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ame forte, que le pouvoir de résister, avec conftance, à la contagion de l'exemple, aux clameurs du ridicule, & à l'empire des préjugés. A quoi fervent les lumieres, fi un faux respect humain ne permet pas de les fuivre? Autant vaut l'ignorant qui s'égare, que l'éclairé qui. connoît le bien & s'y refufe par lâcheté..

Examinons ce public en détail, & fes arrêts nous paroîtront moins formidables. C'est une efpece de monftre, formé de parties difcordantes, & des extrêmes les plus oppofés. Male & femelle, enfant & vieillard, athée & bigot, capucin & petit maître, juge & partie; bavard de naiffance, fantafque de caractere, écho du premier bruit, & menteur de profeffion; difficile à fervir, aifé à tromper, prompt à l'in-gratitude, lent pour la récompense.

Tels font les traits confus de ce fantôme fi rédouté, & telle eft la confiance de l'homme en particulier, qu'en en difant beaucoup de mal, on ne craint d'offenfer perfonne; parce que chacun fe croit fort au-deffus de ce vulgaire, qu'il accufe d'ignorance & d'injuftice, pour ne pas faifir toute l'étendue de ce mérite dont on eft fi intimément perfuadé. Mais s'il eft inique dans la fortune, il devient plus équitable

dans le danger, & les parties qui le compofent prennent affez d'elles-mêmes le rang de leur pefanteur fpécifique: les talens méprifés rentrent en confidération; la crainte fait taire l'envie, & la néceffité éclaire fur le befoin.

En attendant ces grandes occafions ne négligeons pas les petites: ménageons ce public par prudence, facrifions. lui les bagatelles, jamais nos devoirs; craignons le blâme, mais fachons le braver lorfque la probité l'ordonne: ayons même le courage d'immoler l'apparence à la réalité, & fourions aux fauffes conjectures lorfque nous pouvons nous dire à nous mêmes: J'ai fait ce que je devois faire.

Enfin, conformons nous aux ufages fur tout ce qui n'eft pas du reffort de l'équité; évitons d'affecter le finguler dans les petites chofes c'est plus vanité que jufteffe, & cela porte à croire que nous fommes incapables de plus grandes choses. „, Crois moi, difoit un pere à

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fon fils, qui afpiroit à la gloire de fe diftin"guer: en fait de fottifes, tout eft fait, tout „ eft pensé, il ne refte plus que la fingularité » de la vertu. " Journal Helvet.

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DES QUALITÉS

LES PLUS IMPORTANTES

DE L'HOMME

Les principales font la Bonté, le Savoir & le

Courage: ou en d'autres termes la Bienveillance, la Sageffe & la Force d'ame.

La bonté eft cette difpofition aimante, qui porte à contribuer au bonheur d'autrui. Elle eft le germe de toute grandeur morale: car à quoi ferviroit-il de connoître les vertus fans le defir de les mettre en pratique?

Mais ce defir eft fans effet s'il n'eft pas éclairé fans lumieres la bonté devient foibleffe, fe méprend dans fes vues, ignore les moyens de les remplir, & fait fouvent le mal avec les intentions les plus pures.

Le defir du bien & les connoiffances néceffaires ne font point encore fuffifantes; il refte le point effentiel, c'est l'exécution: ce qui exige du courage. L'homme foible fe rebute par les obstacles,,, il est trop dépendant de l'opinion, de fes befoins & de fa fûreté," pour foutenir une réfolution vigoureuse.

Sans

Sans bonté & courage, les lumieres ne font qu'un vain ornement. Sans lumieres & courage la bienveillance n'eft qu'un vou inutile: & féparé de la bonté & des lumieres, le courage fe porte vers des objets deftructifs de la fociété, d'où réfulte la néceffité abfolue de leur union.

Les autres qualités estimables fe rapportent & dérivent de ces trois principales: comme de la BONTÉ: la compaffion, qui s'attendrit fur les fouffrances d'autrui; la charité, qui fecourt leurs befoins; la probité ou la justice, qui refpecte leurs droits; la reconnoiffance, qui s'émeut au fouvenir d'un bienfait; l'amitié, qui fait de l'intérêt des autres le fien propre; la politeffe, qui s'attache à plaire, & en général les vertus fociales, qui répandent leurs douceurs fur tous nos alentours.

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Le SAVOIR produit la prudence, qui choifit avec fageffe, prévoit les obftacles & fait les éviter l'indulgence, qui envisage les fautes comme des malheurs, les plaint & les par donne; la magnanimité, qui ne tend qu'au vrai mérite; la connoiffance de Phomme, qui dégage des préjugés; la modération, qui prévient l'excès & diminue les befoins; la fimplicité, image de la vérité; la noblesse d'ame, qui préfere

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l'honneur à l'intérêt; la tolérance oppofée à la fuperftition, & l'obéiffance au pouvoir légitime fondé fur la néceffité des loix.

Du COURAGE ÉCLAIRÉ naît l'empire fur les paffions; la bonne foi, qui dédaigne l'artifice; le défintéreffement, oppofé à la baffeffe; la franchife, qui ne craint point de dire les vérités utiles; l'activité, multipliant les fruits du travail; ·la conftance, qui perfevere dans les deffeins louables; la patience, fupportant ce qu'elle ne peut empêcher; l'intrépidité, toujours tranquille au milieu des dangers; le patriotisme, qui ne refpire que bien public, & l'héroisme, qui s'y facrifie.

On trouve fréquemment des cœurs honnetes on en trouve rarement d'honnetes & éclairés; mais lorsqu'on trouve réunis bonté, favoir, courage, il faut prefque crier au miracle. Jeune homme! dont le fang bouillonne du feu de la gloire, voilà ton but: un triple laurier t'y attend.

"

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