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« s'accroissent pas, c'est la misère seule qui est en progrès; « quand les manufactures s'encombrent et que les ou«vriers cessent d'être occupés, ce sont des révolutions qui se préparent par des émeutes; car la force qui ré«prime celles-ci un instant ne fait que les amonceler « plus grosses et plus terribles; or, les classes ouvrières « s'agglomèrent dans les villes, hors de toute proportion. « Il y a tel département du nord, où les artisans trouvent « à peine à se loger; les maisons sont occupées de la cave « au grenier, et le prix des objets de première nécessité « s'élève, par le seul fait de la concentration de la popu<«<lation sur un point, à un taux vraiment exhorbitant; << d'autre part, la concurrence qui en résulte fait tomber « le prix des salaires, de là le malaise des classes ou<< vrières au sein des villes, de là la mendicité, la maraude, «<les délits et les crimes dont souvent la première cause « était de n'avoir pas de pain. » J'ai été à portée de reconnaître l'existence de cette cause, et de me convaincre que, parmi les hommes que la loi a flétris, mais que la société ne doit pas abandonner, puisqu'ils sont destinés à reparaître dans son sein, il en est qui ne se sont écartés, que par faiblesse et besoin, des sentiments de l'honnêteté; c'est de ces hommes qu'en 1841, M. le Préfet des Landes voulait faire des colons dans cette partie de la France restée inutile faute de bras et d'argent, et qui, selon l'avis de tous les hommes compétents, est bien capable de dédommager des peines et des dépenses de leur culture.

Plus que jamais, ce me semble, il est nécessaire Messieurs, d'étudier de pareils projets; car, en considérant combien le présent est pénible, l'avenir devient effrayant, si l'on réfléchit que notre population approche de 36 millions d'habitants, et que, dans 23 ans, le sol de la France devra en nourrir 10 millions de plus.

Il faut donc que la prévoyance des hommes du pouvoir, et l'étude des faits conduisent à des mesures efficaces, auxquelles sont attachées la vie d'une partie de la population et peut-être l'existence de la nation entière.

Une colonie de déportation pour les condamnés à longue peine ;

Une colonisation généreusement préparée pour les pauvres, les surveillés, les enfants trouvés et tous ceux qui voudront travailler;

Voilà, nous le répétons, deux mesures nécessaires, indispensables, pour nous sauver de la misère et des dangers qui en sont la suite.

J'ai pensé, Messieurs, que l'Académie, dans ses préoccupations des choses d'intérêt général, voudrait peutêtre s'associer à l'étude du besoin social dont je viens de l'entretenir, et c'est ce qui m'a conduit à lui communiquer ces réflexions, comme renseignements.

RENSEIGNEMENTS

SUR

LES OPÉRATIONS

DU MONT-DE-PIÉTÉ DE ROUEN,

Présentés à l'Académie, le 24 Mars 1848,

PAR M. BALLIN,

DIRECTEUR DE

L'ÉTABLISSEMENT.

MESSIEURS,

L'époque précise de l'origine des Monts-de-Piété est incertaine, mais leur existence notoire date de près de quatre siècles. Cette institution s'est d'abord propagée lentement, mais enfin elle a été adoptée dans presque toute l'Europe, et a reçu en France une certaine extension, depuis une vingtaine d'années; c'est la preuve de son utilité réelle, malgré les attaques dont elle a été l'objet à diverses époques.

Le principal reproche qu'on fait aux Monts-de-Piété porte, avec raison, sur le taux trop onéreux des droits

imposés aux emprunteurs, mais il est difficile de remédier à ce mal. La plupart des Monts-de-Piété ne possèdent rien, ils empruntent eux-mêmes l'argent qu'ils prêtent ; il est donc indispensable à leur existence que leurs droits soient calculés de manière, non-seulement à payer l'intérêt des capitaux qu'ils emploient, mais encore à pourvoir aux frais considérables d'exploitation.

Dans cet état de choses, il serait à désirer que des personnes riches et bienfaisantes s'entendissent, comme dans l'origine de l'institution, pour former aux Monts-de-Piété des dotations qui leur permissent de diminuer leurs droits, partout où ils sont trop élevés. Ce serait, certes, une générosité des plus louables et des plus utiles aux classes malheureuses. Au moins faudrait-il que les bénéfices et les bonis abandonnés, qui sont aussi des bénéfices, restassent leur propriété, au lieu d'être versés, chaque année, dans les caisses des hospices, auxquels il n'est réellement dû que le juste intérêt de l'argent qu'ils fournissent.

Vous vous rappellerez, peut-être, Messieurs, qu'en 1842, à la suite d'une discussion publique, dans la grande salle de l'hôtel-de-ville, l'Association normande, adoptant mes conclusions, exprima, dans sa dernière séance à Rouen, le vœu que les Monts-de-Piété fussent affranchis de la dépendance des Hospices, c'est-à-dire qu'ils ne fussent plus obligés d'y verser leurs bénéfices, afin de pouvoir, en les capitalisant, arriver à la réduction successive de droits trop élevés.

J'ai lieu de penser que le projet de loi annoncé récemment aux Chambres aurait consacré ce principe, mais des affaires d'une tout autre importance étant à l'ordre de jour, on peut craindre que cette amélioration ne se fasse encore longtemps attendre.

Il serait donc inutile d'entrer ici dans d'autres développements à cet égard, et je me bornerai à vous donner quelques détails sur le Mont-de-Piété de Rouen, l'un des trois ou quatre plus importants de France, après celui de Paris.

J'ai l'honneur de vous présenter, Messieurs, le Tableau décennal des opérations de cet établissement, pendant la période de 1838 à 1847 inclusivement. Vous y remarquerez tout d'abord une augmentation assez considérable dans les opérations de cette dernière année, non-seulement sur la moyenne décennale, mais encore sur toutes les années antérieures. L'augmentation des engagements peut, sans doute, être attribuée en partie à la misère des classes pauvres et à l'état de gêne du petit commerce; mais cette idée est, sinon détruite, du moins atténuée par l'augmentation des dégagements et renouvellements.

J'ai lu, dans l'Annuaire de l'économie politique pour 1848, p. 223, que, depuis 1840, un accroissement se manifeste dans les engagements du Mont-de-Piété de Paris, sans qu'on puisse lui attribuer aucune cause. Je pense néanmoins qu'on pourrait en assigner plusieurs. Les principales, selon moi, doivent être la diminution de l'intérêt qui remonte, à Paris, à 1830; l'atténuation de cette répugnance qu'avaient excitées autrefois contre les Monts-de-Piété les exactions des anciennes maisons de prêts, et enfin l'accroissement de la population. Les mêmes causes me paraissent applicables au Mont-de-Piété de Rouen, seulement leur influence ne remonte pas aussi haut.

Les circonstances actuelles n'ont heureusement pas encore eu une influence bien sensible sur les opérations du Mont-de-Piété de Rouen, car la balance des nantisse

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