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pour apprendre le latin, mais dans le dessein de s'instruire des principes et des règles de la vertu, pour la conduite de sa vie.

§ CXCI.

Le Droit civil.

Lorsqu'il aura bien digéré les offices de Cicéron, et un petit ouvrage de Puffendorf, intitulé (1) Devoirs de l'homme et du citoyen, il sera temps de lui faire lire le livre de Grotius(2), du Droit de la guerre et de la paix, ou un ouvrage qui est peut-être meilleur, savoir celui de Puffendorf (1), touchant le droit naturel et le droit

(1) De Officio hominis et civis.

(2) De Jure belli ac pacis. L'édition latine de cet ouvrage, qui a été imprimée à Amsterdam en 1720 ( et réimprimée en 1735), est la plus correcte de toutes. M. Barbeyrac, qui a revu le texte sur les meilleures éditions, et relevé dans de petites notes plusieurs méprises du savant Grotius, travaille à nous donner une traduction française du même ouvrage. C'est là que dans un ample commentaire il aura soin non-seulement de mettre dans un nouveau jour les raisonnements de ce grand homme, mais quelquefois aussi de les redresser ou de les confirmer par des preuves plus fortes et plus directes. Cette traduction a paru à Amsterdam en 1924.

(1) De Jure naturali et gentium.

des gens (1), dans lequel il pourra s'instruire des droits naturels des hommes, de l'origine et des fondements de la société, et des devoirs qui en résultent. Cette partie générale du droit et l'histoire sont des choses dont un gentilhomme ne devrait pas se contenter d'avoir une simple teinture, mais auxquelles il devrait s'attacher constamment, sans y renoncer jamais tout-à-fait. Un jeune homme vertueux et prudent, qui est bien versé dans cette partie générale du droit civil, laquelle ne regarde pas la discussion des cas particuliers, mais la conduite que les nations civilisées tiennent en général dans leurs affaires et dans leurs commerces, conduite qui est fondée sur les principes de la raison; un jeune homme, dis-je, qui, outre cela, entend bien le

(1) Si M. Locke eût vu la traduction française que M. Barbeyrac vient de faire de cet ouvrage, et qu'il a enrichie d'excellentes notes, il aurait sans doute conseillé de lire une si excellente copie préférablement à l'original; ouvrage assez imparfait, d'un style dur et inégal, plein de désordre, chargé de citations inutiles, obscur et quelquefois mal raisonné; tous défauts dont on ne voit plus aucune trace dans la belle traduction de M. Barbeyrac. A l'égard de l'abrégé de cet ouvrage, publié en latin par Puffendorf lui-même, M. Barbeyrac l'a traduit aussi en français avec tous les assortiments nécessaires. La meilleure édition de ces deux ouvrages est celle que M. Barbeyrac vient de donner en 1733 et en 1735.

latin, et sait bien écrire, peut aller par tout pays, assuré qu'il trouvera de l'emploi et sera estimé en tel endroit qu'il se trouve.

§ CXCII.

Les Lois du pays.

Il est visible après cela qu'il faut qu'un gentilhomme anglais soit instruit des lois de son pays. Cette connaissance lui est si nécessaire, quel poste qu'il occupe, que depuis la charge de juge de paix jusqu'à celle de ministre d'État, je n'en vois aucune qu'il puisse bien remplir sans cela. Je ne veux pas parler de cette partie de la loi, qui ne consiste qu'en chicanes et en vaines disputes. Un homme de bonne maison, qui doit se faire un devoir de chercher la véritable différence qu'il y a entre le juste et l'injuste, et non de recourir à des artifices pour éviter de faire ce qui est équitable, et pour commettre des injustices en toute sûreté, un tel homme doit être aussi éloigné d'étudier le droit du pays pour y apprendre à embrouiller une affaire par de lâches chicaneries, qu'il est obligé de s'y attacher avec soin pour y trouver le moyen de rendre service à sa patrie. Pour cet effet, je crois que la véritable méthode qu'un gentilhomme anglais doive observer pour étudier les lois de son

pays, lorsqu'il n'a pas résolu de prendre un emploi où cette étude lui soit absolument nécessaire, c'est d'examiner le gouvernement et les lois d'Angleterre, en lisant les anciens livres du droit commun, et quelques auteurs plus nouveaux qui ont fait une plus ample description de ce gouvernement; et après s'en être ainsi fait une véritable idée, de lire notre histoire, et de rechercher en même temps les lois particulières qui ont été faites sous le règne de chaque roi; c'est par ce moyen qu'il connaîtra la raison de nos réglements, la véritable cause de leur établissement, et l'autorité qu'ils doivent avoir.

§ CXCIII.

La Rhétorique et la Logique.

Comme la rhétorique et la logique sont des sciences qu'on a accoutumé d'enseigner aux enfants immédiatement après la grammaire, on s'étonnera peut-être que j'en aie dit si peu de chose; mais j'en use ainsi, parce que les jeunes gens ne retirent que très-peu de fruit de ces deux sciences: car je n'ai vu que fort rarement, ou, pour mieux dire, jamais, que personne ait appris à bien raisonner, ou à bien parler, en étudiant les règles par lesquelles on prétend enseigner ces deux choses. Je serais donc d'avis

qu'un jeune gentilhomme vît ces règles dans les systêmes les plus courts qu'on pourrait trouver, sans s'attacher long-temps à examiner et à étudier ces sortes de formalités. Le bon raisonnement est fondé sur tout autre chose que sur des prédicaments et des prédicables, et ne consiste pas non plus à faire des arguments en forme. Mais ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur ces spéculations (1). Pour revenir à ce qui fait le sujet de cet article, si vous desirez que votre enfant se perfectionne dans l'art de raisonner, faites-lui lire les œuvres de Chillingworth (2); si vous voulez qu'il apprenne à bien

(1) On peut voir sur cela l'Art de penser et l'Essai concernant l'entendement humain, l. IV, ch. 17, où M. Locke a traité la matière au long, et avec beaucoup d'exactitude.

(2) C'est le nom d'un savant théologien de l'église anglicane, qui, sous le règne de Charles Ier, publia en anglais une apologie de la religion protestante, où tous les véritables principes de cette religion sont défendus avec beaucoup de candeur, et avec une force et une netteté incomparables contre les objections d'un habile jésuite qui avait rassemblé avec beaucoup d'art les arguments les plus subtils et les plus spécieux que les catholiques romains puissent opposer aux protestants. Comme cet ouvrage n'est qu'un tissu naturel de raisonnements pleins de solidité et d'évidence, la lecture en doit être infiniment plus propre à former l'esprit que de simples règles de logique. On peut dire la même chose des livres de mathématiques qui sont écrits nettement et dans un ordre naturel, et de tous ceux qui traitent de

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