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Mémoires de l'institut, année 1812). A l'égard des fluides incompressibles, l'auteur commence par en donner une définition nouvelle, comme si aucune de celles qu'on a données jusqu'à présent ne lui paroissoit assez exacte. Un fluide incompressible se compose, dit-il, de molécules matérielles réunies en une masse continue sous un volume invariable. Il y a donc deux choses à exprimer par les équations de condition, l'invariabilité du volume et la continuité de la masse. Par une méthode qui lui est propre, il trouve quatre équations de condition pour une molécule quelconque de l'intérieur de la masse fluide; puis il démontre directement, et sans hypothèse d'aucune espèce, que les forces équivalentes aux équations de condition ne peuvent être que des pressions mutuelles entre toutes les molécules: mais ceci appartient aux applications que l'auteur a faites de ses recherches sur les équations de condition, et dont il est temps d'exposer les deux principales.

La première est celle des pendules à centres mobiles. Cette dénomination comprend tous les pendules dont nous nous servons, et qui sont en effet des pendules à centres mobiles, puisque leurs centres sont entraînés par le double mouvement de la terre. De ce double mouvement résultent deux forces centrifuges, l'une constante, due au mouvement diurne, l'autre produite par le mouvement annuel et qui varie dans son intensité et dans sa direction comparée à celle de la gravité. L'auteur, sans faire usage de ces considérations particulières, pose les équations de condition et les formules du mouvement des pendules à centres mobiles; appliquant ensuite ces formules aux pendules qui oscillent à la surface de la terre, il trouve, 1.° que la durée d'une oscillation est modifiée par le mouvement annuel, ainsi que par le mouvement diurne; 2.° que la modification causée par le mouvement annuel est périodique, en sorte que la durée d'une oscillation varie avec les différentes heures du jour et de la nuit; qu'elle est un maximum à minuit, et un minimum à midi; 3.° qu'un pendule abandonné à luimême dans la verticale, se meut spontanément.

Quelques lecteurs se rappelleront ici que le mouvement spontané des pendules a déjà été mis en question, il y a près d'un siècle, d'après des inductions et des raisonnemens bien vagues, il est vrai, mais suffisans toutefois pour engager le célèbre Bouguer à faire une expérience très en grand, dont le résultat n'a pas été favorable à l'opinion du mouvement spontané. Ce même mouvement est démontré aujourd'hui comme un résultat nécessaire de la ro'ation de la terre autour du soleil. Il faut donc, ou que les calculs de l'auteur des mémoires soient faux, et dans ce cas les géomètres auroient à déterminer plus

exactement de quelle manière le mouvement des pendules est modifié par le mouvement annuel, ou que le mouvement spontané des pendules soit trop petit pour être aperçu dans une expérience semblable à celle de Bouguer.

C'est apparemment dans cette seconde hypothèse que l'auteur propose une autre expérience plus facile à faire, et qui doit intéresser davantage les physiciens et les géomètres. Ce seroit de comparer, pendant les différentes heures du jour et de la nuit, la marche d'une horloge astronomique à celle d'un garde-temps très-exact, et de vérifier si, l'expérience étant faite à l'équateur, et l'horloge ayant marqué 72co secondes pendant un certain temps pris au milieu du jour, elle marquerait 7204,44 secondes pendant le même temps pris au milieu de la nuit. Aux latitudes de 15, 30, 45, 60 degrés, les nombres correspondans seroient 7204,28, 7204, 7203, 7202 secondes. L'auteur verroit dans le succès de cette expérience une nouvelle preuve du mouvement de la terre autour du soleil. Sans doute cette preuve figureroit assez bien parmi celles qu'on a déjà; mais il nous semble que l'expérience proposée auroit encore pour résultat de donner la mesure exacte de la gravité, dont les effets sont modifiés par les deux mouvemens de la terre, et d'éveiller l'attention des astronomes sur l'uniformité du mouvement diurne, uniformité qui n'a d'autre preuve que l'isochronisme présumé des oscillations du pendule à tous les instans du jour et de la nuit.

La seconde application est relative à une nouvelle théorie de la figure de la terre, dans laquelle on auroit égard au mouvement annuel. L'auteur des mémoires a fait le premier pas dans cette nouvelle théorie, en déterminant les conditions de l'équilibre relatif d'une masse fluide qui seroit douée de deux mouvemens semblables à ceux de la terre. Ces conditions sont que les axes des deux mouvemens de rotation soient parallèles et que les deux vîtesses angulaires soient égales et de même signe. Il résulte de là qu'il n'y a aucune figure d'équilibre qu'on puisse assigner comme ayant été autrefois celle de la terre supposée fluide, et que la mer a un mouvement propre indépendant des actions du soleil et de la lune.

