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vains font peu d'accord. Orgueil, Vanité, Préfomption, Amour-propre, Fierté, Hauteur Dédain, Froideur, font des affections affez diftinctes, & que l'on confond fans ceffe. Le premier pas vers la raifon, devroit être de favoir parler; mais cela eft plus rare & moins facile qu'on ne penfe.

Si l'orgueil eft une fuite néceffaire d'une trop haute opinion de foi-même, il n'est peutêtre perfonne qui n'en foit coupable, malgré tout l'art de le cacher. Chacun eft à fes propres yeux un être fort important; & quoique le monde fourmille de fots, il n'eft pas d'homme fur la terre qui fe range fous cette claffe. L'avantageux dans fes difcours, ne differe pour l'ordinaire du modefte, qu'en ce qu'il dit ce que le fecond pense.

Il eft une forte d'orgueil ou de fierté, qu'on défigne fous l'épithete de noble, qui eft une vertu réelle. L'homme fier veut mériter fa propre approbation; l'homme vain, celle des autres l'un veut que fes actions paroiffent louables; l'autre qu'elles le foient en effet l'un garde fa dignité dans les grandes chofes; l'autre veut fe diftinguer par de petites; mais elles peuvent avoir l'apparence de grandeur, & n'en

être pas moins pitoyables: c'eft le genre qui

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en décide, non le prix de l'objet. La vanité de Margot, qui fe rengorge le dimanche, parce qu'elle a des fabots neufs, ou celle de la Ducheffe, qui fe pavane dans un équipage & une parure brillante, font précisément la même vanité que fon motif coûte fix fols ou cent mille écus, cela n'en diminue point le ridicule, ni n'altere le fond du fentiment.

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L'Amour - propre eft au rang des caracteres qu'il faut plûtot diriger que détruire.

Otez à de certaines perfonnes leurs défauts, & vous étoufferez le germe de leurs vertus. On ne réfléchit pas, qu'il faut néceffairement que les plus grands hommes en tout genre aient eu beaucoup de préfomption. Sans la confiance qu'elle infpire, on n'eût rien perfectionné: la Nation la plus modefte, la Chinoife, eft une des plus timides & des moins inventives. Depuis plufieurs fiecles elle a plus perdu de fes découvertes, qu'elle ne les a augmentées.

Celui qui rectifie, fuppofe néceffairement, qu'il eft capable d'ajouter à tout ce que fes prédéceffeurs ont vû de mieux: fans cet efpoir il fe borneroit à les fuivre machinalement. Si quelques-uns de nos ancêtres n'avoient pas cru

qu'il étoit poffible qu'ils penfaffent mieux que leurs Prêtres & le Public, nous ferions encore dans l'idolâtrie & l'ignorance. -On avoit longtems avant notre fiecle fouvent répété, qu'on ne pouvoit plus rien dire de neuf. Si Montef quieu, Rouffeau & divers autres, avoient voulu le croire, nous n'aurions pas leurs chefs-d'œu vres ; & fi nos defcendans le perfuadent qu'on ne peut aller plus loin que nous, on ne corrigera jamais nos erreurs. De même, fi le jeune Scipion n'avoit ôfé fe comparer avec l'expérimenté Han. nibal, il ne l'auroit pas vaincu. Et ainfi, dans la plupart des genres, il ne s'obtient de grands fuccès que par des êtres très-préfomptueux fur leur propre capacité. Il eft une honnête confiance dans fes forces, qui convient à l'homme, & plus particuliérement à l'adolefcent: fans elle il ne dépaffe jamais la médiocrité : & peut-être devroit-il fe perfuader, que tout ce que d'autres ont fait, il doit pouvoir le faire. On peut appliquer aux talens la maxime de Machiavel en politique, qui dit: qu'on doit imiter l'Arquebufier, qui vife plus haut qu'il ne veut frapper.

Relativement au public, l'amour-propre, lorf qu'il est déplacé, n'est qu'un ridicule, & lorf

que l'intelligence l'accompagne, il peut devenir la fource des vertus les plus éminentes; mais relativement à l'influence perfonnelle, c'est un des premiers poifons de la vie. Celui dont les prétentions font toujours au-deffus de fa fortune, de fa capacité, & des égards que les autres lui doivent, fe tourmente dans le dégoût, l'inquiétude & les plaintes. Il eft moins fenfible au bonheur & aux bons procédés, parce qu'il les croit toujours au-deffous de fon mérite. Il est plus affecté des revers & des contradictions, parce qu'il double l'idée de l'injustice; aulieu que la modeftie tranquilife, modere, adoucit, diminue les peines, & ajoute aux plaifirs.

L'orgueil fimple eft plus un défaut qu'un vice il peut s'allier avec des qualités trèseftimables, mais il en eft peu qu'on fupporte moins patiemment, parce que chacun ayant le fien, (foit fecret foit affiché), il fe trouve bleffé de celui des autres. Quant à la hauteur, qui naît des avantages extérieurs, & qui n'eft jamais plus pofitive, que lorsqu'ils font plus équivoques, elle n'eft le partage que des petits efprits; mais celle qui fe plaît à déployer fon autorité par des manieres dures envers

fes

fes inférieurs, eft pour l'ordinaire la preuve d'une ame vile.

Voulez-vous diminuer votre orgueil? effayez vous fur de grandes choses; les obftacles que vous rencontrerez dans votre foibleffe, en abaif feront les veftiges.

en écrivant.

C'eft ce que j'éprouve

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CE vice, qui entraîne à sa fuite, la dureté,

l'égoïsme, la corruption, l'abaiffement de l'ame par la petiteffe de fes foins, & plufieurs autres défauts, eft, comme on fait, plus propre à la vieilleffe. L'or affure fon in dépendance, remplace divers defirs, fupplée au déclin des forces, & lui tient lieu des fecours qu'on lui refuferoit, parce qu'on a moins à en craindre, moins à en efpérer, & qu'elle ne peut plus autant contribuer aux douceurs de la fociété. Mais lorsque cette paffion s'empare de la jeuneffe, il n'en eft point qui rétréciffe autant le génie: elle étouffe les fenti Tome I

I

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