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DES FEMMES.

H! vous qui répandites tant de fleurs & d'épines fur ma vie! Vous pour lesquelles feules je parus refpirer, & fans lefquelles je refuferois encore l'existence! Vous qui futes la fource de mes écarts & celle de mes vertus! Vous à qui je facrifiai fi fouvent ma fortune, ma paix, ma réputation, & plus malheureusement encore mes devoirs! ... char mantes femmes, frivoles femmes!... objets chers & dangereux, aurai - je la force de vous peindre telles que vous êtes? Aurai - je celle de vous parler vrai après vous avoir trompées fi fouvent? Il en coutera à mon cœur; mais je l'immole à la vérité.

Un jeune homme qui entre dans le monde, ne peut apprécier les femmes affez-tôt, s'il veut conferver fa force & fon jugement. Elles en font l'écueil le plus commun; & un excès de déférence pour elles, le change lui-même en femmelette hors d'état d'agir & de penfer. — Qu'il fe perfuade d'abord qu'il y a plus de différence entre le moral des deux fexes qu'il n'y en a

entre le corporel: l'extérieur du dernier en est en partie l'image. Leur ame, comme leur figure, eft plus petite que la nôtre, plus journaliere & plus fragile dans fa beauté; moins vigoureuse dans fes efforts, moins déterminée dans fes mouvemens, moins ftable dans fes impulfions; mais plus délicate, plus vive, plus légere, plus gracieufe: généralité, qui, dans fon total, admet cependant de nombreuses exceptions. Que celles qui fe diftinguent du vulgaire, ne fe manquent pas à elles-mêmes, en s'attribuant ici ce qui ne peut les concerner. Elles ne doivent pas s'en offenfer d'avantage que je n'ai cru m'injurier, en accufant le commun des hommes dans le chapitre précédent.

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Le commerce des femmes, égaié d'un amour honnête, eft la meilleure école de politeffe, de plaifirs & mème de fentiment: il adoucit le caractere, développe la fenfibilité, donne cette fleur d'efprit, cette délicateffe de tact & de procédés, qui ajoute tant de prix aux qualités plus folides. Mais ce même commerce rend foible, léger, faux, minutieux, efclave du ridicule & de la mode. Qui leur confacre uniquement fes foins, devient un fpirituel imbécile, profondément inftruit fur des riens, & honteufement borné fur les chofes les plus effen

tielles; faisant tout par obftentation, & difant. avec grace de lourdes inepties. Il vient un âge où il fent fa foibleffe; mais trop tard pour en changer le cours : il fe voit condamné à languir le refte de fes jours, méprifable à leurs à charge à lui même, & inutile aux

yeux,

autres.

Toutes chofes égales d'ailleurs, la fociété des hommes a un avantage décidé par fon indépendance des ufages factices, & des entraves d'une prétendue bienféance; elle a auffi celui de la communauté d'intérêt fur divers objets auxquels les femmes ne prennent aucune part autant par goût que par pofition, joint à nombre d'autres, que la pudeur ou la modeftie leur défend de traiter. On eft pour l'ordinaire avec elles entre la feinte, la gêne & l'ignorance; ou entre les contradictions du préjugé, de l'art & de la nature. Elles fentent elles-mêmes cette infériorité, & il eft peu de femmes de mérite, qui, abstraction faite de la différence du fexe, ne préfere le commerce du nôtre au fien.

Un homme raisonnable devroit peut-être, par prudence, ne les confidérer que comme d'aimables enfans, avec lefquels il faut rire, bavarder, coquetter & fe diftraire de foins plus

gravés. Jufqu'au genoux de fon amante il doit conferver fa dignité, & jufques dans fa fou miffion faire entrevoir un maître. Mais s'il ne doit pas les prendre pour guides, rien ne peut le difpenfer d'un refpect mêlé d'indulgence, d'égards polis, & des attentions les plus délicates pour un bonheur dont nous fommes dé pofitaires. C'est le caractere du galant homme.

Elles ont en général plus d'agrémens, moins de vertus; plus d'efprit, moins de raifon; plus de défauts, moins de vices, & leurs vices mêmes portent l'empreinte de leur foibleffe. C'eft elle qui produit ces petites haines, ces petites rivalités, ces tracafferies fans fin, ces caprices fans motif, cette curiofité indifcrete, le peu d'exactitude dans leurs récits, le minutieux des détails qui les concernent, & plus encore celui de leur critique & de leur médifance, qui s'attachent plus à la figure qu'à l'efprit, au génie qu'au fentiment, aux foibleffes qu'aux crimes & aux mots qu'aux choses. Il eft commun de les voir en contrafte avec elles-mêmes. Elles font avares fans économie, prudes fans chafteté, dévotes fans bienfaifance & religieufes fans réAlexion. Eloignées des grandes affaires, elles affectent de les méprifer, & traitent chaque ba

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gatelle avec importance. Leur empire eft en partie fondé comme celui des Defpotes & des faux Prêtres, qui ne regnent qu'en altérant les lumieres & affoupiffant l'énergie.

Parlez d'une coeffe, elles s'animent: traitez du falut de l'Etat, elles tombent en langueur. Cette legéreté & cette vanité, qui leur font propres, est un dédommagement que la nature leur accorde: elle leur tient lieu de philofophie, en ce qu'elle rend leurs peines moins conftantes, leurs plaifirs plus faciles, & les étourdit fur cette dépendance de l'autorité & des caprices d'un être auffi imparfait que leur chef. - Jufques à leur douleur differe de la nôtre. La leur tient plus de l'attendriffement; la nôtre de l'indignation leur timidité fléchit fous les maux; notre orgueil fe révolte contr'eux: elles fe confolent par la plainte ; & pendant qu'un chagrin concentré nous mine, le leur fe répand en larmes foulageantes.

Il est des vérités d'un certain ordre, pour lefquelles elles femblent manquer prefqu'abfolument du fens moral qui les faifit. Contentes de juger les effets, elles remontent rarement aux caufes. Sur tant de milliers de petites maitresses, qui ne ceffent de fe regarder au miroir, il n'en

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