considérer les choses dans leur état le plus simple, en passant de ce qu'il connaît à ce qui vient immédiatement après, et qui est lié à ce qu'il voit déja, en avançant toujours vers le but où il a dessein de parvenir par un examen suivi de toutes les parties les moins composées dans lesquelles le sujet peut être divisé. Pour cet effet, un précepteur rendra un grand service à son disciple, s'il l'accoutume à bien distinguer, je veux dire à se former des idées distinctes de toutes les choses où l'esprit peut découvrir quelque différence réelle, et en même temps à éviter avec autant de soin des distinctions purement verbales, par-tout où il n'a point d'idées qui soient clairement et réellement distinctes.

SECTION XXIV.

DES EXERCICES D'UN JEUne gentilhomme.

§ CCIII.

Quels sont les Exercices que doit apprendre un jeune gentilhomme.

OUTRE ce qu'on peut apprendre par le moyen de l'étude et des livres, il y a d'autres choses nécessaires à un gentilhomme, qui s'apprennent par l'exercice, et auxquelles il faut qu'il donne quelque partie de son temps, suivant les directions des maîtres qu'il doit avoir pour cela.

La Danse.

Comme la danse répand sur tous les mouvements du corps un certain agrément qui ne se perd jamais, et qu'elle donne sur-tout un air mâle, et une heureuse confiance qui sied trèsbien aux jeunes enfants, je crois qu'on ne saurait leur enseigner trop tôt à danser, lorsqu'une

fois leur âge et leurs forces peuvent le permettre. Mais n'oubliez pas d'avoir un bon maître qui se connaisse aux véritables agréments, qui sache y dresser ses écoliers et leur donner un certain air libre et dégagé qui paraisse dans toute leur démarche. Si un maître n'enseigne point cela, il vaut mieux n'en avoir point du tout; car un air purement naturel est beaucoup plus estimable que des manières ridicules et pleines d'affectation; et pour moi, je crois qu'il vaut beaucoup mieux lever le chapeau et faire la révérence comme un honnête gentilhomme de campagne, que comme un maître à danser qui est trop concerté dans ses manières: car du reste, pour ce qui est des danses particulières, je les compte pour fort peu de chose ou pour rien du tout, si ce n'est en tant qu'elles tendent à perfectionner ce bon air qui doit éclater dans toutes les actions d'une personne bien élevée.

§ CCIV.

Si un jeune homme doit apprendre la Musique.

On regarde ordinairement la musique comme ayant quelque affinité avec la danse, et plusieurs personnes font grand cas de l'adresse de bien jouer de certains instruments; mais tout cela oblige un jeune homme à consumer tant

de temps pour pouvoir seulement y devenir médiocrement habile, et l'engage souvent dans de si mauvaises compagnies, que bien des gens croient qu'il vaut mieux qu'il emploie son temps à autre chose; et pour moi, j'ai vu si rarement des gens de bon sens et attachés à leurs affaires s'aviser de louer ou d'estimer qui que ce soit pour exceller dans la musique, que, de tous les exercices qu'on enseigne à un jeune homme, je m'imagine qu'on peut mettre celui-ci au dernier rang. Notre vie est trop courte pour nous suffire à apprendre toutes choses, et notre esprit ne saurait être toujours attaché à recevoir de nouvelles connaissances. La faiblesse de notre constitution, tant à l'égard de l'esprit que du corps, nous oblige souvent à prendre du relâche; et qui veut faire un bon usage d'une certaine portion de sa vie, en doit employer une bonne partie à de simples récréations. C'est là du moins ce que vous devez accorder aux jeunes gens, si vous ne voulez avoir le déplaisir de les voir bientôt dans le tombeau, ou dans une espèce de stupidité, pour vous être trop hâtés d'en faire de vieux barbons. Je crois donc que le temps et le travail qu'on destine à des occupations sérieuses, devraient être employés aux choses les plus utiles et les plus importantes, selon la méthode la plus aisée et la plus courte qu'il est pos

sible de trouver; et en fait d'éducation, ce ne serait peut-être pas un petit secret que de pouvoir faire en sorte que les exercices du corps et de l'esprit servissent mutuellement de récréation les uns aux autres. Je suis même persuadé qu'un habile homme qui examinerait avec soin le tempérament et l'inclination de son élève, réussirait en partie dans cette entreprise; car un enfant qui est las d'étudier ou de danser, ne désire pas pour cela d'aller dormir tout aussitôt, mais de faire quelque autre chose qui puisse le divertir et lui donner du plaisir. Mais on doit toujours se ressouvenir qu'une chose qu'on ne fait pas avec plaisir, ne peut jamais servir de divertissement.

S CCV.

Si un gentilhomme doit apprendre à faire des Armes et à monter à Cheval.

On tient pour une chose si essentielle à l'éducation d'un gentilhomme de savoir faire des armes et de bien monter à cheval, qu'on s'imaginerait que j'aurais fait une grosse faute d'omission, si je négligeais d'en parler. La dernière de ces deux choses ne s'apprenant d'ordinaire que dans les grandes villes, c'est un des meilleurs exercices qu'on puisse faire pour la santé : car comme les plaisirs et le luxe dominent dans ces