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PRÉFACE.

Si la science et l'invention n'appartiennent qu'à un petit nombre d'hommes de génie; s'il n'est accordé qu'à Mesdames de Lambert, de Beaumont, de Genlis, d'écrire avec autant d'érudition et de grace que de morale, on peut encore se flatter d'être utile à la jeunesse, en lui offrant un Cours de Littérature. Les bons spectacles sont l'amusement de la bonne compagnie, et tout ce qui tient à la Littérature est souvent le sujet de ses entretiens: ne paroît-il pas conve nable qu'une jeune demoiselle, qui entre dans le monde, ne soit pas entièrement étrangère aux sujets qu'on y traite, aux pièces qu'elle y verra représenter, aux ouvrages dont on parlera en sa présence? N'est-il pas même essentiel qu'elle ne confonde point les noms des auteurs, les différens genres dans lesquels ils ont écrit, les degrés de leur supériorité, et les siècles qu'ont illustrés ces grands hommes qui ont tant de droits à notre reconnoissance et à notre admiration?

C'est dans ce but important que j'ai tracé

un ouvrage qui m'a semblé manquer à l'instruction des femmes. L'excellent Traité des Études de Rollin, les Cours de Le Batteux et de La Harpe, l'Histoire des trois Siècles de notre Littérature, desquels j'ai emprunté tout ce que j'ai cru devoir faire partie de mes leçons, ne conviennent qu'à l'éducation approfondie des hommes. Il ne faut pas qu'une femme soit assez ignorante pour faire une question ou une réponse qui jetteroit sur elle une sorte de ridicule; il ne faut pas non plus qu'elle soit assez savante (ce que l'on ne doit pas confondre avec instruite), pour se croire en droit d'afficher une érudition deplacée. Il est bien qu'elle ne s'expose point à la raillerie en parlant de ce qu'elle ignore, et ne montre point de prétention en parlant de ce qu'elle sait.

Ce dernier motif m'a portée à resserrer mon Cours autant qu'il m'a été possible. Je Fai divisé par siècles, parce que cette division, qui se rattache à l'histoire, se grave plus facilement dans le souvenir. S'il est utile à mes jeunes lectrices, s'il obtient l'indulgence des hommes éclairés, je me feliciterai de l'avoir entrepris.

AUX GRANDS SIÈCLES.

LA La poésie naquit de la joie, du sentiment, de la reconnoissance. La première exclamation de l'homme, en sortant des mains du Créateur, fut une expression lyrique: comblé des bienfaits de Dieu, et des merveilles dont il l'avoit entouré, il voulut que tout l'Univers l'aidât à payer le tribut d'hommage qu'il devoit à ce souverain bienfaiteur. II anima le soleil, les astres, les fleuves, les montagnes: telle est l'origine des poésies sacrées.

Le genre humain s'étant multiplié, Dieu fit éclater sa puissance en faveur du juste contre l'injuste; les peuples reconnoissans immortalisèrent ses secours miraculeux par des chants qu'une religieuse tradition a transmis à la postérité; tels sont les cantiques de Débora, de Judith et des prophètes.

Moïse, né en Égypte de parens hébreux, poursuivi par Pharaon, traverse la mer Rouge

à pied sec, et l'armée du tyran est engloutie sous les mêmes flots, que la main de Dieu cesse de tenir suspendus. A la vue d'un si grand miracle, Moïse, prosterné sur le rivage, adresse au Sauveur des Israélites ce cantique justement regardé comme une des compositions les plus éloquentes de l'antiquité. Le tour en est grand, les pensées nobles, le style sublime, les expressions fortes, les figures hardies; tout y est plein d'idées et d'images qui frappent l'esprit, et saisissent l'imagination. Ce cantique fut fait en vers hébreux, l'an du monde 2666.

CANTIQUE DE MOÏSE.

« Je chanterai des hymnes en l'honneur du Seigneur, parce qu'il a fait éclater sa grandeur. Il a précipité dans la mer le cheval et le cavalier.

« Le Seigneur est ma force, et le sujet de mes louanges, parce qu'il est devenu mon salut. C'est lui qui est mon Dieu, et je publierai sa gloire.

« Il est le Lieu de mon père, et je relèverai sa grandeur.

« Jéhova a paru comme un guerrier; son nom est Jéhova (Seigneur).

« Il a renversé dans la mer les chariots de Pharaon, et son armée; les plus distingués entre les officiers ont été submergés.

« Ils ont été ensevelis dans les abymes: ils sont descendus au fond des eaux comme une pierre..

« Votre droite, Seigneur, a fait éclater sa force: votre droite, Seigneur, a brisé l'ennemi.

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Par la grandeur de votre puissance et de votre gloire, vous avez terrassé ceux qui s'élevoient contre vous; vous avez envoyé votre colère; elle les a dévorés comme une paille.

«Au souffle de votre fureur, les eaux se sont entassées : les ondes liquides se sont tenues élevées comme un monceau. Les flots de l'abyme se sont condensés et durcis au milieu de la mer, <<< L'ennemi disoit : Je les poursuivrai; je les atteindrai; je partagerai leurs dépouilles ; j'assouvirai ma vengeance; je tirerai mon épée ; ma main me les assujétira de nouveau.

« Vous avez soufflé, et la mer les a abymés. Ils sont tombés au fond des eaux violentes, comme une masse de plomb.

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