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La Religion juive, mahométane, indienne & autres, ont érigé la propreté & de fréquen tes ablutions en culte; parce qu'outre fon inAuence fur la fanté & l'agrément, elles fuppofent de certains rapports entre le net du corps & celui de l'ame. Afclepiade, célebre Médecin, prétendoit, que le foin pour les dents contribuoit à la gaieté, par l'effet de la pureté de l'haleine fur les fibres du cerveau.

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Une grande délicateffe fur tous les objets de ce genre eft prefque au rang des vertus pour les femmes: c'eft le vrai fard de la beauté, le dédommagement de la laideur, le mafque de la vielleffe, & la feule affetterie qui leur fied bien. L'extrême fimplicité, jointe à l'extrême propreté, est le plus grand fecret de toilette: c'est l'image de la candeur, l'emblême de la modeftie, & l'indice du bon goût. Si jamais je peins l'amour, difoit un homme délicat, je le pare d'une dormeufe bien blanche, d'une chemife bien fine; j'arme fon carquois de cure-dents, fa main gauche d'un bandeau, fa droite d'une éponge.

Ce qu'on appelle bienféance chez les femmes n'est souvent qu'une infolence déguifée. Le ton de hauteur qu'elles affectent envers nous, ces égards extrêmes qu'elles exigent on ne fait

pourquoi, ce grand prix qu'elles attachent à des minuties; comme de rendre un falut, toucher leur main par hafard, tenir un propos obligeant, ou autres fadeurs de cette efpece: tout cela font des petits airs de divinités, qui les dégradent plus qu'ils ne les honorent; qui rendent leur commerce auffi pénibles pour elles qu'infipides pour nous, & qui, au lieu de prouver en faveur de l'innocence d'une jeune perfonné, dépofe contre elle : car il faut être doué de fens bien actifs, & avoir déja bien pro fondément réflechi fur la volupté, pour favoir que ces bagatelles y ont rapport. Une timide réserve eft fans doute un des premiers ornemens du fexe: mais la nature ne s'exprime pas ainfi, & fon langage differe autant de cette affectation, que la pruderie de la naï veté.

L'Homme le plus digne d'eftime, a befoin de fe recommander par un extérieur décent, qui en impose au vulgaire de tout état. Tant de gens vous jugent fur votre air, vos geftes, votre parure, qu'il ne faut pas refufer leur confidération à fi bas prix. Cela prévient en votre faveur avant de vous connoître, & peut devenir une protection réelle. Mais on peut

être

être perfuadé de cette vérité, fans pouvoir s'en donner les avantages. On voit fré quemment des hommes du mérite le plus vrai, être embarraffés dans un cercle brillant; ne favoir où mettre leurs mains, chercher une attitude, ou balbutier une penfée qui refufe d'éclore. Cet embarras provient d'un fonds de modeftie, ou de l'excès du defir de plaire, fans espoir de réuffir. Il y a en outre divers états, comme les Lois, le Négoce, le Clergé, qui font deftructifs des grâces & de la vivacité d'imation: celui des Lettres ne leur eft pas plus favorable. Le négligé de la vie fédentaire, l'immobile de l'attitude, le férieux de la réflexion, la lenteur du raifonnement, donnent à la fois une roideur & un rélâchement aux muscles, qui leur fait perdre cette activité, qui exprime & fuit le rapide du sentiment. La dif traction, l'infouciance, le mépris de l'usage & la haine de la contrainte, s'y joignent, & contribuent à former fouvent, chez les hommes qui ont le plus de reffources en eux-mêmes, un extérieur des plus mauffades a). Ils ne

a) La plupart des Savans les plus diftingués de l'Europe, fe diftinguent auffi par leur mauvaife façon. Un Tome I. Y

devroient point négliger de connoître les petits ufages d'étiquette: cela donne une affurance qu'on remplace difficilement, & qui prête aux mal-adreffes même un air de dignité.

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Sans doute qu'un homme raifonnable se compromet en s'offenfant de quelque négligence de formes; mais il doit fuperficiellement s'y affervir lui-même, fans y attacher plus de prix qu'elles n'en méritent. Cette foule de puérilités, qui révoltent la raifon, font en partie prefcrites par elle, en ce qu'elles adouciffent les mœurs du peuple, & maintiennent une apparence de refpect réciproque. eft fans doute ridicule qu'un hahit réglé foit plus décent qu'un frac, plus commode & qui fied mieux. Il l'eft encore davantage, que n'étant le très-humble & le très-obéiffant ferviteur de perfonne, on le dit, l'écrit & le figne

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étranger, qui va les, voir, penfe au premier abord: quoi! n'eft - ce que celà? Il eft prefque furpris de ne leur trouver que deux yeux, un nez, une bouche, & fouvent un corps détruit par les veilles, les chagrins & les paffions fortes. Peu s'en faut qu'il ne s'étonne de ce qu'ils ne s'expriment que par des mots, & que les plus communes de leurs phrases, ne furpaffent pas les meilleures fentences de leurs meilleurs écrits.

au bas de la lettre qu'on adreffe à un faquin, qu'on connoît à peine; ou pire encore, qu'on méprife fincérement. Nos defcendans riront

de bon cœur de nos arlequinades: en attendant il ne vaut pas la peine de difputer fur un fon ou une grimace. Le cérémoniel eft un trafic d'air, dont l'achât coûte peu, & la vente rapporte beaucoup.

DE L'ESPRIT.

CE mot vague & commode, qu'on emploie

à tout & à rien exclufivement, a moins une fignification propre que relative: elle varie fuivant ce qui précede ou ce qui fuit: quelquefois on étend fa vafte domination à tout ce qui est du reffort du fentiment & de la penfée: plus fouvent on reftreint fon empire à la feule élégance du ftyle, ou au fcintillant du jeu de mot. Cette derniere acception eft la plus commune dans le monde poli, où l'efprit eft principale ment l'art de dire de jolies chofes. L'homme du fiecle qui en avoit le plus, & qui en abufa Y a

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