se contredisent. La durée a nécessairement lieu dans le temps, et le temps, quelque long qu'on le suppose, peut toujours être prolongé ou accourci, a toujours des bornes, est toujours limité.

L'éternité est l'opposé du temps, et il n'y a point de temps sans division, comme sans succession il n'y a point de durée. L'être qui sent dans l'éternité, sent sans interruption, sans modification; il ne sent pas qu'il sent, ne se sent pas sentir. Pour connaître, pour savoir, il faut qu'il passe à l'ordre de temps, à l'ordre de succession. Le passage d'un ordre de temps déterminé à un autre ordre de temps est par conséquent toujours immédiat pour l'être sentant; car il n'y a point pour lui de temps possible entre deux vies organiques, quand même il s'écoulerait pour d'autres êtres sentants des milliers de siècles.

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ÉCHANGE (Libre). Commerce sans entraves entre deux circonscriptions humanitaires.

Appliqué entre des circonscriptions nationales, pour lesquelles, par conséquent, la vérité, la raison, n'est pas encore socialement déterminée, et qui, ne vivant pas sous un principe de foi commun, ne reconnaissent point de juge infaillible de leurs différends, le libre échange est, comme la concurrence illimitée entre individus pendant la même époque sociale, le triomphe de la ruse et de la force, et l'oppression, la mort de tout ce qui est faible et inhabile. Le libre échange aboutit nécessairement à la ruine de toutes les nations, hors celle dont l'organisation permet à son gouvernement de traiter impunément les masses en esclaves, c'est-àdire à merci et miséricorde. Car le commerce ne prospère que par le bon marché des produits, et ce bon marché ne s'obtient exclusivement que par l'exploitation des ouvriers, jusqu'à l'exténuation, jusqu'à la mort.

Dans l'ordre actuel des choses, chaque ouvrier n'a à combattre que les intérêts des autres ouvriers du même pays, que le besoin force de lui faire concurrence afin de prolonger leur misérable vie aux dépens de la sienne. Avec le libre échange international, chaque ouvrier de chaque pays aurait à combattre les intérêts de tous les ouvriers de tous les pays. Et, tandis que mainte

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nant chaque État a intérêt à rendre chez lui la concurrence moins désastreuse en la circonscrivant, avec le libre échange l'intérêt national serait de pousser la misère dans ses dernières limites pour l'emporter en prospérité sur ce que les autres nations obtiendraient également en rendant leurs ouvriers de plus en plus misérables, et par là même l'État de plus en plus florissant.

ÉCLAIRER L'ESPRIT.

A moins qu'on ne conserve à cette expression la signification figurée que nous lui donnons, savoir celle de transmettre des connaissances, elle n'a point de sens rationnel.

Maintenant, suffit-il d'éclairer l'esprit pour former le cœur (nous continuons à employer la phraséologie des moralistes)? Oui et non, selon ce qu'on entend par le mot connaissances. Faire part aux hommes des notions acquises en grammaire, dans les sciences physiques et mathématiques, ne contribue certes en aucune manière, directement du moins, à les rendre meilleurs. Mais, certes aussi, la démonstration de la vérité les soumettrait immédiatement, par contrainte morale, à la loi rationnelle du devoir. Les progrès de l'intelligence dans le domaine matériel, loin d'ennoblir les passions, ne font que les surexciter, en multipliant les besoins et la facilité de les satisfaire. L'homme réellement éclairé n'est pas celui qui sait lire, écrire, compter, qui est docteur en lettres ou en sciences; c'est celui qui distingue démonstrativement entre le bien et le mal. Celui-là est seul entièrement libre de ses actions; car il est convaincu qu'il perdrait sa liberté en se laissant entraîner par ses passions, comme font les ignorants, les fous.

ÉCLAIRER LE PEUPLE.

L'éclairer! sur quoi? Sur ses souffrances? Il les sent plus vivement de jour en jour. L'instruire!

de quoi? De ce qu'il n'a pas plus que les heureux de la terre mérité dans ce monde d'y souffrir? Il commence à ne plus en douter. Lui direz-vous que la force seule l'a empêché jusqu'ici d'avoir sa part des jouissances qui l'environnent? I le sait de reste. Que si le nombre est de son côté, il n'a qu'à vouloir pour que la force y soit aussi? Il est occupé à se compter, et il s'organise en silence. Ce qu'il faudrait éclairer, c'est la classe exploitante. La domination lui échappe; elle n'est plus possible. Que cette classe apprenne à se montrer raisonnable et équitable, et elle sera plus heureuse quand tout le monde le sera avec elle et comme elle. Si elle s'obstine, elle sera exploitée à son tour, et elle le sera aussi longtemps que l'exploitation sera possible.

