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<< rapidité de son action, et le plus grand danger auquel <<< il expose la vie des animaux soumis à l'inhalation. »

Nous persistons dans nos conclusions, et nous prions l'Académie de bien vouloir nommer une commission à l'effet d'examiner cette question :

Y A-T-IL, PENDANT L'ÉTHÉRISATION, TRANSFORMATION DU SANG ARTÉRIEL en sang veineux; en d'autrES TERMES, Y A~ T-IL ASPHYXie pendant l'ÉTHÉRISATION?

RAPPORT DE LA COMMISSION

CHARGÉE DE L'EXAMEN

DES PHÉNOMÈNES PHYSIOLOGIQUES

PRODUITS PAR L'INHALATION

DE L'ÉTHER ET DU CHLOROFORME,

Par M. Pouchet, rapporteur.

COMMISSAIRES:

MM. Hellis, Morin, Vingtrinier. Bergasse, Avenel, Boutan et Pouchet.

Séance du 21 Juillet 1848.

MESSIEURS,

L'Académie de Rouen, qui s'est si fréquemment et parfois si heureusement associée au mouvement intellectuel qu'on voit se manifester de toutes parts, s'est récemment occupée d'une question neuve et importante, des phénomènes physiologiques de l'éther et du chloroforme.

Je n'ai point assisté aux intéressantes discussions auxquelles cette question a donné lieu dans son sein, et n'ai

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été chargé que fortuitement de vous rendre compte des expériences qui les ont suivies. J'aurais désiré que ce soin fût confié à des mains plus habiles et plus exercées : en acceptant cette tâche, je n'ai été mu que par le désir de vous donner une preuve du zèle que m'impose l'honneur d'appartenir à votre savante compagnie.

Deux opinions diamétralement opposées ont été soutenues dans le sein de l'Académie, et, de part et d'autre, elles l'ont été avec vivacité. Cela n'a rien d'étonnant, Toutes les personnes qui suivent le mouvement incessant imprimé, de notre époque, aux sciences physiologiques, savent que de semblables dissidences sont on ne peut plus fréquentes. Le célèbre W. Hunter prétendait « qu'il n'y a point eu de grands anatomistes qui n'aient eu de grandes querelles »; on peut en dire autant, Messieurs, de tous les physiologistes, eux dont la science présente tant de doutes et d'incertitudes.

Voici succinctement l'objet du débat dont il est question:

MM. Preisser, Pillore et Melays, d'après leurs expériences, prétendent :

1° Que pendant l'éthérisation le sang artériel devient immédiatement noir;

2° Que cet état précède l'apparition de l'insensibilité;

Et 3° Que, conséquemment, l'insensibilité n'est qu'un phénomène secondaire résultant de l'asphyxie.

Au contraire, MM. Girardin et Verrier ont déduit de leurs expériences les propositions suivantes :

1° Les vapeurs de l'éther et du chloroforme agissent primitivement sur le système nerveux;

2. Les phénomènes d'asphyxie ne se développent que secondairement, si l'emploi de ces agents est trop prolongé.

Et 3o La coloration du sang en noir n'est qu'un phénomène subséquent de l'insensibilité.

Comme on le voit, aucune transaction n'était possible entre des opinions si directement opposées. Aussi, pour asseoir son jugement, la commission devait recourir au moyen qui a jeté les plus vives clartés sur le mouvement intellectuel de notre époque, à l'expérimentation! à l'expérimentation, qui, depuis Galilée, ainsi que l'a dit notre Fontenelle, est devenue comme la maîtresse souveraine de toutes nos sciences physiques!

Vos commissaires, Messieurs, ont suivi cette impulsion, et voici sommairement le récit des expériences auxquelles ils ont assisté, et l'exposé des impressions qu'elles ont laissées parmi eux.

MM. Preisser, Pillore et Melays ont mis à découvert l'artère et la veine crurales d'un chien de moyenne taille ; puis, après avoir introduit le tube d'un entonnoir en verre dans l'intérieur du tuyau de l'appareil de Charrière, ces expérimentateurs ont placé, de vive force, le museau de cet animal dans la partie évasée de cet entonnoir, et soumis le chien à l'action des vapeurs de l'éther.

Au bout de quelques minutes, il fut évident que le sang contenu dans l'artère devenait noir; la sensibilité ne semblait encore avoir subi aucune atteinte apparente; mais peu de minutes après, l'asphyxie était incontestable et l'insensibilité lui succédait.

Cette expérience, analogue à celles qui ont été faites dans la même direction, par M. Amussat, nous a paru

la plus propre à soutenir les prétentions des expérimentateurs, c'est pourquoi nous l'avons citée : les autres, de l'aveu même de leurs auteurs, étaient moins démonstratives.

Cependant, Messieurs, quoique, en apparence, l'expérience précitée ait suivi la marche qu'on en attendait pour prouver que l'asphyxie précédait l'insensibilité, vos commissaires n'ont point paru convaincus.

En effet, l'un des membres de la Commission pensa que, dans cette circonstance, l'animal soumis à l'expérience était plutôt asphyxié que réellement éthérisé.

Deux causes, selon nous, contribuaient à égarer l'expérimentation: la première tenait à ce que le museau du chien étant enfoncé de vive force dans le cône creux de l'entonnoir, la gueule, qui est le principal organe par lequel l'air est introduit dans l'appareil respiratoire, se trouvait forcément fermée, et les narines, elles-mêmes, subissaient une certaine pression qui en retrécissait l'ouverture; la seconde cause, qui contribuait encore à entraver la respiration, c'était l'étroitesse du canal par lequel l'air était livré à l'animal. En effet, le tube de l'entonnoir introduit dans le tuyau de l'appareil de Charrière en avait nécessairement réduit le diamètre de toute l'épaisseur de ses parois; il en résultait que le canal aérifère de cet appareil offrait un bien moindre diamètre que celui de la trachée artère du chien ou de l'ouverture de sa glotte, et que, par conséquent, l'animal ne pouvait recevoir la quantité d'air qui parvient normalement à ses pou

mons.

C'est tout simplement à cette double cause que, selon nous, Messieurs, il faut attribuer la marche insidieuse de l'expérience.

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