Nous ne pousserons pas plus loin cette analyse du pumier voluine des mémoires sur la mécanique. L'auteur, en annonçant, page 184, que le développement des conditions de l'équilibre stable aura lieu dans un cinquième mémoire, et, page 126, que la véritable théorie du gouvernail sera l'objet du dixième mémoire, a pris l'engagement de donner une suite à ce premier volume. Les trois mémoires publiés

C

peuvent donc être considérés comme une exposition préliminaire de la théorie générale de la mécanique.

BRIANCHON, professeur des sciences physiques et mathématiques de l'école d'artillerie de la garde royale.

SPECIMEN GEOGRAPHICO-HISTORICUM, exhibens dissertationem de Ibn Haukalo geographo, necnon descriptionem Iraca Persica, cum ex eo scriptore, tum ex aliis manuscriptis arabicis bibliotheca Lugduno-Batava petitum, quod, annuente summo numine, praside V. Cl. H. Ar. Hamaker, LL. OO. prof. extraord..., ad publicam disceptationem proponit Petr. Jo. Uylenbroek, Amstelodamensis, designatus disciplin. mathemat. et physic. lector in acad. Lugd. Bat. Lugduni Batavorum, 1822, in-4.o (1).

M. UYLENBROEK, dont les études ont été particulièrement dirigées vers les connoissances mathématiques et physiques, s'est déterminé, d'après les conseils de MM. Swinden et Willmett, à consacrer quelque temps à l'étude de la langue arabe, afin de pouvoir un jour extraire des nombreux manuscrits arabes de la bibliothèque de Leyde, ce qui est relatif aux sciences auxquelles il s'est voué d'une manière spéciale. Pour atteindre ce but, il s'est rendu à Leyde; et c'est là que, sous la direction de M. Hamaker, professeur extraordinaire des langues orientales et interprète du legs de Warnerius, il a acquis une connoissance assez étendue de la langue arabe pour publier, avec une traduction latine et des notes critiques, les textes qu'il a extraits de divers auteurs, et réunis dans le volume que nous allons faire connoître.

Ce volume se compose, outre la préface, de trois parties distinctes, qui ont chacune une pagination particulière. La première, qui occupe quatre-vingt-trois pages, a pour titre: De Ibn Haukali opere geographico ms. Leydensi, cum aliis similis argumenti codicibus comparato. La seconde conient, en quatre-vingt-quatre pages, des extraits de la

(1) Ce volume a aussi paru sous le titre suivant: Irace Persica Descriptio, quam ex codicibus mss. arabicis Bibl. Lugd. Bat. edidit, versione latina et annotatione critica instruxit Petr. Jo. Uylenbroek, discipl. mathem. et physic. lector in acad. Lugd. Bat. Præmissa est dissertatio de Ibn Haukali geographi codice Lugd. Butavo.

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Géographie ou plutôt de la Description des contrées musulmanes, d'Ebn-
Haukal; du Dictionnaire géographique des homonymes, de Yacouti; de

کتاب آثار البلاد واخبار العباد Touvrage géographique de Kazwini, intitule

, puis, sous forme d'appendix ; کتاب مراصد الاطلاع على اسماء الامكنة والبقاع

de la Géographie d'Abou'lféda; du Dictionnaire géographique, intitulé

des extraits plus courts de cinq autres ouurages arabes. Enfin, dans la troisième partie, on trouve la traduction latine de tous ces extraits et les notes critiques, en tout cent treize pages. De ces notes, plusieurs ont pour auteur M. Hamaker, qui paroît avoir dirigé M. Uylenbroek dans ce travail, et l'avoir aidé de ses lumières.

