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DANS

S III.

ANS le dessein que j'ai de donner quelques avis sur l'éducation des enfants, je vais commencer par examiner ce qui regarde la santé du corps, tant parce que c'est un point dont vous pourriez attendre de moi la discussion plutôt que d'aucun autre, vu l'étude à laquelle on présume que je me suis attaché avec une particulière application (1), qu'à cause que j'aurai bientôt dé

(1) Quoique M. Locke n'eût jamais pratiqué la médecine, il en avait fait une étude particulière, et avec tant de succès, que le fameux docteur Sydenham se glorifie de l'approbation que M. Locke avait donnée à sa méthode de traiter les maladies. Il l'avait, dit-il, examinée avec la dernière précision: qui eam methodum intimiùs per omnia perspexerat. Vid. epist. dedicat. Operum ТH. SYDENHAM, p. 7 et 8. Lypsiæ, 1695.

pêché cet article, qui se réduit à peu de chose si je ne me trompe.

§ IV.

De la santé du corps.

Que la santé soit nécessaire à l'homme pour le bien de ses affaires, et pour son propre bonheur; qu'une constitution vigoureuse et endurcie au travail et à la peine soit utile à une personne qui veut faire quelque figure dans ce monde; la chose est visible, et n'a pas besoin de preuve.

S V.

En parlant ici de la șanté, mon dessein n'est pas de vous entretenir de la manière dont un médecin doit traiter un enfant malade, ou valétudinaire, mais seulement de marquer ce que les parents doivent faire sans le secours de la médecine, pour conserver et augmenter la santé de leurs enfants, ou du moins pour leur faire une constitution qui ne soit point sujette à des maladies. Et je ne sais si ce que j'ai à dire sur ce sujet ne pourrait point être renfermé dans cette courte maxime: que les gens de qualité devraient traiter leurs enfants comme les bons paysans traitent les leurs. Mais, parce que les mères pourraient trouver cela un peu trop rude,

et les pères un peu trop court, j'expliquerai ma pensée d'une manière un peu plus distincte, après avoir donné pour règle générale et assurée, qu'on gáte la constitution de la plupart des enfants par trop d'indulgence et de tendresse. Cet avis regarde sur-tout les femmes.

S VI.

Il ne faut pas donner aux enfants des habits trop pesants.

La première chose à quoi l'on doit prendre garde, c'est que les enfants ne soient point vétus ou couverts trop chaudement, en hiver ou en été. En venant au monde, nous n'avons pas le visage moins tendre qu'aucune autre partie du corps. Ce n'est que l'accoutumance qui l'endurcit, et le rend plus propre à supporter le froid. Sur quoi l'on rapporte une réponse fort juste qu'un philosophe scythe (1) fit autrefois à un Athénien. Comme ce dernier s'étonnait de le voir aller nu au milieu de la glace et de la neige : « Et vous, lui dit ce philosophe, comment pou« vez-vous souffrir que votre visage soit exposé « à l'air durant la rigueur de l'hiver? Mon vi« sage est fait à cela, dit l'Athénien. Imaginez

(1) Anacharsis.

<< vous donc, répliqua aussitôt le Scythe, que je << suis tout visage. » En effet, nos corps peuvent endurer tout ce à quoi ils sont accoutumés de bonne heure.

Je trouve un exemple bien propre à confirmer cette vérité dans une agréable relation qui vient de paraître, sous le titre de Nouveau Voyage du Levant. Quoiqu'il regarde l'excès opposé à celui dont nous parlons, je veux dire une extrême chaleur, il sert également à faire voir quelle est la force de la coutume. « Les cha«< leurs, dit l'auteur de ce voyage (1), sont plus << violentes dans l'île de Malte qu'en aucun lieu << de l'Europe: elles passent celles de Rome. C'est << un étouffement d'autant plus insupportable, «< que rarement on est rafraîchi du vent. Aussi << tous les paysans sont noirs comme des Égyptiens. Au reste, ils ne se soucient nullement du « soleil, la plus brûlante chaleur n'étant pas capable de les faire rentrer dans leur maison, <«< ni de leur faire cesser le travail; ce qui m'a << fait reconnaître que la nature se peut faire à

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bien des choses qui paraissent impossibles, << pourvu qu'on s'y habitue dès l'enfance: et <«< c'est ce que font les Maltais, qui endurcissent « le corps de leurs enfants à la chaleur, en

(1) Pages 550-675.

« les faisant aller tout nus, sans chemise, ni ca

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leçons, ni bonnet, depuis la mamelle jusqu'à l'âge de dix ans. »

Je vous conseille donc de ne pas prendre beaucoup de précaution pour mettre vos enfants à couvert du froid de notre climat. Il y a bien des gens en Angleterre qui portent en hiver (1) les mêmes habits qu'en été, sans en souffrir aucun inconvénient, ni être plus sensibles au froid que les autres hommes. Cependant si les mères veulent absolument avoir quelque égard pour le temps qu'il gèle ou qu'il neige, de crainte si leurs enfants n'étaient alors un peu plus que, vêtus qu'à l'ordinaire, ils n'en fussent incommodés, et si les pères n'osent se dispenser de la même précaution de peur d'être blâmés, qu'ils prennent garde au moins de ne pas donner à leurs enfants des habits trop chauds, et qu'ils se souviennent, entre autres choses, que, puisque la nature a pris soin de nous couvrir si bien la tête de cheveux, et de l'endurcir en un ou deux ans, qu'un enfant peut aller de jour en plein air sans avoir la tête couverte, il vaut mieux que les enfants couchent aussi la nuit sans

(1) C'est ce que faisait constamment le célèbre chevalier Newton, comme il me l'a dit lui-même quelques années

avant sa mort.

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