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fer l'air d'une falle de bal, & à en extraire di verfes particules putrides, dont il fuppofe les unes fiévreufes, fcrophuleufes, fcorbutiques, afmatiques, vêr... &c.

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Commence-t-on à fentir quelque mal-être intérieur, qu'on prenne du mouvement dans un air pur, beaucoup de boiffons non fermentées, & très-peu de nourriture folide: c'eft le grand fecret de la médecine. Mais rien ne contribue autant à raffraichir le fang & maintenir l'harmonie dans toutes les parties, que l'empire fur nos paffions, & cette férénité inté rieure, compagne ordinaire des vertus.

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La confervation de notre fanté eft fans doute des plus effentielles: mais tout excès eft a vice. On peut lui facrifier quelques plaifirs, jamais un devoir; & en faire l'objet principal de fes foins, c'est lâcheté, non prudence.

Enfin, il n'eft pas jusqu'aux maladies/dont un fage ne puiffe tirer de l'utilité. C'est l'oc cafion de déployer fa force, en combattant la douleur. C'eft auffi celle de fe convaincre des vanités humaines, & de la néceffité de fe ménager les plus vraies confolations. Un mort ou un mourant font fouvent très-bonne com. pagnie: & un cimetiere une excellente école

d'obfer

d'observations, où l'on peut apprendre à s'étudier foi-même, modérer fon ambition, & pardonner à fes ennemis, qui bientôt n'exifteront plus. - Encore quelques momens & tous les hommes ne feront que pourriture & pouffiere: effroyable idée pour l'injufte oppreffeur; mais douce & confolante image pour le vertueux opprimé! Quoi! pour l'inftant que nous avons à vivre, vaudroit-il la peine de s'avilir?

DE LA

PRUDENCE.

C'EST proprement l'art de parvenir à fon but.

Elle n'eft en elle-même ni vice ni vertu: cela dépend des objets qu'elle fe propose. Un Tyran ou un Chef de voleurs, peuvent être confommés en prudence, & malheureusement elle eft plus fouvent le partage des ames foibles & baffes que des fortes & vertueufes. Ces dernieres ont de la peine à fe prêter à la diffimulation, aux déguisemens, aux artifices mèmes qu'elle exige, & qui font cependant un des boucliers de la vie.

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On a comparé l'homme à grands talens, mais dénué de prudence, au Polipheme de la fable, qui, robuste mais aveugle, ne peut, faute de voir, faire ufage de fa force. Ses grandes écoles font l'histoire, l'expérience, & une étude réfléchie de l'homme. -On devroit auffi exercer cette fcience fur de petits objets. C'est en tombant que l'enfant s'inftruit à marcher, & en tirant au mur qu'on fe prépare à faire assaut. Il eft en outre amufant de fpéculer fur de petits projets, qui intéreffent fans agiter, qu'on fuit avec combinaison, & où l'on apprend à fuppléer par l'art aux contrariétés de la fortune. C'est le genre de plaifir que nous goûtons au jeu en général : & ces effais fubalternes peuvent devenir le Piquet ou le Cadrille des efprits politiques.

Il eft peu de projets ou de réfolutions qu'on ne puiffe foumettre à l'exactitude d'un calcul arithmétique, feule méthode d'apprécier avec jufteffe il fuffit d'eftimer en valeur pécuniaire le mal qu'on craint, le bien qu'on defire, en comparer les proportions comme celle des degrés de probabilités du pour & du contre.

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Chaque homme, dans la même pofition dif férera probablement dans la maniere d'évaluer

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les mêmes objets: mais le calcul n'en eft pas
moins jufte, parce que la plupart des biens &
des maux, n'étant que de fentiment ou d'opi-
nion, ils ne font en effet que ce qu'ils nous
paroiffent être, & que leur proportion est dé-
terminée par les douleurs ou les plaifirs qu'ils
nous caufent.
L'un pofera fa vie pour zero;
l'autre mettra le feul danger de la perdre à l'in-
fini le premier dira, elle eft indifférente en
elle-même, c'est ce qui l'accompagne qui lui
donne le prix: le fecond la confidérera comme
le premier des biens, celui fans lequel on ne
peut jouir des autres, & il ne voudra point
hafarder le tout contre la partie.

La prudence qui touche à la timidité, eft fouvent une entrave aux reffources qu'on a dans foi-même ou dans fa pofition: elle ne pofe un pied que lorsque l'autre eft affuré; elle marche lorfqu'il faut courir, & ne hafarde point ces fauts périlleux, qui peuvent embourber, maist fans lefquels on ne franchit jamais les obstacles: elle ne rifque pas affez; & ce n'eft que les gros jeux qui donnent de gros gains.

Plus on eft courageux & moins il eft néceffaire d'être prudent; parce que ce qui feroit d'affreux malheurs pour d'autres, ceffe d'en

être pour vous. L'ame foible ou méchante étend ce mot jufqu'à la baffeffe, la perfidie, la lâcheté l'une, toujours tremblante pour fa fûreté, s'étonne fur tout ce qui n'eft pas ordinaire, & blame tout moyen vigoureux : l'autre n'ayant aucune idée des grands intérêts de la Vertu, ne fe détermine que par les petits motifs de l'ambition. Gracian dit: "

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que la ,, béquille de l'attente eft plus puiffante que la maffue d'Hercule. Céfar, au contraire, mettoit fon efpoir dans l'audace & la prompti,,tude de l'action. Tous deux raifonnoient bien relativement à leurs facultés, & à leurs pofitions: l'un étoit vieux, l'autre jeune; l'un étoit Jéfuite, l'autre un Héros.

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Une conduite trop circonfpecte n'eft qu'une qualité équivoque dans la jeuneffe: un peu d'effervefcence & de témérité ne la dépare pas, les années les changeront en courage réfléchi; au lieu qu'il eft probable que celui, qui, à vingt ans, agit avec la prudence du vieillard, fera à quarante, un homme fin, dur & timide.

Les Regles les plus effentielles aux fuccès des affaires fe réduifent à peu-près aux fui

vantes :

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