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J'ai vu des dragons fort traitables,
Montrer les dents sans offenser.
J'ai vu des poignards admirables
Tuer les gens sans les blesser.

J'ai vu l'amant d'une bergère,
L'orsqu'elle dormoit dans le bois,
Prescrire aux oiseaux de se taire,
Et lui chanter à pleine voix.

J'ai vu des guerriers en alarmes,
Les bras croisés et le corps droit,
Crier cent fois : Courons aux armes,
Et ne point sortir de l'endroit.

J'ai vu, ce qu'on ne pourra croire,
Des Tritons, animaux marins,
Pour danser, troquer leurs nageoires
Contre une paire d'escarpins.

Dans des chaconnes et gavottes
J'ai vu des fleuves sautillans.
J'ai vu danser deux matelottes,
Trois jeux, six plaisirs, et deux vents.

Dans le char de monsieur son père,
J'ai vu Phaeton tout tremblant,
Mettre en cendre la terre entière
Avec des rayons de fer-blanc.

J'ai vu Roland, dans sa colère,
Employer l'effort de son bras
Pour pouvoir arracher de terre

Des arbres qui n'y tenoient pas. etc. etc.

FAVART.

Favart tira l'Opéra Comique de son état abject. La Chercheuse d'esprit est encore au

jourd'hui le modèle du vaudeville dramatique. Bastien et Bastienne, parodie du Devin de village, heureux mélodrame, dont Rousseau fut doublement auteur, puisqu'il composa la musique et les paroles; Ninette à la cour, Annette et Lubin, sont encore applaudies tous les jours. Les Moissonneurs, le Droit du Seigneur, la Rosière de Salency, la Belle Arsène, Isabelle et Gertrude, les Trois Sultanes, tirées d'un conte charmant de Marmontel, ainsi qu'Annette et Lubin, l'Anglais à Bordeaux, sont également dus à Favart, qui étoit plein de naturel et d'esprit, et qui écrivoit avec pureté.

SEDAINE.

Sedaine, comme écrivain, ne peut être comparé à Favart. On sait que, de maître maçon, il parvint à être élu membre de l'Académie française. Cette élévation est la preuve de son talent. Et, quoique ses pièces ne puissent se passer de la musique ni de la représentation, car Sedaine ne savoit pas sa langue, et devoit tout à la nature, on les revoit toujours avec un nouveau plaisir. Elles sont heureusement en grand nombre; Rose et Colas, le Déserteur, Felix, Richard Cœur de lion, etc.

MARMONTEL.

Marmontel eut les plus grands succès à l'Opéra Comique. Ses pièces sont écrites avec

élégance; les sujets en sont heureux et bien conduits. Zémire et Azor, l'Ami de la maison, Lucile, Silvain, la Fausse Magie, sont comptées parmi les meilleurs ouvrages de ce théâtre.

D'HELLE.

Les Événemens imprévus, l'Amant jaloux, le Jugement de Midas, sont les opéras comiques qui ont le plus d'esprit comique; c'est là leur attribut distinctif, d'autant plus honorable pour leur auteur, M. d'Helle, qu'il était anglais d'origine.

MONVEL.

Monvel a donné plusieurs charmans opéras comiques. Julie, la Suite de Julie, ou l'Erreur d'un moment, Alexis et Justine, les Trois Fermiers, Blaise et Babet, etc., etc.

LAMOTHE HOUDART.

De tous ses opéras comiques, on ne joue plus que le Magnifique.

DRAMES.

DIDEROT.

Le Père de Famille, de Diderot, a beaucoup d'intérêt, sur-tout dans les premiers actes; mais la pièce manque aux bonnes mœurs, et sa critiqué se trouve dans la bouche mème

du commandeur, qui reproche au père le désordre de sa famille.

MONVEL.

Clémentine et Desormes, drame en cinq actes, est une pièce déchirante, et telle qu'il n'est pas bon d'en mettre sur la Scène. La comédie doit attendrir par des sentimens, corriger par les tableaux des ridicules; mais elle ne doit pas offrir les passions en délire, et des actions criminelles.

LA HARPE.

Mélanie fut applaudie jusqu'à l'enthousiasme, et critiquée avec acharnement. L'action en est lente, les incidens et la catastrophe manquent de vraisemblance; mais la facilité de la versification, le naturel du dialogue, les situations touchantes, la véhémence dans les sentimens, justifient les éloges et les succès qu'elle obtint.

BEAUMARCHAIS.

On lui doit le drame d'Eugénie, et celui des Deux amis, qui eurent moins de succès que les autres pièces de l'auteur, mais qui ont de l'intérêt.

L'OPÉRA.

GENTIL BERNARD.

Castor et Pollux.

BERNARD, garde des livres du cabinet du

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Roi à Choisy, fut nommé Gentil Bernard, pour les agrémens de ses poésies légères. L'opéra de Castor et Pollux augmenta la célébrité que lui avaient acquise son esprit et la délicatesse de ses compositions. Cet opéra est un vrai modèle de poésie ingénieuse et tendre, très-propre à s'allier avec la musique. Le plan est bien conçu, l'intérêt vif, les scènes bien distribuées, les airs bien amenés, les sentimens aussi variés que naturels ; les vers sur l'amitié méritent d'être distingués parmi beaucoup d'autres beaux vers que l'on trouve dans ce poëme:

POLLUX.

Présent des Dieux, doux charme des humains,
O divine amitié! viens pénétrer nos ames;

Les cœurs embrasés de tes flammes,

Avec des plaisirs purs, n'ont que des jours sereins.
C'est dans tes noeuds sacrés que tout est jouissance;
Le temps ajoute encore un lustre à ta beauté,
Et tu serois la volupté,

Si l'homme avoit son innocence.

MARMONTEL.

L'opéra de Marmontel, Didon, qui réunit au grand intérêt du sujet la beauté du spectacle, dédommagea l'auteur du peu de succès de ses tragédies. L'opéra de Pénélope, quoiqu'il ait réussi, n'a pas obtenu la gloire de se soutenir sur la Scène avec les mêmes applaudissemens que celui de Didon.

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