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S CLXXXIII.

Quelles sciences il faut enseigner aux enfants.

Dans le temps qu'un enfant apprend le latin, on peut, comme je l'ai déja dit, lui enseigner l'arithmétique, la géographie, la chronologie, l'histoire, et même la géométrie : car si on lui montre ces sciences en français ou en latin, dès qu'il commence à entendre l'une de ces deux langues, il s'y rendra habile, et apprendra en même temps la langue comme par surcroît.

La Géographie.

Je serais d'avis qu'on le fit commencer par la géographie: car comme on n'a besoin que des yeux et de la mémoire pour apprendre le globe et connaître la situation et les limites des quatre parties du monde, des royaumes et des pays particuliers, un enfant apprendra et retiendra tout cela avec plaisir. Cela est si vrai, que j'ai logé dans une maison où il y avait un enfant, que sa mère avait si bien instruit dans la géographie, qu'avant l'âge de six ans il savait distinguer les limites des quatre parties du monde, et pouvait, sans hésiter, montrer sur le globe telle province qu'on lui nommât, ou sur la carte

et

d'Angleterre tel pays particulier de ce royaume qu'on lui demandât; il connaissait tous les grands fleuves, promontoires, détroits et golfes de la terre, et savait trouver la longitude et la latitude de chaque pays. A la vérité, ce qu'un enfant apprend ainsi par le moyen de la vue, qu'il conserve dans sa mémoire à force de le répéter, ne contient pas tout ce qu'il doit apprendre sur le globe. C'est néanmoins un grand acheminement pour le reste, dont il lui facilitera l'intelligence, lorsqu'il aura le jugement assez mûr pour entrer dans cette discussion. D'ailleurs c'est autant de temps gagné pour le présent; et l'on engage insensiblement un enfant à apprendre des langues par le plaisir qu'il goûte à connaître des choses.

§ CLXXXIV.

L'Arithmétique.

Lorsqu'un enfant a bien imprimé dans sa mémoire les parties qui se remarquent naturellement sur le globe, on peut alors commencer à lui enseigner l'arithmétique. Par les parties qui se remarquent naturellement sur le globe, j'entends les diverses situations des parties de la terre et de la mer, considérées par rapport aux différents noms et aux distinctions des pays; car ce

n'est pas encore le temps de parler à un enfant de ces lignes artificielles et imaginaires, qu'on a inventées, et auxquelles on a recours, seulement pour rendre cette science plus parfaite.

§ CLXXXV.

De tous les raisonnements abstraits, ceux qui se font par le moyen de l'arithmétique sont les plus faciles, et par conséquent les premiers dont l'esprit est ordinairement capable, ou auxquels il s'accoutume plus aisément. D'ailleurs l'arithmétique est d'un usage si général dans toutes les affaires de la vie, qu'il n'y a presque rien qu'on puisse faire sans son secours; aussi estil certain qu'un homme ne saurait s'enfoncer trop avant dans cette science, ni en avoir une connaissance trop parfaite: c'est pourquoi un enfant doit commencer à s'y exercer aussi-tôt qu'il en est capable, s'y perfectionner autant qu'il pourra, et s'y appliquer régulièrement tous les jours, jusqu'à ce qu'il soit maître dans cet art.

Dès qu'il saura l'addition et la soustraction, on pourra commencer à le pousser plus avant dans la connaissance de la géographie; et quand il connaîtra les pôles, les zónes, les cercles parallèles et les méridiens, il faudra lui enseigner ce que c'est que longitude et latitude, et l'usage des cartes, et lui apprendre par le moyen des

nombres placés à côté, quelle est la situation respective des pays, et comment on peut les trouver sur le globe terrestre; et lorsqu'il sera stylé à tout cela, on pourra lui montrer le globe céleste; et en lui faisant repasser tous les cercles, mais d'une manière plus particulière celui qu'on nomme écliptique ou zodiaque, les lui imprimer tous dans l'esprit clairement et distinctement, avec la figure et la situation de chaque constellation, qu'on pourra lui faire voir premièrement sur le globe, et ensuite dans les cieux.

L'Astronomie.

Cela fait, lorsqu'il connaîtra assez bien les constellations de notre hémisphère, il sera temps de commencer à lui donner quelque idée du monde des planètes; et pour cet effet on ne fera pas mal de lui tracer une figure du systême de Copernic, pour lui expliquer la situation des planètes, et leur éloignement respectif du soleil, qui est le centre de leurs révolutions; cela le préparera à comprendre le mouvement et la théorie des planètes, de la manière la plus aisée et la plus naturelle; car puisque les astronomes ne doutent pas du mouvement des planètes autour du soleil, il est bon qu'il suive cette hypothèse qui est non-seulement la plus simple et la moins embarrassée, mais aussi la plus ap

paremment véritable en elle-même. Mais en ce point, comme en tout autre qui regarde l'instruction des enfants, il faut bien prendre garde de commencer par ce qui est le plus simple et le plus aisé, de ne leur enseigner à-la-fois que le moins qu'on peut d'une science, et de le leur bien imprimer dans l'esprit, avant que de passer à ce qui suit, ou à quelque chose de nouveau. Ne leur proposez d'abord qu'une seule idée très-simple, et ayez soin de voir qu'ils la comprennent bien, avant que de leur proposer autre chose; ajoutez après cela quelque autre idée simple qui porte immédiatement au but que vous avez dans l'esprit. Avançant de cette sorte insensiblement et par degrés, vous verrez que, sans être surpris ni confondus, leur esprit s'ouvrira tous les jours, et qu'ils pousseront leurs pensées beaucoup plus loin qu'on n'aurait pu croire. Au reste, lorsqu'un enfant a appris quelque chose de lui-même, il n'y a point de meilleur moyen, pour la lui bien imprimer dans la mémoire, et pour l'encourager à faire de nouveaux progrès, que de l'engager à l'enseigner à d'autres.

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