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l'éducation, ces dispositions à la vertu qui doivent avoir une si grande influence sur tout le reste de sa vie, de sorte que ce soient autant d'habitudes transformées, pour ainsi dire, en sa propre nature, et non pas de fausses apparences et des dehors plâtrés que la crainte lui fait revêtir, dans la seule vue de ne pas irriter un père qui pourrait le déshériter.

SECTION III.

DES CHATIMENTS qu'il faut infliger aux enfants.

§ XLIV.

S'il faut chátier les enfants.

APRÈS avoir dit en général comme il faut se conduire pour bien élever les enfants, il est à propos d'examiner présentement un peu plus en détail les moyens dont on doit se servir pour cela. J'ai parlé si fortement du soin qu'il faut prendre de tenir de court les enfants, qu'on s'imaginera peut-être par avance que je n'ai pas assez considéré les égards qu'on doit avoir pour la tendresse de leur âge, et pour la faiblesse de leur complexion, Mais ce soupçon se dissipera bientôt, si l'on fait réflexion à ce que je vais dire. Bien loin de conseiller qu'on traite durement les enfants, je suis fort porté à croire qu'en fait d'éducation, les châtiments rudes ne sauraient produire que fort peu de bien, et qu'ils causent au contraire beaucoup de mal; et

je suis persuadé qu'à tout prendre, on trouvera que les enfants qui ont été fort châtiés, deviennent rarement gens de bien. Tout ce que je dirai pour le présent sur ce sujet, c'est que, quelque sévérité qu'on soit obligé d'employer, il y faut avoir recours avec d'autant moins de peine que les enfants sont plus jeunes; et que si, après l'avoir exercée avec toutes les précautions requises, elle produit son effet, il faut la modérer, et prendre insensiblement des manières plus douces.

§ XLV.

Il faut tenir les enfants dans le respect.

Si les enfants sont accoutumés à la soumission et à l'obéissance par la conduite ferme de leurs parents, avant qu'ils puissent se ressouvenir du temps auquel on leur a imposé cette nécessité, cet état leur paraîtra naturel, et, comme s'il l'était effectivement, ils ne s'aviseront jamais de s'opposer le moins du monde à ce qu'on leur ordonnera. La seule chose à quoi il faut prendre garde, c'est de commencer de bonne heure à inspirer cette soumission aux enfants, et de ne se relâcher jamais en la moindre chose, jusqu'à ce que la crainte et le respect leur soient comme familiers, et qu'il ne pa

raisse plus dans leur soumission et dans leur obéissance aucune ombre de contrainte. Lorsqu'on leur a fait prendre cette habitude (à quoi, je le répète, il faut travailler de bonne heure; car autrement on ne saurait en venir à bout qu'avec peine et à force de coups, et toujours plus difficilement à mesure qu'on différera plus long-temps à s'y appliquer); lors, dis-je, que les enfants ont pris ces sentiments respectueux, c'est à la faveur de ce respect, tempéré toujours par une indulgence proportionnée au bon usage qu'ils en feront, et non point par des coups, des réprimandes ou d'autres châtiments serviles, qu'il faut les conduire dans la suite, à mesure qu'ils deviennent plus sensés et plus raisonnables.

§ XLVI.

Moyen de corriger l'humeur libertine des enfants.

Qu'il faille en user ainsi, c'est ce qu'on reconnaîtra sans peine, si l'on considère seulement ce qu'on a en vue, lorsqu'on veut bien élever un enfant, et à quoi tout cela se réduit.

Supposons un enfant qui n'a pas la force de se rendre maître de ses passions, et qui ne saurait résister à l'impression d'un plaisir présent,

ou endurer de la peine, quoique la raison le lui conseille. N'est-il pas visible que, dans cette situation, il n'a ni de véritables principes de vertu, ni les dispositions nécessaires pour se pousser dans le monde; et qu'il est en grand danger de n'être jamais bon à rien? Quel autre moyen de prévenir cet inconvénient, que d'exciter de bonne heure dans les enfants ces sentiments de respect et de soumission dont je viens de parler, qui sont opposés à un naturel abandonné à lui-même ? Comme c'est proprement de cette soumission respectueuse que dépendent toute l'habileté et tout le bonheur où les enfants peuvent parvenir un jour, il faut la leur inspirer le plutôt qu'on pourra, dès qu'ils commencent d'avoir quelque rayon de connaissance; et ceux à qui le soin de leur éducation a été confié, doivent mettre tout en œuvre pour les confirmer dans cette disposition.

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Danger qu'il y a d'abrutir l'esprit des enfants.

D'un autre côté, si on humilie trop les enfants, si on leur abat l'esprit en les tenant dans une trop grande soumission, ils perdent toute leur vivacité et toute leur industrie, et tombent dans un état pire que le précédent; car il arrive

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