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où un certain fafte eft un devoir; mais il eft difficile d'en déterminer le tems & les bornes; le mot de luxe étant par lui-même d'une nature vague, & néceffairement lié à une foule de circonftances personnelles & publiques.

Le plaifir eft auffi dans la premiere claffe du néceffaire. Une trop grande auftérité, ou une application trop foutenue, est presque auffi nui. fible que l'excès contraire: elle déffeche, altere la fanté, rend ftupide & dur: au lieu que des amusemens modérés remontent l'imagination, adouciffent le caractere, & le difpofent aux fentimens de bienfaifance. L'efprit & le corps y puifent de nouvelles forces pour des travaux utiles. Tout plaifir qui ne nuit à perfonne, femble devoir être innocent, & celui qui ne nuit qu'à nous-mêmes, ne peut être que foibleffe,

non crime.

On doit fans doute donner la préférence aux jouiffances internes & morales; mais fans ex. elure les corporelles & extérieures. L'homme étant compofé d'ame & de corps, le bonheur ni la vertu ne confiftent pas uniquement dans ce qui fe rapporte à l'un; mais dans l'accord des befoins des deux, & l'équilibre de leurs mouvemens. La nature en a fixé elle-même le de

gré, en puniffant celui qui s'en éloigne ou qui le dépaffe. C'eft mépriser ses bienfaits, que de fe refufer aux plaifirs innocens qu'elle offre : c'eft infulter à fes loix, que de réprimer trop févérement les penchants qu'elle infpire. Mais ces defirs, ces befoins, s'étendent également fur le moral, comme fur le physique, & l'utile & l'honnête, ne font pas moins de leur reffort, que l'agréable & le fenfuel. Le plaifir s'avilit fi le fentiment ne l'accompagne pas, & féparée de la délicateffe, la volupté perd fes charmes les plus touchans.

Du travail le matin, des récréations le foir, un exercice fréquent, une vie campagnarde en été, sociale en hiver, & fur-tout la tranquil lité de l'innocence, & la modération des fou haits: tout celà prolonge la jeuneffe, égaie l'ef prit, fortifie la raison, & maintient l'harmonie dans toutes nos facultés.

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On l'a dit fouvent, & on ne peut trop le répéter, l'intempérance eft deftructrice de la fanté, de la réputation, de la fortune, de la force d'ame, & de la volupté même. L'hom me trop livré à la fenfualité & à la diffipation, eft incapable de ce travail foutenu, & de cet enchaînement de conféquences, fans lesquelles

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il est rare qu'on s'éleve au-deffus de la médio. crité. Où finit le befoin, là commence le regret, & qui ne fait quelquefois fe refufer aux plaifirs, les verra bientôt fe refufer à lui. En rendant fes jouiffances moins fréquentes, on regagne en intenfité, ce que l'on perd en nombre. Les femmes devroient, pour leur bonheur, être plus attachées à cette maxime, & fe bien perfuader, qu'elles n'accordent jamais long-tems ce qu'elles accordent trop fouvent, & que la fatiété eft la plus grande ennemie de l'amour.

La fobriété dans les alimens, confidérée fous un point de vue général, eft une branche d'économie & d'éducation nationale, particuliérement dans les pays, où la population eft proportionelle, au rapport des terres, ou plus encore lorsqu'elle eft excédente: ce que chacun retranche en consommation perfonnelle, eft en partie ajouté à la maffe d'abondance publique. Il y a des Peuples, qui fe ruinent à force de manger, & plus encore de boire, & ce qui en double le honteux, c'eft qu'ils s'en glorifient & qu'ils jettent un oeil de pitié fur leurs voi funs, parce qu'ils font moins gloutons.

La fimplicité eft auffi un des caracteres di

autres.

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ftinctifs de la Modération. On devroit, par efprit d'indépendance, apprendre à fe paffer des autres, & fe fervir foi-même pour les chofes les plus habituelles. On devroit auffi fe défaire d'une certaine pédanterie orgueilleufe, qu'on décore fouvent du beau titre de dignité, avoir le courage de fe rapprocher des rangs inférieurs, & fe perfuader, qu'il n'eft jamais honteux d'être utile à foi, moins encore aux Voici quelques exemples de fim plicité intéreffante, qui paroitront minutieux à qui n'aura pas de quoi les fentir. Un des premiers Magiftrats de notre République achette quelquefois lui-même pour un fol de tabac, fans avoir l'air de faire quelque chofe de fingulier. Le Maréchal de Saxe tira un jour la botte' d'un Sergent bleffé. Un Prince de la Maifon d'Autriche. fe promenant feul, rencon tra un enfant qui pleuroit au bord d'um foffé, où fon bonnet étoit tombé: il y defcendit, & le lui rapporta. Un autre Prince rencontrant une barriere , que le vent avoit jetée fur le chemin ou fa fuite l'auroit brifée, s'efforçoit de la relever: un Courtifan furvenu s'écrie Mais, de grace, que fait Votre Alteffe. J'épar gne, répondit-il, trois jours de travail à un de

mes fujets. ouverte, fut croifé par un charretier, qui, par mégarde, lui donna un grand coup de fouet à travers le vifage: le Héros, fans s'émouvoir, fans fe plaindre, continua froidement fon difC'eft à ces riens, en apparence,

Henri IV. étant dans une voiture

cours.

que le Philofophe reconnoît fouvent le grand homme, dont tôt ou tard, une noble fimplicité devient un des caracteres distinctifs. Quant aux grands airs de théatre, il faut les laiffer aux fats: & malheureufement il en eft de tout âge.

DE LA SANTÉ.

C'eft en raison de l'influence fur le bonheur & fur la vertu même, que l'art de conferver fes forces corporelles, peut être confidéré à quelques égards, comme une branche de la Philofophie. Sans la fanté, que font les autres biens, qu'un regret de n'en pouvoir jouir? Et infenfés que nous fommes, nous la prodiguons comme fi elle étoit inaltérable! La jeuneffe eft l'âge où il importe le plus de l'affermir, & c'eft

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