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dans cet article. Comme ces gens-là mettent la plus grande partie de leur bonheur à boire des liqueurs fortes, ils sont toujours prêts à faire leur cour aux enfants de la maison, en leur offrant ce qu'ils trouvent eux-mêmes le plus à leur goût. Et parce qu'ils voient que ces sortes de boissons leur remplissent le cœur de joie, ils se figurent sottement qu'un enfant n'en saurait être incommodé. C'est donc une chose qu'il faut tâcher d'empêcher avec toute l'application et toute l'adresse imaginables: car il n'y a rien qui soit d'une plus dangereuse conséquence, et pour le corps et pour l'esprit, que de laisser accoutumer les enfants aux liqueurs fortes, et surtout à boire en particulier avec les domestiques.

§ XXI.

Comment on doit dispenser le fruit aux enfants.

Le fruit fait un des articles les plus délicats pour ce qui concerne le soin de la santé, et surtout à l'égard des enfants. Ce fut pour le fruit que nos premiers parents risquèrent le Paradis, il ne faut donc pas s'étonner que nos enfants ne puissent s'abstenir d'en manger, aux dépens même de leur santé.

Il n'y a point de règle générale pour modérer ce désir, car je ne saurais entrer dans le sen

timent de ceux qui voudraient défendre entièrement le fruit aux enfants, comme une chose qui leur est tout-à-fait pernicieuse. Une telle défense ne sert qu'à rendre les enfants plus avides de fruit, et à leur faire manger tout celui qu'ils peuvent attraper, bon ou mauvais, mûr ou non mûr. Je serais d'avis qu'on interdît absolument aux enfants les melons, les pêches, la plupart des prunes, et toute sorte de raisins qui croissent en Angleterre. Tous ces fruits, quoique d'un goût fort prévenant, ont un suc si mal sain; qu'il faudrait, s'il était possible, que les enfants n'en vissent jamais, ou ne sussent pas même qu'il y en eût dans le pays. Pour les fraises, les cerises et les groseilles, lorsqu'elles sont bien mûres, je crois qu'on peut leur en donner sûrement, et même en grande quantité, pourvu qu'ils les mangent avec ces précautions: premièrement, que ce ne soit pas après le repas, comme on fait ordinairement, lorsque l'estomac est déja plein d'autre nourriture. Je serais d'avis qu'ils les mangeassent plutôt devant ou entre les repas, et qu'on leur en donnât pour leur déjeùné. Il faut, en second lieu, qu'ils mangent ces fruits avec du pain, et enfin lorsqu'ils sont parfaitement mûrs. A les manger de cette manière, je m'imagine qu'ils sont plutôt utiles que contraires à la santé. Comme les fruits d'été ont du rapport

à la chaleur de la saison, ils sont propres à nous rafraîchir l'estomac, que la chaleur abat et rend tout languissant. Par cette raison je ne serais pas si rigide sur ce point, que quelques-uns le sont envers leurs enfants qui, se trouvant si fort gênés à cet égard, au lieu d'une quantité raisonnable de bons fruits qu'on leur aurait donnée, et dont ils se seraient contentés, en passent leur envie, mangent sans retenue, et comme on dit, à ventre déboutonné, tout le méchant fruit qu'ils peuvent attraper, soit qu'ils en trouvent par hasard, ou qu'ils engagent quelque domestique à leur en donner.

Pour les pommes et les poires qui sont bien mûres, et qui ont été cueillies depuis quelque temps, je crois qu'on en peut manger sans crainte, en quelque temps que ce soit, et en grande quantité, sur-tout des pommes, qui après le mois d'octobre, n'ont jamais, que je sache, fait de mal à personne.

Les fruits secs sans sucre sont aussi fort sains, si je ne me trompe. Mais on doit s'abstenir de toutes sortes de confitures, dont il n'est pas aisé de dire si elles incommodent plus (1) la personne qui les fait, que celui qui les mange.

(1) Par les exhalaisons du charbon que respirent sans cesse les personnes qui font les confitures liquides dont il s'agit ici.

Laissons donc aux dames tous ces mets sucrés, l'une des plus folles dépenses dont la vanité

se soit encore avisée.

S XXII.

Combien le sommeil est nécessaire aux enfants.

De tout ce qui paraît mou et efféminé, il n'y a rien que l'on doive permettre aux enfants avec plus d'indulgence que le sommeil. En cela seul il faut les laisser se satisfaire pleinement, car il n'y a rien qui contribue plus que le sommeil à l'accroissement et à la santé des enfants. La seule chose qu'on doit faire à cet égard, c'est de déterminer quelle partie des vingt-quatre heures qui composent le jour, ils doivent employer à dormir, ce qu'il est aisé de résoudre par cette seule remarque qu'il est très-avantageux aux enfants de s'accoutumer à se lever de bon matin. Il n'y a rien en effet de meilleur pour la santé : et celui qui par un usage constant se sera fait une habitude de se lever matin sans peine durant sa jeunesse, n'aura garde de dissiper la meilleure et la plus considérable partie de sa vie à dormir ou à se dorloter dans un lit, lorsqu'il sera homme fait. Or si vous voulez que vos enfants se lèvent de bon matin, il faut que vous leur fassiez prendre la coutume de s'aller cou

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cher de bonne heure. Par ce même moyen, vous les accoutumerez à éviter les débauches du soir, si dangereuses et si nuisibles à la santé : car lorsqu'on se retire de bonne heure chez soi, l'on trouve rarement l'occasion de s'abandonner à ces sortes d'excès. Par-là je ne veux pourtant pas dire qu'un enfant, devenu grand, ne doive jamais se trouver en compagnie après huit heures du soir, ni causer avec ses amis, le verre à la main, jusqu'à minuit. Cela est inévitable en certaines rencontres. La seule chose que j'ai dessein de vous recommander ici, c'est que par la manière dont vous conduirez votre enfant durant sa première jeunesse, vous l'empêchiez, autant qu'il est en vous, de tomber dans ces inconvénients, et vous n'aurez pas gagné peu de chose, si votre enfant ayant contracté une espèce d'aversion pour les longues veilles par l'habitude que vous lui aurez fait prendre de se coucher de bonne heure, cela l'oblige à éviter souvent ces parties de plaisir, et à ne les proposer que rarement. Que si vos soins n'étaient pas suivis d'un si grand succès, mais que l'occasion et la compagnie, victorieuses de la coutume, l'engageassent à vivre comme les autres dès qu'il aurait une vingtaine d'années, il est toujours bon d'accoutumer jusqu'à ce temps-là un enfant à se lever matin, et à se coucher

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