- Il faut montrer et démontrer au peuple, et il est urgent de le lui démontrer, que, s'il souffre, la cause en est à l'ignorance sociale de la vérité, qui fait prédominer la force et a pour conséquence l'exploitation des faibles; que ce n'est donc pas à ceux qui exercent cette exploitation qu'il doit s'en prendre de son mal, mais à l'ignorance qui la leur fait exercer; que, devenu fort à son tour, si lui aussi se fait exploiteur, il ne fera que perpétuer le mal, dont le seul remède efficace est la cessation de toute exploitation par l'application de la justice, expression de la vérité reconnue. Le peuple est un lion endormi éterniser son sommeil est impossible; rendre son réveil moins terrible n'est que difficile. Que fait-on? On irrite sa faim, en lui faisant flairer une proie qu'on l'empêche de saisir. On lui apprend à lire, à écrire, à penser. Il se réveillera furieux et dévorera ses maîtres.

ÉCLECTISME. Choix sans règle entre différentes affirmations, prises dans des systèmes différents.

L'éclectisme est le système de ceux qui confondent le vrai et le faux, affirmant que toute vérité a sa part inséparable d'erreur, et toute erreur celle de vérité. Les éclectiques pour qui, par conséquent, rien n'est absolument vrai ni absolument faux, se composent un corps de doctrine de ce qui leur paraît le plus plausible dans chaque système sans avoir pour cela de criterium qui leur serve à distinguer ce qui est plausible réellement de ce qui ne l'est pas. «N'admettant ni le matérialisme ni le spiritualisme, dit de Bonald, ne niant ni l'un ni l'autre, voulant les modifier tous les deux et les compléter, l'éclectisme est forcé de chercher sa route entre l'ordre et le désordre, entre le bien et le mal, entre la monarchie et l'anarchie; il a été introduit par de faibles philosophes et de faibles politiques, qui croient que la vérité est un milieu, comme la

vertu, et qui sont aussi incapables d'éclairer les peuples qu'impuissants à les gouverner. »

ÉCOLE. Secte philosophique.

Aussi longtemps que la vérité n'est pas démontrée, vouloir appartenir à une école est folie; quand elle sera démontrée, il n'y aura plus que des écoles de fous.

ÉCONOMIE POLITIQUE.

Constatons tout d'abord que les économistes ne sont pas le moins du monde d'accord entre eux, et ne le sont pas le plus souvent avec eux-mêmes, sur la valeur déterminée qu'il faut donner à l'expression économie politique. Tantôt, ils attribuent tout au droit, de la réalité duquel cependant ils ne donnent aucune démonstration incontestable; tantôt, ils ne s'appuient que sur les faits, qui ne leur fournissent qu'un recueil plus ou moins complet d'observations, mais jamais une science. Il nous serait difficile, pour ne pas dire impossible, dans ce pauvre état des connaissances morales, de définir un corps de doctrine dont les adeptes eux-mêmes ne se forment pas encore une idée nette et déterminée.

Si l'économie politique était celle de l'humanité, elle impliquerait l'anéantissement des nationalités : en effet, la science économique réelle ne sera applicable que lorsque les sociétés existantes se seront évanouies devant la société qui les remplacera. Nous appelons cette économie sociale. Mais il n'est encore question que de l'économie politique de chaque nation, et à ce point de vue il n'y a pas une science, il y en a plusieurs; ou plutôt il y a pour chaque nation l'art d'exploiter les autres nations et de prospérer à leurs dépens.

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On a défini l'économie politique la science de la richesse; on aurait dû dire une branche de la science sociale. La richesse ne peut être organisée que par l'organisation de la société. Cette organisation est l'expression d'un raisonnement, bon ou mauvais, et l'organisation de la richesse dépend de ce raisonnement-là.

- L'économie politique, en ne faisant que prendre acte de ce qui est, a rendu de grands services; car elle a fait toucher au doigt et à l'œil, qu'il devient de plus en plus pressant d'y substituer autre chose. J.-B. Say, Malthus, Ricardo, et leurs disciples, n'ont fait qu'observer, et le plus souvent ils ont fort bien observé: le résultat de leurs investigations est horrible, et, une fois connu, ne saurait persister. L'économie sociale, qui finira par triompher de l'économie politique, est la science de la société, c'est-à-dire, la science de la

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