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tifice, & ôtant aux deux fexes toute délica teffe fuperflue, les porter vers l'acquifition de qualités plus folides. Ce n'eft point en voilant les femmes qu'il cherche à combattre l'excès du penchant qui énerve: il connoiffoit trop les hommes pour domer dans de telles erreurs. C'eft en remontant à la fource & aux progrès des defirs, c'eft en calmant l'imagination, & en féparant de la nature tous les preftiges de l'art, qu'il parvient à fubjuguer l'une par l'autre.

L'expérience prouve, que, chez les peuples qui font habituellement nuds, les fens font plus tranquilles ; mais que les paffions font plus conftantes; parce que, dans les nôtres, il y entre toujours beaucoup d'illufion. Un jeune homme qui fe marie, n'a vu fon amante qu'à travers l'aimable impofture d'une toilette étu diée, & les vapeurs d'une imagination fou gueufe. Il ignore qu'il eft peu de femmes qui ne cachent quelque défaut fecret, & qu'il en eft encore moins qui ne fe donnent l'apparence de quelque charme qu'elle n'a pas. Il eft furpris & refroidi par la vérité: ce n'étoit point ce qu'il attendoit. C'eft bien pire lorsqu'après quelques tems, ces appas fe flétriffent; il ne peut plus déguifer fa froideur: l'épouse se plaint,

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& elle a tort. S'il ne l'aimoit que pour fa beauté, pourquoi prétendre qu'il foit encore le même homme, lorfqu'elle a ceffe d'être la même femme ?

Licurgue prévenoit en partie ces mécomptes par cette expofition publique, que Platon vou loit aufli introduire dans fes gymnaftiques. Sans vouloir les donner pour modeles, cet ufage ne nous paroît fi étrange, que parce qu'il eft fi oppofé aux modernes, & cette habitude prife dès l'enfance, ne devoit pas plus allarmer leurs jeunes perfonnes, que les nôtres ne le font de montrer leur yifage ou leur fein; ce qui, dans une partie de l'Afie & de l'Afrique, fer git le comble de l'impudence. Mais telle eft la force de la coutume, que fi une de nos femmes découvre un demi pouce de plus, c'est-à-dire qu'elle laiffe entrevoir l'extrêmité de fa gorge, qui eft la partie le plus rarement belle, & par conféquent la moins féduifante, cela fcandalife cependant le plus grand nombre. -- Il y a peutêtre plus d'impudicité à n'étaler que quelquesunes des plus belles parties du corps, & à tromper fur le contour des autres, qu'à expofer tout fimplement le tout. Et dans le fonds il n'est pas plus mal-honnête de montrer son pied

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'que fa main, fes réins que fa poitrine, & fa cuiffe que for

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Un des fymptomes les moins équivoques des bonnes mœurs, eft la fimplicité, & il eft douteux fi l'affetterie qui fe joint à notre décence, H'eft pas auffi éloignée de la nature que l'usage de divers peuples, qui négligent tous ces ménagemens, & ne craignent pas de nommer chaque chofe par leur nom. Plufieurs anciens Peres de Eglife connoiffoient peu cette réferve, & l'Ancien Teftament ñea refpecte pas davantage: i renferme nombre de paffages que notre pudeur ne permettroit pas de citer, quoi qu'adoucisidans les traductions. AT 5 img sr ob SO IF eft incroyable combien ces bagatelles in-fruent fur des chofes importantes. Si l'extrême Ficence produit le désordre, l'excès de réserve produit la féchereffe, la diffimulation, & Ta Ttupidité. C'eft peut-être dans cette contrainte & ces entraves, qu'on a mifes dans le langage entre les deux fexes, qu'il faut chercher la pre•miere caufe de cette infériorité de la raifon de nos femmes, comparée à la nôtre; distance qui est moins grande chez les peuples fauvages que chez les peuples civilifés, & moins dans nos claffes fubalternes, que dans les fupérieures.

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L'éducation fait de la plupart de nos jeunes perfonnes, de ridicules poupées, qui croyant voir, dans chaque homme un ennemi, font toujours en défense contre un danger imaginaire, trem, blent fans ceffe de laiffer échapper un mot, ou un mouvement naturel, cachent tout ce qu'elles fentent, jouent tout ce qu'elles n'éprouvent pas, & font de leur vie une feinte continuelle Leur ame, encore plus que leur corps, eft buf quée, couffinée, cerclée, fardée, & en général fi furchargée d'ornemens, & fi altérée dans fes formes qu'on connoît à peine les primitives. On pourroit la comparer fouvent à ces petits pieds des Dames de la Chine, qui, à force de liens & de gène, ne dépaffent pas le mignon des pieds d'une fille de fix à huit ans; mais dont elle ne peuvent plus fe fervir pour marcher pendant le refte de leur vie.

Mais comment, dira-t-on, est-il poffible que tant de peuples divers, aient pu fe réunir pour attacher une espece de honte à l'expofition de certaines parties? Cela provient de causes très-fimples, & qui toutes tiennent à l'amourpropre. Les hommes ne font pas toujours dans un état brillant: on voulut en cacher la rareté, peut-être auffi Les femmes,

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de leur côté, ont des momens critiques, qui ne font rien moins que féduifants. En outre, les maladies, les couches, les années amenent une décadence qu'on dut chercher à masquer. On devint modefte par orgueil, par volupté, ou par envie. Les vielles ne permirent point que les jeunes étalaffent des charmes qui accufoient les leurs, elles éloignerent en leur préfence une conversation qui comparoit des images qui ne leur étoient pas favorables. Les jeu nes mêmes ne voulurent pas qu'on traitât fi familiérement des jouiffances auxquelles .

dont l'émo

tion qui en accompagne la feule idée pouvoit trahir leur fenfibilité, & dont le myftere ajoutant aux défirs, augmente par-là même leur empire.

Une pudeur un peu lefte n'exclut point une douce modeftie, & une chafteté intacte. La plupart des femmes mariées perdent en partie la premiere, fans renoncer aux deux autres. Le paffage eft même fi fubit qu'il prouve que cette qualité eft plus de convention, qu'elle n'eft dans la nature. Les hommes les plus habitués à mettre cette pudeur à l'épreuve, favent auffi qu'à principes égaux, les plus belles fem

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