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prévenu par la méthode que je viens d'indiquer, je ne le conjecture pas seulement, mais je l'affirme comme une chose avérée, ayant vu un enfant qui, après avoir pendant un certain temps observé exactement ce que je viens de prescrire, s'est fait une habitude d'aller régulièrement à la selle tous les matins, après avoir déjeuné.

§ XXIX.

Je ne sais s'il y aura bien des gens un peu avancés en âge qui veuillent en faire l'essai; mais je ne puis m'empêcher de dire que, considérant combien il naît d'inconvénients de ce que la nature ne se décharge pas autant qu'il serait nécessaire, je ne vois presque rien qui contribue plus à la conservation de la santé que de la satisfaire en ce point. Pourvu qu'on aille à la selle une fois dans vingt-quatre heures, cela suffit si je ne me trompe; et il n'y a personne, je pense, qui s'imagine que ce soit trop. Par le moyen que je viens de marquer, on peut en venir là sans le secours de la médecine, qui d'ordinaire n'a aucun bon remède pour guérir une constipation fixe et habituelle.

S XXX.

Avec quelles précautions il faut donner des medecines aux enfants.

C'est là tout ce que j'avais à recommander sur la manière dont on doit ménager les enfants dans le cours ordinaire de leur santé. Mais peutêtre attendra-t-on de moi, que je prescrive ici quelques règles de médecine, pour prévenir les incommodités et les maladies auxquelles ils peuvent être sujets. Tout ce que j'ai à vous dire sur cet article, se réduit à ceci, que je vous prie d'observer inviolablement, qu'il ne faut jamais médeciner les enfants par précaution, comme on parle, et pour prévenir les maux qui peuvent leur survenir. La seule pratique des petits avis que je viens de vous donner, servira plus, si je ne me trompe, à prévenir les maladies des enfants, que toutes les potions des apothicaires. Souvenez-vous d'être fort retenu sur ce dernier article, de peur qu'en voulant éloigner le mal par une médecine, vous ne l'attiriez au lieu de le prévenir. Je dis bien plus; lors même qu'un enfant a quelque petite incommodité, il ne faut pas se hâter de lui donner des remèdes, ou d'appeler le médecin, sur-tout si c'est un homme qui aime à se donner du mouvement, qui d'abord

couvre toutes les fenêtres de phioles, et remplisse de médecines l'estomac de ses malades. En ce cas-là, il est plus sûr de laisser entièrement les enfants à la conduite de la nature, que de les confier à un médecin qui ne songe qu'à les charger de remèdes, ou qui s'imagine que ces maladies ordinaires des enfants ne sauraient être guéries par la diète, ou par quelque chose d'approchant. Pour moi, je crois (et mon sentiment est confirmé par l'expérience), que les enfants, dont la complexion est si délicate, ne doivent être médecinés que le moins qu'il est possible, et dans une absolue nécessité. Un peu d'eau fraîche, mêlée avec de l'eau de fleurs de pavot rouge, qui est un remède souverain contre les indigestions, et avec cela prendre du repos, et s'abstenir de manger de la chair: cela seul coupe cours fort souvent à plusieurs indispositions, que des remèdes précipités auraient changées en de violentes maladies. Enfin, s'il arrive que le mal ne puisse être déraciné par de petits remèdes, mais qu'au contraire il augmente et dégénère en une véritable maladie, alors il sera assez temps de recourir à quelque sage et prudent médecin, pour suivre ses avis. J'espère qu'en ce point on n'aura pas de peine à s'en rapporter à moi : car sous quel prétexte pourrait-on se méfier d'un homme qui a em

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ployé une partie de sa vie à l'étude de la médecine, lorsqu'il conseille de ne pas trop s'empresser d'avoir recours à la médecine et aux médecins ?

§ XXXI.

Voilà tout ce que j'avais à dire pour ce qui regarde le soin qu'on doit prendre du corps et de la santé des enfants : ce qui se réduit à ce peu de règles très-faciles à pratiquer; savoir: de laisser aller les enfants en plein air, de leur faire prendre de l'exercice, et de les laisser bien dormir; de ne les nourrir que des viandes les plus communes, de leur défendre l'usage du vin et de toutes les liqueurs fortes; de ne leur donner que peu ou point de médecines; de ne leur pas faire des habits trop chauds ou trop étroits, et surtout de leur tenir la tête froide aussibien que les pieds, qui doivent être souvent lavés dans l'eau froide et accoutumés à l'humidité.

SECTION II.

DU SOIN QU'ON DOIT PRENDRE de l'ame des enfants.

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§ XXXII.

APRÈS avoir pris ces précautions pour conserver le corps dans sa vigueur, afin qu'il puisse être capable d'obéir à l'ame, la principale chose qui reste à faire, c'est de donner à cette ame de bonnes impressions, afin qu'en toutes rencontres elle soit disposée à ne rien faire qui ne réponde à la dignité et à l'excellence d'une créature raisonnable.

§ XXXIII.

Si ce que j'ai dit au commencement de ce discours, est véritable; savoir: que la différence qu'il y a entre les mœurs et la capacité des hommes, vient plus de la différente éducation qu'ils ont reçue que d'aucune autre chose; si cela, dis-je, est ainsi, comme j'en suis très-assuré, il en faut conclure de toute nécessité, qu'on

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