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grands embarras dans les finances de la ville. Il en sonda toutes les plaies et il sut les guérir.

Un reliquat important ne tarda point à disparaître ;

Une subvention de 900,000 francs, due à l'État pour la part de la ville dans la construction du Pont-de-Pierre, fut acquittée;

Et l'on vit se succéder en peu d'années :

L'agrandissement de l'Hôtel-de-Ville, qui vous a valu, Messieurs, cette salle où se tiennent vos séances hebdomadaires (1);

L'acquisition de l'Entrepôt ;

La construction de l'église Saint-Paul;

La création du cimetière Monumental, de la nouvelle Bourse, du cours Boieldieu.

Enfin la rue Royale fut ouverte à ses deux extrémités, et l'ancien couvent de Sainte-Marie fut converti en une sorte d'Athénée où l'on peut suivre toujours des cours scientifiques du plus haut intérêt.

Au Conseil-Général du département et à la Chambre des Députés, M. de Martainville seconda aussi de tout son pouvoir ce mouvement de l'opinion qui poussait à l'entreprise de ces grands travaux publics, trop longtemps suspendus et que nous avons vus s'accomplir depuis.

(1) L'Académie en a pris possession le 15 janvier 1830. La Société centrale d'agriculture doit aussi à M. de Martainville les locaux qu'elle occupe aujourd'hui.

Je ferai observer, à cet égard, que l'époque dont je parle a cela de remarquable qu'on y reconnaît l'origine d'une foule d'améliorations dont le pays aujourd'hui se trouve doté.

Lorsqu'en 1830, M. de Martainville quitta les affaires publiques et la ville de Rouen, nous savons tous qu'il exprima l'intention de rester membre de notre Académie ; qu'il ne voulut jamais rompre ses relations avec ses anciens confrères, et qu'il saisissait avec bonheur l'occasion de les revoir.

Rentré dans la vie privée, il n'en fut pas moins guidé par le désir constant de répandre le bien autour de lui.

L'agriculture de nos contrées obtint surtout ses vives sympathies. On le vit s'efforcer sans cesse de concourir à ses progrès. Membre du Comice agricole de Valmont, il fit réimprimer à ses frais une partie de l'excellent ouvrage sur les engrais de notre savant confrère M. Girardin. Il fonda, pour six ans, des prix d'encouragement qu'il mit à la disposition du Comice. Enfin il ne cessa de provoquer de tous ses efforts l'adoption des mesures qui pouvaient faire prospérer l'agriculture, cette mère nourricière des peuples.

Un sentiment surtout domina M. de Martainville à toutes les phases de sa vie, était au fond de son cœur et de toutes ses pensées : ce fut celui de la charité chrétienne, ce sentiment pur et saint qui, depuis bien des siècles, a soulagé tant de misères, qui a été la source de tant de dévouements, qui a fondé tant d'établissements secourables, qui a changé, je puis le dire, la face des sociétés, et qu'on retrouve toujours aussi vivace aux époques calamiteuses d'une nation.

Aussi, M. de Martainville, possesseur d'une grande fortune, sut-il en faire le plus noble usage. Il n'est pas une seule des communes dans lesquelles il possédait des biens qui n'ait eu part à ses libéralités.

On le vit, en maintes occasions, concourir à la réparation des églises, des presbytères de ces communes, les doter d'écoles de garçons, de filles, et, dans cette série de bienfaits, qui s'élèvent à des sommes considérables, il a été loin d'oublier les hospices de Rouen, de cette ville où il est né, qui eut toujours une place réservée dans son cœur et qui est gardienne de sa tombe.

Ses bienfaits s'étendaient même jusqu'à ceux dont il avait à se plaindre. Un jour, par exemple, un de ses voisins, assez tracassier, lui intente un procès. M. de Martainville soutient ce procès avec chaleur: c'était dans sa nature. Il le gagne; mais son adversaire avait mal calculé ce que coûte un procès. Celui qu'il a perdu avait épuisé ses ressources. M. de Martainville l'apprend, il vient à son aide et lui continue longtemps ses secours.

Je ne dirai plus que quelques mots.

M. de Martainville fut homme de bien avant tout, et c'est un titre précieux.

La bienfaisance fut le mobile, dans sa vie privée, d'un grand nombre de ses actions.

Administrateur et homme politique, il voulut que tous ses actes reposassent sur le principe sacré de l'honnêteté politique, sur la justice, sur le respect de la loi.

Puisse le noble exemple qu'il a laissé trouver de nombreux imitateurs!

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Si les lettres n'étaient qu'un simple amusement, le moment serait mal choisi pour en entretenir l'Académie. Mais la culture intellectuelle, en polissant les esprits, élève et fortifie les âmes; elle inspire les grandes actions comme les grandes pensées. L'histoire est riche en noms illustres, qui rappellent l'union féconde de la vie politique et du culte des sciences et des lettres. Je ne remonterai point jusqu'à l'antiquité où les exemples abondent; je n'irai pas même demander des preuves à notre

(1) Ce morceau devait être lu par le président de l'Académie, comme discours d'ouverture, à la séance générale du mois d'août 1848; mais les circonstances politiques n'ont pas permis de tenir cette séance.

ancienne magistrature, si remarquable par une science solide relevant de nobles caractères. Je ne sortirai pas de cette académie. Elle a compté parmi ses membres un homme doublement célèbre par sa vie politique et par ses écrits, un Italien élevé d'abord, par le cours des événements, aux premières dignités de sa patrie affranchie, plus tard adopté et honoré par la France, admis dans ses conseils législatifs, entraîné dans la chute de l'Empire, mais se relevant par la science, chargé de la direction de l'instruction publique dans notre ville, se consolant enfin d'une disgrâce imméritée par l'amour des lettres, charme et honneur de ses dernières années. Telle fut la vie de Charles Botta. La biographie d'un réfugié italien mêlé aux révolutions de son pays est féconde en allusions. Je ne les ai ni cherchées ni évitées ce travail, esquissé avant la révolution de 1848, n'est pas une œuvre de circonstance; c'est un hommage tardif rendu au nom de l'Académie à l'un de ses membres les plus illustres.

Charles Botta naquit en Piémont, à Saint-Georges, le 6 novembre 1766. De solides études à l'Université de Turin lui inspirèrent, pour les chefs-d'œuvre de l'antiquité, une de ces passions profondes qui survivent à toutes les vicissitudes de la fortune. Comme Montesquieu, comme tant d'autres génies du XVIIe siècle, il s'éprit d'admiration pour cette civilisation puissante de la Grèce et de Rome, qui trempait si fortement les caractères. Des études médicales complétèrent l'éducation de Charles Botta; il y puisa, pour les sciences naturelles, et surtout pour la botanique (1), un goût qu'il sut parfaitement con

(1) Botta traduisit du latin en italien l'ouvrage satirique intitulé Monacologia ou specimen monacologiæ, qui avait pour objet de décrire, avec toutes les formules de la science botanique, les diverses familles de moines.

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