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Les expériences de Bichat, de Legallois, de Dupuytren, d'Emmert, de Provençal, de Mayer, de De Blainville, de Longet et de Flourens, nous ont permis d'apprécier rigoureusement quelle était l'influence du système nerveux, soit sur les mouvements des organes respiratoires, soit sur leurs phénomènes chimiques.

Lorsqu'on a gravement médité les diverses causes de la mort, exposées avec un si rare talent par Bichat, et lorsque surtout on a scruté attentivement son paragraphe intitulé: De l'influence que la mort du cerveau exerce sur celle du cœur, il ne peut plus y avoir de doutes. Dans l'éthérisation, c'est le cerveau qui, d'abord, subit l'influence de l'agent; puis, peu à peu, l'action stupéfiante paralyse successivement le cervelet, la moelle allongée, la moelle épinière et tous les nerfs qui en naissent.

Peu à peu la mort se répartit sur tous les organes, et elle est déterminée par la paralysie successive des nerfs qui les animaient.

On voit se succéder l'interruption des fonctions cérébrales, la cessation des fonctions mécaniques ou des mouvements de la respiration, et l'anéantissement des phénomènes chimiques des poumons. Puis, arrivent après, la cessation de l'hématose et la projection du sang noir dans toutes les parties; enfin, le cœur lui même est frappé de paralysie, et la mort devient imminente! Cette altération et cet anéantissement successifs des fonctions du système nerveux, frappant immédiatement de mort la respiration et la circulation, peuvent être facilement discernées dans des expériences de précision, exécutées dans le silence du cabinet; là, lorsque le sujet est parfaitement maintenu, on lit sur lui, d'instant en instant, la marche des phéno

mènes, et on assiste aux combats de l'agonie qui se manifestent dans chacun des organes fondamentaux !

Je suis loin d'exagérer, Messieurs; un physiologiste illustre que vous appeliez naguère à siéger parmi vous, M. Flourens, à l'aide d'expériences ardues, est arrivé à préciser et à suivre, pour ainsi dire pas à pas, l'action de l'éther sur l'ensemble de l'organisme des animaux.

Selon lui, les centres du système nerveux perdent successivement leurs forces dans un ordre donné. Les lobes cérébraux subissent la première influence, aussi, observet-on, comme phénomène précurseur, l'anéantissement des opérations de l'intelligence; ensuite le cervelet perd sa force, c'est-à-dire l'équilibration des mouvements de locomotion, puis la moelle épinière perd la sienne, c'està-dire le principe du sentiment et du mouvement; enfin, la moelle allongée, survit seule dans son action, et c'est pourquoi l'animal survit aussi.

M. Longet est parvenu à peu près aux mêmes conclusions.

Si l'inhalation de l'éther est poussée plus loin, l'influence s'étend sur la moelle allongée et sur la moelle spinale. Alors les mouvements respiratoires et l'action chimique des organes pulmonaires étant manifestement entravés, l'asphyxie apparaît.

Cela dépend, comme l'ont démontré les expériences de Legallois et Dupuytren, de la connection des fonctions de la moelle allongée et des mouvements et des phénomènes chimiques de la respiration.

Ici, Messieurs, se termine le travail de la Commission. Vous aurez pu apprécier, je l'espère, que tout semble d'accord pour considérer comme démontré ce point de doctrine professé dans le sein de l'Académie par nos deux

collègues, MM. Girardin et Verrier, ainsi que par M. Parchappe, savoir que l'inhalation de l'éther et du chloroforme employés convenablement et dans un état de pureté absolue, agit d'abord sur le système nerveux, et que les phénomènes d'asphyxie ne sont que secondaires et ne se développent que lorsqu'on administre ces agens à une dose plus élevée que cela n'est nécessaire pour obtenir l'insensibilité.

Nous croyons que l'expérience, l'observation et le raisonnement, tour-à-tour invoqués, ont apporté des preuves incontestables en faveur de cette opinion.

Si, en suivant l'exposé de la question qui vient d'être traitée, vous avez vu que les expériences pouvaient donner lieu à quelques hésitations, il ne faut pas vous en étonner; dans les sciences, ce n'est souvent qu'après de longs combats, que la vérité brille de tout son éclat. Comme l'a dit Fontenelle, « l'art de faire des expériences porté à un certain degré n'est nullement commun. Le moindre fait qui s'offre à nos yeux est compliqué de tant d'autres faits qui le composent et le modifient, qu'on ne peut, sans une extrême adresse, démêler tout ce qui y entre, ni même sans une sagacité extrême soupçonner tout ce qui peut y

entrer. >>

Cependant, Messieurs, c'est en connaissant toutes ces difficultés que nous sommes venus devant vous formuler notre jugement et le soumettre à votre sanction.

L'Académie nous avait encore demandé la solution d'une question d'un autre ordre, c'était de préciser au juste le mode d'administration sur l'homme, des deux agens actuellement si usités dans l'art médical.

Dans l'état actuel de la science, il est encore impossible de fixer les doses auxquelles on peut administrer ces mé

dicaments, parce que leur action varie selon les idiosyncrasies des personnes; mais, ainsi que l'un de vos commissaires, le docteur Avenel, l'a reconnu dans sa pratique, l'instant précis où l'inhalation peut s'arrêter sans danger est celui de la troisième période, c'est-à-dire celui de la résolution des membres, au-delà de laquelle quelques accidents suivis de mort ont été signalés. Pendant la deuxième période, c'est-à-dire la perversion de l'intelligence, bien que celle-ci ne soit pas complètement abolie, l'insensibilité existe et l'on peut déjà opérer sans que le malade ait conscience de la douleur.

Mais, Messieurs, en poursuivant leurs travaux, vos commissaires ont été frappés des fâcheux résultats que peut avoir sur l'homme l'emploi intempestif des deux agens dont ils ont reconnu et étudié l'action. Ils ont aussi reconnu que ceux-ci, abandonnés à des mains criminelles, peuvent seconder de coupables desseins dont les médecins légistes suivraient même parfois difficilement la trace. Enfin, comme vous l'avez vu, il est certains appareils qui n'offrent pas les conditions nécessaires pour l'administration rationnelle de l'éther ou du chloroforme.

C'est d'après ces considérations et dans l'intérêt de l'art médical, que vos commissaires ont pensé qu'il serait bon d'inviter l'autorité :

1o A surveiller la vente des deux substances précitées, et à l'assimiler à celle des substances délétères;

2o A exiger qu'elles ne soient administrées qu'avec l'assistance des hommes de l'art ;

Et 3° à surveiller la vente des appareils eux-mêmes, puisqu'il en existe de réellement défectueux.

SUR LES

COLONIES PÉNALES

ET

LA DÉPORTATION.

Lecture faite dans la Séance du 16 Juin 1848,

PAR M. VINGTRINIER,

Médecin en chef des Prisons de Rouen.

La nouvelle et grave situation faite à la France par les événements accomplis en février 1848, impose à tous les citoyens le devoir de réfléchir sur cette situation et de manifester leurs pensées, lorsqu'ils les croient propres à produire quelque amélioration sociale.

La bonne intention devra d'ailleurs concilier à chacun la bienveillance de tous.

Cette réflexion m'engage à appeler l'attention sur une mesure d'utilité publique qui a déjà été réclamée par de nombreux publicistes, et que j'ai moi-même préconisée dans trois précédentes publications: en 1826, 1840 et 1846; je veux parler de l'établissement d'un lieu de déportation.

On répète, et je le crois vrai, que plus que tout autre gouvernement, une république, en raison des libertés

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