Quoique les extraits d'Ebn-Haukal et des divers écrivains arabes que nous avons indiqués, soient, à proprement parler, la partie principale de l'ouvrage de M. Uylenbroek, nous nous y arrêterons peu. L'examen que nous ferions, tant des textes que des traductions, ne donneroit lieu qu'à quelques observations de détail, dont chacune exigeroit d'assez longs développemens. Ainsi, nous pourrions quelquefois ou proposer de nouvelles conjectures pour la correction des textes, ou faire voir que l'éditeur a mal-à-propos corrigé le texte des manuscrits lorsque cela n'étoit pas nécessaire, ou réformer la traduction. Par exemple, on lit, dans l'extrait de l'ouvrage géographique de Kazwinï, p. 19, que « Nasékin et Arschab, deux villages du territoire de Kazwin, » offrent un phénomène singulier; il consiste en ce que l'on peut » forger le fer à Arschab, ce qu'il est impossible de faire à Nasékin, quelque feu que l'on allume, et qu'au contraire la chaudière du » teinturier ne peut jamais être chauffée à point à Arschab, tandis » qu'elle peut l'être à Nasékin, d'où il résulte qu'il n'y a point de tein» turier à Arschab, comme il n'y a point de forgeron établi à Nasékin. » L'auteur, en parlant du degré de chaleur nécessaire à la chaudière du teinturier, se sert du verbes, terme technique, qui signifie étre cuit à point, comme on peut le voir dans ma Chrestomathie arabe, tome II, p. 225; c'est donc à tort que l'éditeur, rejetant la leçon du manuscrit, a substitué deux fois Il falloit seulement lire au genre féminin.

כל

تستوى

يشتوى

à

. يستوى

Dans le même extrait, p. 21, à l'article d'Astounawend, je trouve un passage où l'éditeur a fait une correction déplacée, et n'a pas pu deviner comment il falloit lire un mot qui ne donnoit aucun sens. L'auteur dit qu'Astounawend est une forteresse très-ancienne, qu'elle date de plus de trois mille ans, et qu'on n'a point connoissance qu'elle ait jamais été prise de force, jusqu'à l'invasion des Tartares. A cette époque,

en l'année 618 de l'hégire, Rocn-eddin Gourschah, fils de Khowarizmschah, se renferma dans cette forteresse. « On lui avoit proposé le » choix entre Astounawend et Ardéhen, et Astounawend l'emporta sur

malgré qu'Ardehen fat مترجم استوناوند في نظره Ardehen a ses yeux «

>> une place très-forte. On lui dit alors: Quand il n'y auroit qu'un seul » homme pour défendre Ardéhen, jamais on ne pourroit emporter » sur lui cette place de force, si ce n'est quand les vivres viendroient à

mau, الا اذا غارة المسيرة au lieu de الا اذا عازه المية lui manquer je list

» vaise leçon que l'éditeur a désespéré de pouvoir corriger): Rocn»eddin se renferma donc dans Astounawend.» J'omets à dessein la suite de ce récit. Au lieu de leçon excellente, et à laquelle il ne manquoit dans le manuscrit que le point diacritique du l'éditeur a imprimé, mot qui ne peut convenir ici. J'observerai par occasion que, quelques lignes plus bas, à l'article d'Asfedjin, l'éditeur a lu et imprimé, tandis qu'il falloit, suivant toute apparence, lire et qu'il seroit chassé.

يتنفى

Je ferai encore une seule observation de ce genre, parce qu'elle offre un exemple d'une locution peu commune. J'ai eu occasion de remarquer quelque part (1) que les verbes arabes – ↳ et , gouvernoient autrefois leur complément, non pas comme aujourd'hui directement à l'accusatif, mais indirectement au moyen de la préposition . Faute de savoir cela, on seroit fort embarrassé de traduire certains passages des bons écrivains qui affectent de faire usage de cet archaïsme. J'en trouve ici un exemple dans une historiette rapportée par Kazwini à l'article d'Abher, page 20, et dont M. Uylenbroek n'a pas bien saisi le sens. Je vais en donner la traduction. «C'est à la ville d'Abher » qu'appartient Sakina Abhériyya (c'est une sainte mystique), qui vivoit » du temps du scheïkh Abou-becr (dont Kazwini venoit de parler). Il fut » dit au scheïkh (c'est-à-dire, que Dieu lui fit entendre les paroles sui»vantes dans une extase ou dans un songe): Va trouver Sakina, et » dis-lui que nous lui avons accordé (le salut de) la moitié des hommes

au lieu de, وهبنا منها نصف اهل زماننا du temps ou nous sommes je lis «

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,, qui ne donne aucun sens plausible). Le scheïkh courut lui » annoncer cette bonne nouvelle; mais, quand elle le vit entrer, elle prit la parole et lui dit: Vous venez m'annoncer comme une bonne » nouvelle que j'ai obtenu la moitié des hommes de notre siècle. Il y

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»a une semaine entière que je suis en négociation à ce sujet; déjà on

(1) Chrestom. ar. tom. II, p. 477 et 478.

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