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SECTION XXV.

QUEL MÉTIER DEVRAIT APPRENDRE UN ENFANT

DE BONNE MAISON.

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§ CCVIII.

Un gentilhomme doit apprendre un Métier.

J'AI une autre chose à ajouter que je n'aurai pas plutôt proposée, que je dois craindre qu'on ne s'imagine que j'ai oublié le sujet de cet ouvrage, et ce que j'ai dit ci-dessus, qu'en traitant de l'éducation, je n'avais dessein de parler que de ce qui regarde la profession d'un gentilhomme, avec laquelle un métier semble être tout-à-fait incompatible; et cependant je ne saurais m'empêcher de dire que je crois qu'un gentilhomme devrait apprendre un métier, j'entends un métier mécanique qui a besoin du travail de la main; je serais même d'avis qu'il en apprît deux ou trois, mais un seul plus particulièrement.

S CCIX.

Et pourquoi.

Comme l'on doit toujours tourner l'humeur agissante des enfants vers quelque objet qui puisse leur être utile, on peut ici avoir égard à deux sortes d'utilité. .Il faut considérer, en premier lieu, si l'habileté qu'on acquiert par l'exercice, est estimable en elle-même. Cela posé, les langues et les sciences ne sont pas les seules choses dignes de l'application des hommes: l'art de peindre, de tourner, de jardiner, de tremper le fer, et de le travailler; en un mot, tous les arts utiles à la société méritent aussi qu'on s'y rende habile. On peut examiner outre cela si l'exercice, considéré purement en lui-même, n'est pas nécessaire ou utile à la santé. Il y a certaines choses dont la connaissance est si nécessaire aux enfants tandis qu'ils sont jeunes, qu'ils doivent employer une partie de leur temps à les apprendre, quoique ces occupations ne contribuent point du tout à leur santé; tel est le soin de lire et d'écrire, et toutes leurs autres études sédentaires, qui ne tendent qu'à perfectionner l'esprit, et dont on ne peut dispenser des enfants de bonne maison, dès qu'ils sont en état de s'y appliquer. Mais il y a des métiers

qu'on apprend et qu'on pratique en faisant usage des forces du corps, et qui, par cet exercice, contribuent, non-seulement à nous rendre plus adroits, mais aussi plus sains et plus vigoureux; de ce nombre sont sur-tout ceux qu'on est obligé d'exercer en plein air. C'est donc quelques-uns de ces métiers qu'on devrait choisir pour les faire servir de divertissement aux enfants qui doivent employer la meilleure partie de leur temps à l'étude. Mais dans ce choix il faut avoir égard à leur âge et à leur inclination particulière, et éviter toujours avec un grand soin de les obliger à s'y appliquer contre leur gré; car l'autorité et la force peuvent souvent produire l'aversion, mais elles ne peuvent jamais la guérir. Ainsi, quelle que soit la chose à laquelle on est forcé de s'occuper, on y renoncera dès qu'on pourra; et dans le temps même qu'on s'y appliquera, l'on en recueillera fort peu de fruit, et l'on y trouvera encore moins de plaisir.

S CCX.

Si un enfant de bonne maison doit apprendre la Peinture.

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De tous les arts la peinture serait celui qui mé plairait le plus, sans une ou deux raisons auxquelles il n'est pas aisé de répondre. Première

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ment rien n'est plus insupportable que de mal peindre; et l'on est obligé de donner trop de temps à cet art, pour y devenir médiocrement habile. Si un jeune gentilhomme a naturellement de l'inclination à la peinture, il est à craindre qu'il ne néglige toutes ses autres études plus utiles, pour s'y appliquer tout entier; et s'il n'y a point d'inclination, il faut compter pour perdus le temps, la peine et l'argent qu'il y emploiera. L'autre raison qui fait que je ne suis pas d'avis qu'un gentilhomme s'amuse à la peinture, c'est que c'est un divertissement sédentaire qui donne plus d'exercice à l'esprit qu'au corps. L'étude doit être, selon moi, l'occupation la plus sérieuse d'un gentilhomme; et lorsqu'il est obligé de quitter l'étude pour prendre un peu de repos et de rafraîchissement, il devrait faire quelque exercice corporel, qui fût propre à donner du relâche à l'esprit, à fortifier la santé, et à rendre le corps plus vigoureux. Voilà les deux raisons qui m'empêchent de mettre la peinture au nombre des divertissements d'un gentilhomme.

S CCXI.

Métiers convenables à un gentilhomme.

S'il faut, après cela, que je propose mon sentiment sur cette matière, je dirai qu'un gentil

homme qui demeure à la campagne devrait s'exercer au jardinage, et à travailler en bois, comme à la charpenterie, à la menuiserie, ou au tour; toutes occupations qui peuvent contribuer au divertissement et à la santé d'un homme qui étudie ou qui s'applique aux affaires. Comme l'esprit n'a pas la force de s'attacher toujours à un même objet, et que les personnes qui demeurent ordinairement chez elles, ou qui s'appliquent à l'étude, doivent faire quelque chose qui puisse leur divertir l'esprit, et exercer le corps en même temps, je ne connais aucun exercice qui convienne mieux à un gentilhomme de campagne, que ces deux-là, dont l'un peut l'occu per lorsque la saison ne lui permet pas de s'attacher à l'autre; outre que, s'il entend bien le jardinage, il pourra conduire son jardinier, et lui donner de bons avis; et, en s'exerçant à travailler en bois, il pourra inventer et faire plusieurs choses agréables et utiles tout ensemble. Je ne propose pas cette dernière considération comme la fin principale qu'il doit se prescrire dans son travail, mais comme un motif propre à l'y engager; car ce que j'ai sur-tout en vue dans cette affaire, c'est de le divertir de ses autres occupations plus sérieuses, par le moyen de quelque exercice corporel, qui soit utile en lui-même, et avantageux à sa santé.

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