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Que moins

rateurs d'imiter que fes vertus. fauvages, moins aufteres, nous apprenions à fourire aux injuftices de nos femblables, à les parer, s'il fe peut, ou du moins a en recevoir avec une courrageufe douceur, l'atteinte inévitable, & fur- tout ne donnons pas dans l'abfurdité de prétendre, que le commun des hommes puiffent être raifonnables; mais que cela ne nous empêche point de fuivre ce beau mot d'un anonyme: S'ils ne méritent pas que je leur faffe du bien, il eft digne de moi de leur en faire.

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DE LA MODESTIE.

Pourquoi étaler fi faftueusement nos avanta

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ges? Si c'eft pour plaite, le moyen eft faux? Couvrons-les du voile de la modeftie, ils perceront également, & une lumiere plus douce leur prêtera un coloris plus délicat. Nos femmes, qui calculent le mieux l'effet de leurs charmes, ne les découvrent pas en entier: elles laiffent entrevoir la partie la plus féduifante, relevent la blancheur de l'autre par une gafe légere, ne font que deffiner les contours du refte, & foutiennent le tout par les artifices de toilette. Cela paffe pour pudeur, & n'eft qu'une coquetterie raffinée. Comme avec un peu d'art, des appas flétris peuvent offrir l'image de la fraîcheur, l'énorme devenir mignon, le trop petit apparent, & le plat s'arrondir; de même, dans le moral, un amourpropre bien entendu, donne un nouveau luftre aux qualités qu'il poffede, fupplée à celles qui lui manquent, & ne laiffant entrevoir qu'une

partie de fes talens, en fait fuppofer d'avan

tage..

L'opinion de nous-même dépend beaucoup de l'efpece d'hommes avec lefquels nous vivons, ou que nous cherchons d'égaler. Le grand génie peut être modefte, parce qu'il fe compare à de plus grands. Le petit efprit peut être très-vain, parce qu'il fe compare à de plus petits; & lors même que ce dernier eft forcé de reconnoître chez d'autres la fupériorité du génie, du favoir ou du courage, il leur refuse du moins celle du jugement. Comme les perfonnes les plus intelligentes font ordinairement les plus paffionnées, & par conféquent les plus expofées à de petits accès de fougue ou de négligence minutieufe, ce n'eft que d'après ces momens d'yvreffe, ou ces omiffions de détails, que l'homme, froidement borné, décide fur fes momens les plus difcrets, les plus exacts, & forme la balance de fon propre mérite. Nombre de gens répetent fans ceffe, fans s'en appercevoir, la conclufion fuivante. Tel ne penfe ni n'agit comme moi, donc il penfe mal, & agit mal.

Il est une pofition, où une personne naturellement affez modefte, peut acquérir un

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extérieur de préfomption fans en avoir la réalité; c'eft lors qu'elle eft entourée de gens,. qui, ne fachant ou ne voulant pas l'apprécier lui refusent le degré d'eftime qui lui eft légitimement dû. Elle s'éleve alors autant au-deffus que les autres la mettent au-deffous, & ne retourne à la modeftie, que lorsque quelque circonftance imprévue, ou quelques preuves décidées, forcent les autres à lui rendre plus de justice.

Une obfervation facile peut contribuer à .garantir de l'excès de l'amour-propre. Il n'y a qu'à examiner nos connoiffances les plus intimes, nous verrons que le jugement qu'elles portent fur elles-mêmes, eft fort au-deffus de leur prix réel. N'eft-il donc pas plus que probable, que nous donnons dans la même erreur? Que cette réflexion humiliante ne rende pas timide; mais qu'elle augmente l'ardeur à fonder fa propre estime fur la bafe du vrai mé rite.

DE

DE LA FRANCHISE.

Cette antique vertu, fi révérée par les preux

Chevaliers, & le caractere diftinctif de nos ancêtres, provient du fentiment intérieur d'une ame honnête, qui ne craint pas de fe dévoiler, & d'une ame forte, qui redoute peu l'opinion, lorsqu'elle eft fûre de fa propre intégrité. Mais notre vigueur eft fi affoiblie, notre ambition fi effrénée, notre civilité fi pédantesque, nos artifices fi fréquents, nos goûts fi affervis à l'ufage, & la mode fi défpotique, que la nature eft étouffée fous l'art, & que la candeur, ce précieux caractere d'une ame fouverainement vraie, n'eft plus qu'une qualité dangereuse pour le propriétaire, ou même un ridicule. Nous fubftituons de plus en plus l'artificiel au fimple, le joué au fincere, & les grâces factices à celles de l'ingénuïté.

Il eft peu de fpectacle plus fingulier que celui qui s'offre à l'obfervateur exercé, qui, connoiffant l'homme, en pénetre le mafque, & Tome I. T

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