De complete eft la premiere qualité requise. tėte. Il y a des qualités dignes d'éloges, qui, par leur effence mème, femblent en exclure d'autres, & qu'il faut cependant s'efforcer de réunir. La complaifance eft du nombre. La douceur, l'empreffement, la flatterie, & les grâces qui l'accompagnent, font moins le partage de la force que de la foibleffe; moins celui des nations les plus courageufes que des plus timides; moins celui du fexe dominant que du fexe fubordonné. Mais lorsqu'un caractere male parvient à foumettre fa propre roideur, fa complaifance prend, à la longue, un extérieur de dignité, & un certain agrément, dont aucune autre n'approche. Un obfervateur habile peut quelquefois, dans des momens décififs, confulter les manieres de ceux qui l'environment. Il y a beaucoup d'ames foibles & rampantes, qui ne reçoivent le mouvement que par l'impulfion des autres, & dont la politeffe eft toujours en rapports exacts avec votre crédit: leur ton plus ou moins doucereux, leurs révérences plus ou moins profondes, peuvent fervir de Thermomètre à la faveur des Grands, ou à celle du public; parce qu'elles hauffent ou baiffent en raison du degré de chaleur des éloges ou du blâme. C'eft en prodiguant la complaifance fur les bagatelles qu'on acquiert le droit de fe refufer aux objets effentiels lorfque la probité l'ordonne. On a fans ceffe l'occafion de déférer aux vues & aux volontés des perfonnes auxquelles il nous importe de plaire, & l'on ne peut trop s'exercer à l'acquifition d'une qualité auffi aimable qu'utile; c'eft, dit un Auteur anglois, "le plus compofé, le plus indirect & le plus élégant de tous les complimens. Mais en leur facrifiant nos goûts, nous devons refpecter nos - devoirs. La dévife de la complaifance doit être fur les petites chofes, tout ce quil vous plaîra; & fur les grandes, tout ce que la raison permet. دو وو DE L'INDULGENCE. L'indulgence eft la disposition à supporter les foibleffes d'autrui & à les pardonner. Cette vertu eft de l'ordre le plus relevé : c'est un des traits les plus caractéristiques d'une ame honnête, fecondée par une raifon fupérieure, qui, pénétrant le cœur humain dans fes plus fecrets replis, & le monde moral dans fa marche la plus obfcure, découvre que les vices font plus fouvent l'effet de l'ignorance ou des malheurs, que celui d'une méchanceté volontaire, & que' ces mêmes imperfections peuvent être des ref forts néceffaires, qui mettent en branle cette machine compliquée, & maintiennent le mouvement & l'équilibre entre la multitude de fes parties. Un mal-honnête homme n'eft qu'un efprit faux, qui fe méprend fur fes vrais intérêts, faifit l'ombre pour la réalité & la partie pour le tout. C'eft une ame foible, qui, n'ayant pas la force de s'élever aux grandes vues, modele 1 les fiennes fur les erreurs de la populace, & qui, après en avoir adopté les principes, en fait des applications tout auffi peu conféquentes.- C'est une dupe, qui, pour quelques inftants de jouïffances incertaines, lors même que fa foi lui perfuade des peines & des récompenfes futures, préfere d'hafarder des milliards de fiecles de bonheur, pour courir après quelque chimere. C'est un imbécille enfin, qui, pouvant tendre vers la perfection, & ayant l'immensité devant lui, borne fes projets à quelques inftants de durée précaire, fa capacité à des talens fubalternes, & fon ambition à des bagatelles, que l'importance & l'art qu'il met dans leurs pour. fuites ne rendent que plus ridicules encore. --On pouroit répéter bien fouvent. O Dieu! pardonnes-leur, car ils ne favent ce qu'ils font. Mais nul n'eft volontiers victime de fon propre choix, & quel qu'en foit l'iniquité, il mérite toujours plus de compaffion que de haine. Cette maniere de voir eft des plus importantes au bonheur. En ceffant de fe plaindre on devient plus tranquille; l'aigreur ajoute à nos maux fans nous venger de ceux qui les causent. Pour apprendre à fupporter nos femblables, il est néceffaire de ne pas fe former une trop haute opinion du général. - Voulez-vous vous affurer de la petiteffe de l'efpece, choififfez, entre tous les mortels, celui que vous croyez le plus digne d'eftime; fuivez-le dans les détails de fa vie privée: combien de caprices, de foibleffes, de vanités & de contrastes, ne découvrirez-vous pas ! quelle dépendance de fes paffions & de celles d'autrui; que d'inquiétudes fur les minuties, & d'infouciance fur les objets principaux! Vous le verrez fublime par moment, stupide par journée, & coupable par faifon. L'étude de la fageffe reffemble au travail du Syfiphe de la fable, qui, condamné à rouler une pierre énorme fur la cime d'une haute montagne, la voit fans ceffe retomber fous fon propre poids, & l'entraînant dans fa chûte l'oblige à recommencer de nouveau. - Un apprentif Philofophe difoit quelquefois: Il y a dix ans que je me leve chaque matin avec le projet d'être un fage, & me couche chaque foir avec le regret de n'avoir été qu'un fot. Nos fautes font fouvent celles du fort. Tel fcélérat, qui eft l'opprobre de fa famille, & l'horreur de fa patrie, fi les circonftances l'euffent un peu plus favorifé, fùt devenu l'honneur de la premiere, le foutien de la feconde, & eût |